2. L'ENJEU DES GÉNÉRIQUES FACE AUX
INTÉRÊTS DES LABORATOIRES PHARMACEUTIQUES
Des batailles juridiques, comme nous l'avons
déjà annoncé, sont expressément menées par
les laboratoires pharmaceutiques pour empêcher l'arrivée des
génériques sur le marché. Ce chapitre sera consacré
dans un premier temps à l'étude de ces conflits juridiques ce qui
nous permettra enfin de poser un regard éthique sur le droit des
brevets.
2.1. Les conflits juridiques relatifs à
l'introduction de médicaments génériques sur le
marché
Des conflits juridiques opposent souvent les producteurs de
générique et les firmes pharmaceutiques lors de l'introduction de
médicaments génériques sur le marché. L'expiration
des brevets à leur terme légal de vingt années autorise en
effet la commercialisation de ces produits à des prix très
compétitifs, leur fabricant n'ayant pas d'importantes dépenses de
recherche et développement à rentabiliser. Il apparaît donc
qu'en dépit de l'expiration du brevet, les entreprises pharmaceutiques
recourent à des procès pour empêcher, ou du moins ralentir,
l'entrée de ces concurrents121. Dans un premier temps, nous
étudions les fondements juridiques et stratégiques de ces
litiges. Dans un second temps, nous analysons les différents accords
à l'amiable signés entre ces firmes.
2.1.1. Les stratégies mis en place
Avant d'aborder ces différentes stratégies, nous
nous intéresserons en premier lieu à l'origine de ces
conflits.
2.1.1.1. L'origine de ces conflits
Les conflits opposant les fabricants de médicaments
génériques aux laboratoires pharmaceutiques présentent
deux caractéristiques distinctes. Premièrement, ces
conflits122
121Les stratégies des firmes en place
à l'encontre de ces nouveaux entrants peuvent bien sûr s'appuyer
sur des mécanismes économiques comme la différenciation et
le renouvellement des produits ou la création de marques
génériques. Cf. LIANG, B. « The Anticompetitive Nature of
Brand-Name Firm Introduction of Generies Before Patent Expiration ».
Antitrust Bulletin Automne, 1996, 599-634.
122 Selon les estimations faites par Sandy Campart et
Étienne Pfister, in « Les conflits juridiques liés à
la propriété industrielle : le cas de l'industrie pharmaceutique
et biotechnologique », Revue d'économie industrielle,
N°99., Numéro spécial, 2e trimestre 2002, 29 litiges sur 36
opposent quasiment systématiquement une grande entreprise plaignante
à un défendeur de petite taille.
opposent quasiment systématiquement une grande
entreprise plaignante à un défendeur de petite taille,
reflétant l'asymétrie existant entre les producteurs de
médicaments phares et les fabricants de médicaments
génériques. Deuxièmement, la très grande
majorité de ces litiges se produisent alors que le défendeur est
déjà en train d'homologuer son produit auprès des
autorités sanitaires (le plaignant étant lui en phase de
commercialisation). Rares sont donc les situations où un fabricant de
médicaments génériques tente d'invalider le brevet de son
adversaire.
En effet, la date d'expiration étant connu de tous,
aucune contestation ne devrait avoir lieu quant à la
légitimité des fabricants de génériques.
Une première source de litige a alors trait aux
éventuelles incertitudes réglementaires, concernant, par exemple,
la durée de protection123 ou les différences
internationales de droit des brevets124.
Mais les principales explications des conflits entre firmes
pharmaceutiques et fabricants de médicaments génériques
font référence à des stratégies d'acteurs bien plus
qu'au droit de la propriété industrielle lui-même.
L'engagement de poursuites permet, tout d'abord, de retarder, à
défaut d'exclure, l'entrée des producteurs de médicaments
génériques de près de deux ans. L'entrée d'un
médicament générique ne peut, en effet, être
autorisée tant que tous les conflits juridiques avec le producteur
original n'ont pas été réglés.
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