1.2.2.1.2. La contre-attaque des laboratoires
pharmaceutiques
Pour contrer le développement des
génériqueurs, les firmes pharmaceutiques emploient diverses
pratiques. Elles se lancent dans des batailles juridiques pour défendre
leurs brevets (ce que nous étudierons plus tard). Elles font aussi appel
à la «fausse innovation»108 changement minime de la
composition ou de dosage de la molécule, par exemple pour prolonger de
quelques années un brevet.109 On a vu aussi fleurir dans les
cabinets des médecins des tampons avec la mention
«non-substituable» obligeant le pharmacien a délivrer
uniquement le médicament prescrit. Ils sont fournis gracieusement
108Les laboratoires font vieillir les produits
substituables en en lançant des versions améliorées".
Celles-ci relèvent parfois du pur marketing.
109 Le laboratoire Eli Lilly a ainsi commercialisé une
version du Prozac à absorber une fois par semaine, contre une fois par
jour précédemment. Cette réaction tend à maintenir
le monopole du laboratoire sur le marché.
par les laboratoires. D'autres «omettent» de citer
les noms de médicaments génériques dans leurs bases de
données, c'est le cas du Vidal, financé par les laboratoires.
Pourtant, malgré ces menaces, l'industrie
pharmaceutique se porte bien110. L'industrie des
génériques reste essentiellement nationale, divisée en une
multitude de petites entreprises, même en Europe. Son
développement reste limité par la disparité des
législations nationales et des obstacles juridiques.
1.2.2.2. Les entraves juridiques à l'essor des
génériques
Ce sont des obstacles qui proviennent soit directement des textes
soit indirectement. 1.2.2.2.1. Les obstacles juridiques directs
Il s'agit essentiellement de la définition restrictive
des génériques et de la multiplicité des brevets portant
sur un même principe actif.
a) Une définition restrictive des
génériques
Le code de la santé publique définit le
générique comme "une spécialité qui a la même
composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même
forme pharmaceutique, et dont la bioéquivalence avec l'autre
spécialité a été démontrée par des
études appropriées... ". Cette définition conduit à
exclure des spécialités qui, bien qu'ayant la même
application thérapeutique, ont une forme pharmaceutique ou un dosage
différents de ceux du médicament de référence
(princeps).
b) La multiplicité des brevets portant sur un
même principe actif
Un principe actif peut faire l'objet de plusieurs
spécialités pharmaceutiques111 qui elles-mêmes
se déclinent en diverses présentations
pharmaceutiques112. On constate souvent qu'un produit faisant
l'objet d'un médicament est protégé par 10 voire 100
fois
110 Haroun Thierry, Médicaments -l'industrie du
médicament générique se porte bien, le Devoir, 2 - 3
octobre 2004.
111 Une spécialité pharmaceutique consiste en
« tout médicament préparé à l'avance, mis sur
le marché sous une dénomination spéciale et sous un
conditionnement particulier ». Cf. Directive 65/65/CEE du conseil du 26
janvier 1965, JO 1965, 22, p.369; article L.511-1 alinéa 5 du code de la
santé publique
112 Les présentations pharmaceutiques se
définissent comme « chaque association, dosage, forme
d'administration ou contenance différente d'une même
spécialité ». Cf. « Les médicaments en France,
chiffres clés », notes internes du SNIP, 1995. Exemple : Doliprane
sirop à 250mg/ml, Doliprane 500mg ou 1000mg...
plus de brevets qu'il n'y a de présentations
pharmaceutiques correspondantes113. Cette situation de fait rend
plus complexe la réalisation d'une copie, puisqu'à une
présentation pharmaceutique ne correspond pas un brevet mais une
multitude de brevets qui peuvent, eux aussi, couvrir à la fois plusieurs
présentations, et même plusieurs spécialités. Ces
différents brevets sont pour la plupart du temps déposés
par le même laboratoire pharmaceutique qui détient le brevet de
produit.
Outre le brevet de produit, le principe actif pourra
être lui aussi protégé par le biais de nombreux autres
brevets.
Tous ces brevets renforcent le brevet de produit et prennent
dans une certaine mesure, le relais dans le temps de la protection
conférée par celui-ci. Par ailleurs, les brevets de
procédés déposés postérieurement au brevet
de produit permettront à leur titulaire de maintenir un certain monopole
sur ce produit au-delà de l'expiration du brevet couvrant celui-ci en
tant que tel. Ces brevets ne doivent pas être sous estimés car ils
représentent de véritables freins à la mise sur le
marché des produits génériques, d'autant plus que les
brevets relatifs aux utilisations ultérieurs ont vu leur nombre se
multiplier avec le temps.
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