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L'accès aux médicaments et le droit des brevets

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par Magloire AKOGBETO
Université Jean Moulin Lyon 3 - Master droit et management des structures sanitaires et sociales  2005
  

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2.2.2. La flexibilité de la notion de médicament remboursable

la santé de quoi vider le budget total de l'Etat français (...) »58 Cette raillerie du philosophe conduit à une réflexion sur la précarité de la notion juridique de médicament remboursable, dont l'élasticité est directement liée aux politiques gouvernementales mis en oeuvre pour tenter d'endiguer les dépenses pharmaceutiques (1), sans que le droit d'accès au traitement médicamenteux sur lequel elle repose, s'accompagne de garanties juridictionnelles toujours efficaces (2).

2.2.2.1. Du remboursement au "déremboursement" des produits pharmaceutiques

Les contours de la notion de médicament remboursable apparaissent extrêmement mobiles, et sa plasticité traduit une cinétique juridique propre au droit public économique. Il est ainsi marquant de constater que de 1983 à 1993, la liste des spécialités remboursables aux assurés sociaux aura été modifiée en moyenne plus de deux fois par mois par arrêté ministériel59. Or ce mouvement aboutit en fin de compte à un resserrement de la notion de médicament remboursable. De moins en moins de produits sont admis au remboursement, de plus en plus de molécules sortent du champ des spécialités remboursables, le ticket modérateur60 est régulièrement augmenté. D'une politique de remboursement, on passe à une stratégie de "déremboursement"

En suivant la législation française encadrant le remboursement des spécialités pharmaceutiques61 il ressort que depuis le décret-loi du 30 avril 1935 qui pose le principe du remboursement de tout ou partie des frais médicaux, une succession de textes sont intervenus qui, en tendant à la réduction de dépenses de santé, ont limité le remboursement des médicaments, « soit en restreignent le domaine du remboursement, soit en réduisant le taux de remboursement »62. Mais ce qui nous paraît fondamentalement marquant dans cette évolution, c'est le pouvoir croissant accordé par le législateur à l'administration quant à la délimitation concrète de la notion de médicaments remboursables.

58 Cf. M. Villey. Le droit et les doits de l'homme. Paris, P.U.F. coll. «Questions» , 2ème éd. 1990, p 11.

59 Statistiques effectuées par l'auteur à partir des tables annuelles (systématiques) des textes publiés au bulletin du Ministère des Affaires sociales et de l'emploi et du Ministère de la santé et de la famille, au cours des années 1983 à 1993.

60 Le ticket modérateur correspond à la participation financière aux frais médicaux et pharmaceutiques, lissée à la charge de l'assuré. Le principe d'une telle participation est posé par l'article L.322-2 du Code de la sécurité sociale « Dans les travaux préparatoires de la loi de 1928 on avait envisagé d'appliquer le système du tiers-payant : l'intéressé devait acheter à la caisse des tickets de visite représentant sa participation aux frais » (Cf. : J.J. Dupeyroux. Droit de la sécurité sociale. Paris, Précis Dalloz, 12°Ed 1993, p 323.).

61 Cf. J.M. Auby, F. Coustou. Les médicaments spécialisés et les institutions sociales. In Droit Pharmaceutique, Paris 1989, Litec, Fasc 39 pp 2-6.

62 Cf. M. Harichaux. Evolution du remboursement des médicaments. R.D.S.S. n°27, avril-juin 1991, pp. 357362.

L'article 20 de l'ordonnance du 30 décembre 1958, donnait déjà aux ministres chargés de la Santé et des Affaires sociales, le pouvoir de prendre toute mesure réglementaire tendant à différencier le ticket modérateur applicable en matière de remboursement des spécialités pharmaceutiques. Le pouvoir de l'administration sera davantage élargi avec le décret du 18 octobre 196563. C'est avec le décret du 5 juin 196764que s'amorcera véritablement le mouvement de maîtrise des dépenses médicamenteuses par la modification, dans un sens très restrictif, des conditions d'inscription sur la liste des médicaments remboursables.

