Paragraphe1- Insécurité judiciaire, un
atout pour l'arbitrage
C'est un lieu commun que de faire état des
insuffisances de la justice étatique pour expliquer et justifier le
recours des plaideurs à l'arbitrage. En revanche, l'engouement actuel de
l'OHADA pour l'arbitrage tient, en dehors des insuffisances ci-dessus, à
la volonté affichée dans le traité de « faciliter
l'activité des entreprises » et « garantir la
sécurité juridique des activités économiques afin
de favoriser l'essor de celles-ci et d'encourager l'investissement »
. Les insuffisances étatiques sont communes à tous les justices
étatiques (1) et certaines sont propres à la justice
sénégalaise.
-les insuffisances propres à toutes les justices
étatiques
Le recours à l'arbitrage s'explique dans la plupart du
temps par le fait que les milieux d'affaires sont sensibles aux avantages que
présenterait l'arbitrage par rapport à la justice d'Etat qui
serait une justice très lente et une justice très coûteuse.
La justice étatique se caractérise essentiellement par
son manque de flexibilité par rapport à
l'arbitrage.
Un procès devant un tribunal étatique doit
être mené conformément à des règles de
procédure relativement fixes que les parties ne pourront
contourner. De même le juge est lié par un formalisme
assez rigoureux. Notons aussi la difficulté de connaître les
textes juridiques et la trop rare publication de la jurisprudence. Cette lacune
est la conséquence directe du manque de personnel à même
d'effectuer cette tâche. La justice ne peut que mal se porter dans ces
conditions car il y aura des difficultés d'exécution des
décisions et des sentences rendues par les juridictions nationales et
internationales. Aussi, la justice ne sera que mieux faussée
étant donné le nombre insuffisant de magistrats et d'auxiliaires
de justice étant donné la lenteur d'exécution des
décisions de justice. Mais dans la pratique, surtout africaine, de la
justice d'Etat, on sait qu'il est quasiment impossible de suivre à la
lettre les prescriptions des règles processuelles : le manque de moyens
de la justice, les mauvaises conditions de travail des magistrats,
l'inorganisation des greffes et beaucoup d'autres causes font que les
délais pour rendre les jugements et les arrêts sont
démultipliés. Enfin, en allant avec un litige commercial
important devant les tribunaux sénégalais, le juge
compétent pour déterminer ce litige sera un magistrat
territorialement compétent, mais qui ne peut avoir la compétence
technique en matière litigieuse. S'il est saisi, il est tenu de rendre
une décision. Autrement, c'est un cas de déni de justice. Il va
donc prendre le temps de se former, avant de rendre sa décision, et cela
peut prendre du temps, parce qu'il a l'obligation de dire le droit. Or il est
saisi, non en fonction de sa compétence technique, mais de sa
compétence territoriale. Celle-ci peut amener à avoir un juge non
compétent techniquement pour le problème en question. Quand
on saisit le centre d'arbitrage par contre il est proposé une liste
d'arbitres compétents, dans ce domaine. Cet arbitre-là ira
très vite, parce qu'il maîtrise son domaine et, pour cela, va
rendre une décision de spécialiste en la matière, pour
avoir déjà rendu des décisions similaires. Le second
avantage concerne l'intégrité morale du juge choisi, qui sera
honnête et non corruptible. En préférant l'arbitrage, les
parties en conflit peuvent demander à l'arbitre de trancher en amiable
compositeur, c'est-à-dire que l'arbitre dira le droit non en fonction du
droit positif sénégalais, mais de l'équité. Ce sera
une solution plus équitable que juridique. Et là où la
stricte application de la loi peut avoir des conséquences
néfastes pour les parties, on peut l'éviter en optant pour une
justice arrangeante pour les parties. Ce qui n'est pas le cas pour un juge.
-Les insuffisances propres à la justice
sénégalaise
Un des principaux reproches qu'a encouru la justice
sénégalaise dans la période de genèse du
Traité OHADA, c'est de n'assurer aucune sécurité à
l'investissement domestique et surtout, à l'investissement
étranger. Notre justice est considérée comme incapable
d'assurer une jurisprudence ferme du fait de l'éclatement des lieux de
la décision judiciaire suprême. Du coup l'investisseur ne sait
à quel saint se vouer car les interprétations des
éléments identiques d'un même litige seront
différentes selon qu'on est à Dakar, Il y avait donc une
insécurité judiciaire qui n'était en fait qu'un des
avatars de la disparité des législations nationales applicables
aux affaires. C'est pour y pallier que le droit est en train d'être
harmonisé et que la justice l'est déjà au sommet (CCJA) et
d'institutions permanentes d'arbitrage comme le CAMC. Il fallait donc, en
même temps que la création de la CCJA, accepter l'instauration des
centres nationaux d'arbitrage.
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