2.2.2.1. Nécessité d'une évaluation
éthique des demandes de brevet dans le domaine de la santé
Compte tenu des abus et des dérives qui peuvent
caractériser le monopole conféré à l'inventeur par
le brevet, il devient nécessaire de procéder à une
évaluation éthique lors de l'examen des demandes de brevet
présentant un caractère particulier pour la santé
publique. Il serait d'ailleurs souhaitable que cette évaluation
éthique fasse partie intégrante du processus d'examen mis en
place par les offices nationaux136 de brevet ou d'institutions
européennes comme l'OBE et que des comités consultatifs d'experts
indépendants soient créés à cette fin.
A ce sujet, il faut signaler qu'il existe au niveau
européen en matière de biotechnologie une évaluation
générale faite par conformément à l'article 7 de la
directive européenne de 1998 relative au brevet137.
L'évaluation éthique pourra porter sur les conséquences
des brevets sur la poursuite des travaux de recherche et sur l'accès aux
soins de santé, particulièrement en ce qui concerne
l'accès juste et équitable aux nouvelles thérapies.
2.2.2.2. Brevet et transparence
Pour un droit de propriété intellectuelle
responsable, il faut la transparence qu'évoquait déjà
Michel Vivant dans un rapport de synthèse intitulé « La
propriété intellectuelle est-elle une marchandise ?
»138.
Il faut en tout cas « être attentif à un
certain usage de la propriété intellectuelle qui constitue un pur
et simple dévoiement de celle-ci et justifie les critiques dont elle
fait l'objet », ajoute le professeur.
Le brevet a vocation à protéger une «
valeur ajoutée »139 et assurer, quant à celle-ci,
un juste partage de richesses entre l'inventeur et la société. La
valeur propre de certains biens
136 Cet office en France est l'INPI.
137 Directive 98/44/CE du Conseil du 6 juillet 1998 relative
à la protection juridique des inventions biotechnologiques.
138Cf. M. Vivant, « Propriété
intellectuelle et mondialisation : la propriété intellectuelle
est-elle une marchandise ? », Dalloz, Paris, 2004, p. 182.
voudrait qu'on ne les traite pas de la même façon
que d'autres. Ainsi par exemple, on ne traitera pas le piston de la même
manière que le médicament contre le cancer. Il s'agit là
de la catégorie des « biens d'humanité »140.
De tels biens devraient répondre à une logique de
l'accès.
En conséquence, pour rassurer le public, les
laboratoires pharmaceutiques devraient faire la publication complète des
résultats des études cliniques et de l'évaluation
après commercialisation, la traçabilité des
matières premières et des produits, des analyses
coût-efficacité, la mise à disposition par les
sociétés des informations sur leurs prix de revient et leurs
recettes, ainsi que la subvention publique.
Ce n'est qu'en disposant des informations nécessaires
pour évaluer la valeur et le prix des nouvelles thérapies
médicamenteuses que les systèmes de protection de la santé
seront à même de garantir une égalité d'accès
aux soins requis, que ce soit au niveau national ou international.
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