1.2.1.2. Impact des génériques sur le
droit
Deux points importants seront abordés : la violation du
droit des marques et les questions de responsabilité.
1.2.1.2.1. Substitution et violation du droit des
marques
La substitution peut entraîner une violation du droit
des marques tant dans le chef du médecin que du pharmacien. Si le
médecin ne prescrit pas en fonction d'une substance mais d'une marque et
que le pharmacien se fonde sur la marque pour délivrer un
médicament générique sans en informer explicitement le
patient et sans requérir son accord, il y a là une violation du
droit des marques, droit qui est protégé entre autres par la
Convention uniforme Benelux sur les marques. La loi nationale sur la
substitution ne change en rien l'application du droit supranational de marque.
Deux réglementations entrent ici en conflit et créent une
incertitude juridique permanente pour les intéressés.
Par ailleurs, la substitution permet à un produit d'une
autre marque de profiter du succès ou de la renommée de la marque
substituée. Cette situation aboutit à un certain
104 Cf. Débats parlementaires, séance du 29
octobre 1998, JO AN (CR) n° 91 du 30 octobre 1998, p. 7695.
parasitisme, une pratique que condamne et réprime la
loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce, et sur l'information et
la protection du consommateur.
Quels sont les problèmes soulevés en matière
de responsabilité ?
1.2.1.2.2. Les questions de responsabilité
L'introduction de la substitution remet en question les
responsabilités respectives des producteurs, des médecins, des
pharmaciens et des pouvoirs publics et pourrait engendrer de nouveaux conflits
de responsabilité : comment se répartiraient les
responsabilités si un effet indésirable survenait à la
suite d'une substitution? C'est surtout dans le cas de traitements à
long terme et de maladies chroniques que la substitution pourrait provoquer de
tels problèmes de responsabilité.
Nous aborderons brièvement les points
spécifiques en matière de substitution qui pourraient mettre en
jeu la responsabilité du prescripteur et celle du pharmacien sur
laquelle nous mettrons un accent particulier.
a) La responsabilité du prescripteur en cas de
substitution
La substitution porte atteinte à la liberté
thérapeutique du médecin. Elle va à l'encontre des actions
entreprises par les pouvoirs publics pour attirer l'attention des
médecins sur leur comportement de prescription. Comment peut-on attendre
d'un médecin qu'il endosse la responsabilité de sa prescription
si des tiers ont la faculté de la modifier? L' étude de la
responsabilité du pharmacien pourra nous situer davantage.
b) La responsabilité du pharmacien en matière
de substitution
En ce qui concerne la responsabilité du pharmacien, il
convient d'insister sur le fait qu'elle n'est globalement pas modifiée :
le prescripteur conserve toute la responsabilité de sa prescription,
puisqu'il a choisi le principe actif, le dosage, la posologie, la durée
du traitement ; le pharmacien demeure quant à lui responsable de la
dispensation, c'est à dire du contrôle de la prescription et de
son exécution. Reste toutefois la question des fameux "excipients
à effet notoire" (EEN).
La responsabilité du pharmacien peut être
engagée en cas d'infraction aux nouvelles dispositions relatives au
droit de substitution (défaut de mentions sur l'ordonnance,
délivrance d'un générique hors de répertoire de
l'AFSSAPS...)
Ces infractions sont passibles des peines prévues
à l'article L. 518 du Code de la santé publique puisque figurant
au chapitre Ier du titre I.
La responsabilité du pharmacien peut également
être engagée lors de la délivrance d'un
générique contenant des excipients à effet
notoire105mentionnés dans le répertoire
différents de ceux du produit prescrit. En effet, si elle ne constitue
pas une infraction aux dispositions relatives au droit de substitution, elle
peut néanmoins engager sa responsabilité contractuelle
lorsqu'elle cause un dommage au patient. C'est pourquoi, lors de la
substitution par une spécialité générique contenant
des excipients à effet notoire mentionnés, mais inexistants dans
la spécialité prescrite par le médecin, le directeur de
l'AFSSPS recommande au pharmacien de ne procéder à la
substitution qu'après l'interrogatoire du patient106. Cet
interrogatoire doit lui permettre d'apprécier si l'utilisateur ne
présente pas le risque de survenue d'effets liés à ces
EEN. Ce qui nous paraît très délicat.
S'agissant des dépassements des 50 centimes dont nous
avons parlé plus haut, une pénalité financière est
prévue en cas de substitution entraînant un surcoût pour
l'assurance maladie. Ainsi, dans l'exercice du droit de substitution, le fait
d'imposer à la sécurité sociale une dépense
supplémentaire supérieure à 50 centimes, oblige le
pharmacien à reverser le surcoût qui ne saurait, dans tous les
cas, être inférieur à un montant forfaitaire fixé
à 100 francs107.
c) Vers un régime de coresponsabilité ?
Les responsabilités respectives du médecin, du
pharmacien et de l'Etat ne sont pas mises au clair. La problématique
sous-jacente portant sur la mise en oeuvre de la responsabilité des
professionnels dans le cadre du droit de substitution, n'est pas
tranchée.
105 Les EEN sont définis comme « tout excipient
dont la présence peut nécessiter des précautions d'emploi
pour certaines catégories particulières de patients » Cf. C.
santé publ., art. R. 5143-8 II modifié par l'article 2 du
décret n° 99-486 du 11juin 1999 relatif aux
spécialités génériques et au droit de substitution
du pharmacien, JO du 12 Juin 1999.
106 Cf. JO du 16 janvier 2000.
107 Arrêté du 11 juin 1999 relatif à la
neutralité financière de l'exercice du droit de substitution au
sein d'un groupe générique, art. 2, JO du 12 juin 1999. 1.
Séance du 16 novembre 1998, JO Sénat du 17 novembre 1998, n°
79 S (CR), p. 4499.
Le système mis en place permet-il d'identifier
clairement les responsabilités thérapeutiques de chacun :
médecins, pharmaciens, Agence Française de Sécurité
Sanitaire des Produits de Santé ?
Le médecin et le pharmacien sont-ils coresponsables du
choix de la prescription indiquée sur l'ordonnance, l'un pour avoir
établi l'ordonnance, l'autre pour avoir délivré le
médicament substitué ? L'intervention de la responsabilité
conjointe du médecin et du pharmacien ne risque-t-elle pas de
créer des situations délicates et de provoquer des contentieux ?
C'est là autant d'interrogations qui méritent d'être
approfondies dans un cadre plus spécifique que le nôtre. En ce qui
nous concerne, nous allons examiner à présent les obstacles
à l'essor des génériques
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