2.1.2. Concession de licences obligatoires et autres
limites 2.1.2.1. Les licences obligatoires
Il existe plusieurs sortes de licences forcées,
certaines remontent à une époque relativement lointaine et
d'autres plus récentes ; le premier type est celui de la licence
obligatoire pour défaut d'exploitation et un second type est
constitué par la licence d'office dans l'intérêt de la
santé publique. Celle qui nous intéresse ici, c'est le second
type de licence.
2.1.2.1.1. Les licences d'office dans
l'intérêt de la santé publique
Comme le prévoient la plupart des
réglementations nationales et l'accord ADIPIC précédemment
évoqué, une licence obligatoire peut être accordée
lorsque la protection par un brevet est contraire au bien commun.
Il y a délivrance de licence obligatoire lorsque les
pouvoirs publics autorisent un tiers à fabriquer le produit
breveté ou à utiliser le procédé breveté
sans le consentement du titulaire du brevet. Si la formule peut s'appliquer aux
brevets dans n'importe quel autre domaine, il faut noter que dans le
débat public actuel, ce sont habituellement les produits pharmaceutiques
qui sont visés. Cette autorisation des licences obligatoires s'inscrit
dans le cadre de la tentative de trouver un équilibre entre le souci de
promouvoir l'accès aux médicaments existants et la promotion de
la recherche et du développement de nouveaux médicaments.
En effet, l'expression "licences obligatoires" ne figure pas
dans l'Accord sur les ADPIC. Cette pratique relève des "autres
utilisations sans autorisation du détenteur du droit" (article 31), dont
les licences obligatoires ne constituent qu'une partie, puisque les "autres
utilisations" comprennent aussi l'utilisation par les pouvoirs publics à
leurs propres fins. Dans le débat public actuel, les licences
obligatoires sont généralement associées aux produits
pharmaceutiques, mais elles peuvent s'appliquer aux brevets dans tout
domaine.
L'Accord sur les ADPIC ne limite pas les raisons pour
lesquelles les pouvoirs publics peuvent concéder des licences
obligatoires. Toutefois, la concession de licences obligatoires ou
l'utilisation par les pouvoirs publics d'un brevet sans autorisation du
détenteur du droit ne peuvent avoir lieu que si plusieurs conditions
destinées à protéger les intérêts
légitimes du titulaire du brevet sont remplies. L'article 31
énumère un certain nombre de ces conditions. Par exemple, la
personne ou la société qui demande une licence doit avoir
essayé en vain d'obtenir une licence volontaire du détenteur du
droit à des conditions commerciales raisonnables. Toutefois, lorsqu'il
s'agit de situations d'"urgence nationale", d'"autres circonstances
d'extrême urgence" ou d'"utilisation publique à des fins non
commerciales" ou qu'il faut remédier à des pratiques
anticoncurrentielles, il n'est pas nécessaire d'essayer d'obtenir une
licence volontaire. Si une licence obligatoire est délivrée, le
détenteur du droit doit quand même recevoir une
rémunération adéquate, compte tenu de la valeur
économique de l'autorisation (article 31 h).
53 Cette exception a été introduite dans le Code
de la santé publique par la loi L. n° 2004-800 du 6 août
2004, art. 18.
En France, l'article L. 613-1653du Code de la
santé publique dispose que : « Si l'intérêt de la
santé publique l'exige et à défaut d'accord amiable avec
le titulaire du brevet, le ministre chargé de la protection industrielle
peut, sur demande du ministre chargé de la santé publique,
soumettre par arrêté au régime de la licence d'office, dans
les conditions prévues à l'article L. 613-17, tout brevet
délivré pour :
a) Un médicament, un dispositif médical, un
dispositif médical de diagnostic in vivo, un produit
thérapeutique annexe ;
b) Leur procédé d'obtention, un produit
nécessaire à leur obtention ou un produit de fabrication d'un tel
produit ;
c) Une méthode de diagnostic ex vivo
Le même article ajoute que les brevets de ces produits,
procédés ou méthodes de diagnostic ne peuvent être
soumis au régime de la licence d'office dans l'intérêt de
la santé publique que lorsque ses produits, ou des produits issus de ces
procédés, ou ces méthodes sont mis à la disposition
du public (L. n° 2004-1338 du 8 décembre 2004) « en
quantité ou qualité insuffisantes » ou à des prix
anormalement élevés, ou lorsque le brevet est exploité
dans des conditions contraires à l'intérêt de la
santé publique ou constitutives de pratiques déclarées
anticoncurrentielles à la suite d'une décision administrative ou
juridictionnelle devenue définitive.
Enfin lorsque la licence a pour but de remédier
à une pratique anticoncurrentielles ou en cas d'urgence, le ministre
chargé de la protection industrielle n'est pas tenu de rechercher un
accord amiable »
On constate à travers ces dispositions que les
inquiétudes légitimes des populations à propos de la
protection par les brevets des médicaments sont explicitement prises en
compte à côté des intérêts des inventeurs.
Mais qu'en est- de son application dans la réalité ? C'est ce sur
quoi nous allons nous appesantir dans la seconde partie de notre travail. Avant
d'y parvenir, voyons les limites au recours aux licences obligatoires puis les
autres exceptions au brevet.
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