2.1.1.3. Les stratégies d'accord entre firmes
pharmaceutiques et firmes génériques
Les procès intentés par les firmes
pharmaceutiques ne débouchent pas nécessairement sur un jugement.
Dans plusieurs cas, un accord à l'amiable est conclu, à travers
lequel le producteur de médicaments génériques devient un
partenaire de licence du laboratoire pharmaceutique. Ce dernier peut ainsi
assurer la production à grande échelle du médicament
générique, s'assurant du même coup une certaine emprise sur
les volumes commercialisés. Des clauses de restriction
géographiques permettent d'autre part de segmenter le marché
entre les deux partenaires.
127 Dans le cas du Losec (Astra Zeneca), les multiples brevets
déposés pourraient repousser l'entrée des fabricants de
génériques de plus de cinq années.
128 Selon les analyses de Sandy Campart et Étienne
Pfister, « Les conflits juridiques liés à la
propriété industrielle : le cas de l'industrie pharmaceutique et
biotechnologique », op. cit.
Enfin, ces accords, comme ceux signés entre Glazo et
NovoPharm ou entre Pfizer et Mylan, donnent aussi au fabricant du
médicament générique un avantage temporel sur ses rivaux,
lui permettant ensuite d'occuper une position dominante sur le
marché.
D'autres accords voient la compagnie pharmaceutique verser des
indemnités au fabricant de génériques afin qu'il retarde
l'introduction de son produit. Les accords signés entre Ivax et
Abbott 129, entre autres, prévoient ainsi un délai
minimum avant l'introduction du médicament générique. De
tels accords ne sont pas sans poser problème au regard du droit de la
concurrence. En effet, le surplus nécessaire à leur conclusion
provient de l'élimination de la concurrence et s'effectue par
conséquent aux dépens des consommateurs130. Quelle
analyse peut-on alors faire de cette situation ?
2.1.2. L'analyse des différends opposant les
fabricants de médicaments génériques aux laboratoires
pharmaceutiques
Cette analyse nous permettra de voir l'impact de ces litiges
sur l'accès aux soins à partir du constat fait.
2.1.2.1. Constat
L'analyse des différends opposant les fabricants de
médicaments génériques aux laboratoires pharmaceutiques
suggère, qu'en dépit de l'expiration du brevet principal, ces
derniers continuent de s'appuyer sur ce droit de propriété pour
prolonger leur monopole et ralentir ainsi l'introduction sur le marché
des équivalents génériques, soit par la voie d'un
procès, soit par celle d'un accord à l'amiable.
2.1.2.2. Impact des litiges relatifs au brevet
pharmaceutique sur l'accès aux soins
Très clairement, les litiges relatifs à la
propriété industrielle et au brevet en particulier ne sont donc
pas sans influence ni sur le bien-être des consommateurs (car ils
retardent l'entrée de médicaments génériques), ni
sur le rythme de l'innovation (car ils risquent d'entraîner une
distorsion des efforts de recherche). De ce point de vue, plusieurs
questions
129 Intervenant à la mi-1998, l'accord prévoit
que Ivax n'introduira pas son produit soit avant le début de
l'année 2000, soit avant l'entrée d'un autre médicament
générique. En échange, elle perçoit des paiements
trimestriels de 6 millions de dollars jusqu'à l'introduction de son
générique.
130 Une enquête de la Federal Trade Commission est
d'ailleurs en cours au sujet de tels accords (The Economist, 19/05/01).
n'ont pas été abordées ici et sont
laissées pour des recherches futures. Ainsi, le fait que des litiges se
produisent à l'issue des recherches constitue-t-il une source
d'efficience économique ou vaudrait-il mieux qu'ils interviennent
pendant le déroulement des recherches ? D'un point de vue empirique,
quelle doit être l'attitude des autorités vis à vis de ces
stratégies ? Faut-il privilégier ou non l'intérêt
des patients face à celui des firmes pharmaceutiques ? Nous essayerons
d'aborder cette dernière préoccupation à travers quelques
réflexions.
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