Assurée de la maîtrise juridique du mécanisme, l'administration sanitaire et sociale peut ainsi sans trop de difficultés modifier le libellé des critères d'inscription sur la liste des médicaments remboursables énoncés à l'article R.163-3 du Code de la sécurité sociale. C'est le cas du décret du 21 novembre 199065, qui notamment subordonne l'inscription non plus à une « présomption » mais à une « démonstration » des conditions posées par l'article R.163-3 du Code de la sécurité sociale. L'adoption de cette formule restrictive marque nettement le lien étroit de dépendance qui existe entre l'étendue de la notion de médicament remboursable, et l'impératif gouvernemental de maîtrise des dépenses de santé.

En France, une série de mesures, procédant d'une régulation administrative des dépenses pharmaceutiques ont ainsi été prises, amorçant un phénomène de resserrement de la notion de médicament remboursable. Cette régulation administrative s'est ainsi illustrée « par la fixation administrative des prix des médicaments, par la hausse du ticket, modérateur de 30 à 60 % sur certaines clases de produit dit de confort, par le déremboursement des vitamines en 1987 ou des anti-asthéniques en 1991, par les baisses " autoritaires" des prix de certaines spécialités coûteuses, par la taxation des dépenses promotionnelles etc. »66.

Mais ce mode de régulation des dépenses médicamenteuses s'est avéré globalement peu efficace. La consommation pharmaceutique n'a cessé de croître et progresse beaucoup

63 L'article 7 de ce décret, publiée au Journal Officiel du 23 octobre 1965 (page 9371), précise par exemple que « des arrêtés conjoints du ministre de la santé publique et de la population et du ministre du Travail peuvent, sans préjudice des pouvoirs d'appréciation de la commission, fixer des normes obligatoires pour le conditionnement et la présentation des médicaments visés par le décret ».

64 Décret n°67-441 du 5 juin 1967 publié au J.O. du 6 juin 1967.

65 Décret n°90-1034 du 21 novembre 1990, J.O. 22 novembre.

66 Cf. C. Le Pen, E. Levy. L'évaluation économique de médicament au service d'une régulation médicalisée des dépenses de santé. Paris 1993, Ed ; John Libbey, p. 1.

plus rapidement que le P.I.B.67. Les prestations de l'assurance maladie consacrées à la pharmacie ont suivi la même évolution atteignant, pour 1992, 65 829 millions de francs.

Pour ces raisons essentiellement financières, les pouvoirs publics ont surajouté au mécanisme de régulation administrative des dépenses pharmaceutiques, un dispositif de « régulation médicalisée ». MM. Le Pen et Levy68 nous proposent une définition de la régulation médicalisée qui se résument en ces termes : celle-ci « reposerait sur une sélection a priori des pratiques et des innovations médicales ayant fait la preuve de leur efficacité, ou à défaut de leur utilité, sur la construction de référentiels de traitement issus de conférence de consensus ou d'avis d'experts, et sur le contrôle a posteriori des pratiques effectives et des normes ». Cette définition comme on le constate, montre l'extension nécessaire des pouvoirs normatif, évaluatif, et de contrôle de l'administration qu'implique toute régulation médicalisée des dépenses pharmaceutiques.

En effet, pour être efficace elle suppose que « la régulation des dépenses pharmaceutiques s'oriente, moins vers la recommandation des traitements efficaces (...), que vers celle des traitements offrant le meilleur coût/efficacité »69. La régulation médicalisée des dépenses pharmaceutiques doit donc être comprise comme une technique de rationalisation budgétaire. Ainsi, dépendante de l'état général des comptes de la Sécurité sociale, la notion juridique de médicament remboursable se trouve progressivement resserrée ce qui limite davantage les possibilités d'accès aux soins et par conséquent les garanties du droit d'accès au traitement médicamenteux.

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