2.2. La prise en charge des médicaments
Pour répondre à la demande de soins et permettre
à chacun quelle que soit sa situation financière,
d'accéder facilement au système de santé, les pouvoirs
publics ont instauré, puis étendu à l'ensemble de la
population, des mécanismes d'assurance couvrant le risque maladie.
Ce système collectif et obligatoire, permet aux
bénéficiaires d'être couverts pour leur consommation
médicale par l'assurance maladie.
2.2.1. Le remboursement des médicaments
En France comme dans les autres pays européens, un
système de remboursement des médicaments est mis en place et
assuré par la collectivité. Ce système fondé sur un
droit de créance sociale repose pour l'essentiel sur la
Sécurité Sociale instituée par l'ordonnance du 4 octobre
1945.
2.2.1.1. L'existence d'un droit d'accès au traitement
médicamenteux
Comme le constate si bien M. Hirsch « l'accès au
soin ne se résume pas à des questions purement
économiques, mais soulève avant tout une problème
éthique. »54 Ce problème est celui de
l'inégalité devant la maladie. En Europe, les solutions
apportées à ce problème trouvent leur racine dans
l'idée de solidarité.
En France, le principe de solidarité trouve sa base
légale dans l'article L.111-1 du Code de la sécurité
sociale, lequel dispose que « l'organisation de la Sécurité
Sociale fondée sur le principe de solidarité nationale assure
pour les travailleurs et leur famille, (...) la couverture des charges de
maladie (...) ». Cependant, la Cour de Cassation dans un arrêt du 20
mai 1989, rappelle que l'on ne saurait tirer de l'article L.111-1 du Code de la
sécurité sociale la justification d'une prise en charge des
spécialités pharmaceutiques ne satisfaisant pas aux
critères d'inscription sur la liste des médicaments
remboursables, tels qu'ils résultent de l'article R.163-3 du Code de la
sécurité sociale, même si ces produits constituent les
seuls médicaments efficaces administrables à la victime d'une
maladie rare55.
Cet arrêt de la Haute Juridiction laisse
déjà entrevoir les butoirs juridiques et finalement les limites
d'une solidarité collective dont les principes sont trop abstraits. De
toutes les façons, avec le développement des systèmes de
protection sociale, l'inégalité initiale devant la maladie se
trouvait réduit grâce à la prise en charge des
dépenses médicales par une collectivité solidarisée
par le principe des cotisations obligatoires.
Cependant, au travers des différentes étapes du
progrès médical se développe l'idée d'une
créance dont disposerait l'individu sur la collectivité,
l'autorisant à revendiquer le bénéfice d'un
véritable « droit de la santé ». Cette idée
trouvera son fondement juridique en France dans le 11° alinéa du
Préambule de la Constitution de 1946, celui-ci disposant que la Nation
« garantie à tous (...) la protection de la santé ».
Mais la notion du droit à la santé dépasse la notion de
maladie à proprement parler et renvoie directement à
l'idée d'un droit à la guérison, garanti ici, non
seulement par la remboursement total ou partiel des frais pharmaceutiques, mais
aussi par un véritable droit d'accès au traitement
médicamenteux efficace.
54 Cf. M. Hirsch. Enjeux de la protection sociale. Paris,
Montchréstien, coll. « Clef Politiques », 1994, 2°ed, p.
57.
55 Cass. Soc., 24 mai 1989, pourvoi n° 87-1037, C.P.A.M. du
Val d'Oise c/Mme Chatelain.
Ainsi, le droit à la santé pris isolement,
apparaît peu significatif, mais il le devient lorsque,
concrètement, la liste des médicaments remboursables contient les
spécialités nécessaires à la guérison de
toutes les maladies médicalement recensées.
C'est également ce qu'on pourrait lire à travers
les trois décisions du Conseil Constitutionnel rendues en 1990 et 1991
relativement au 11ème alinéa du Préambule de la
Constitution de 1946. D. Tabuteau résume la position du Conseil
Constitutionnel en remarquant que pour celui-ci, « le droit à la
santé ne suppose pas seulement une organisation du système de
santé permettant de répondre techniquement aux besoins
sanitaires, il requiert également pour être effectif que chaque
membre de la collectivité puisse financer les traitements et les
thérapeutiques susceptibles de lui être dispensées
»56. On constate donc que le droit d'accès au traitement
médicamenteux, droit de l'homme dérivé du droit à
la santé57 consacré par l'article 25 de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre
1997, pourrait se voir limité par le droit de la propriété
intellectuelle également prévu par la même
déclaration en son article 24.
|