2.1.1. Importations parallèles et
"épuisement" des droits
Ces exceptions au droit des brevets seront étudiées
l'une après l'autre.
2.1.1.1. Le droit des brevets limités par la
théorie de l'"épuisement" des droits
En l'absence d'harmonisation complète des
législations nationales, les Etats membres demeurent libres de
conférer au détenteur de brevet un monopole d'exploitation sur le
territoire duquel elle s'applique. Ce monopole permet à son titulaire de
s'opposer à toute importation sur le territoire national de produits
identiques à ceux couverts par le droit de la propriété
intellectuelle47.
Mais dans un contexte de marché unique il a
été nécessaire de concilier la protection de la
propriété industrielle et le principe de la libre circulation de
marchandise.
La Cour de justice des communautés européennes a
apporté une solution à ce problème en affirmant que :
« (...) si le traité n'affecte pas l'existence de droits reconnus
par la législation d'un Etat membre en matière de
propriété industrielle et commerciale, l'exercice de ces droits
n'en peut pas moins selon les circonstances, être affecté par les
interdictions du Traité48 ».
Il en résulte que la réglementation nationale a
compétence pour fixer les règles relatives à l'existence
des droits de propriétés industrielles, mais c'est le droit
communautaire qui encadre l'exercice de ce droit.
Ainsi, les droits de propriété intellectuelle
accordés par les législations nationales peuvent être
considérés comme des restrictions aux échanges entre les
Etats membres visés par l'article 30 du Traité de Rome.
Cependant, ces législations peuvent être justifiées au
regard de l'article 36 du même Traité, par des raisons « de
protection de propriété industrielle et commerciale ».
En vérité, « la Cour de justice n'a jamais
voulu reconnaître au titulaire du brevet un droit de suite sur les
médicaments couverts par des droits exclusifs, ce qui aurait permis au
titulaire, en cas d'importations parallèles, de se protéger
contre la concurrence de ses
47 J. Azéma, « Le brevet pharmaceutique »,
Juris-classeur commercial, 1995, fasc. 4280, p. 4
48 C.J.C.E. 31 oct. 1974, Centrafarm BV et A. De Peijper c/
Sterling Drug, Aff. 15/74, Recueil p. 1147, point 6, concl. A. Trabucchi.
produits49 ». Dans un arrêt en date du
31 octobre 197450, la Cour montrait clairement que l'objet
spécifique du droit des brevets consiste « notamment à
assurer au titulaire, afin de récompenser l'effort créateur de
l'inventeur, le droit exclusif d'utiliser une invention en vue de la
fabrication et de la première mise en circulation des produits
industriels, soit directement, soit par l'octroi de licence à des tiers,
ainsi que le droit de s'opposer à toute contrefaçon ».
Du coup, conformément à la théorie
d'origine allemande « d'épuisement du droit » contenue dans la
convention de Munich et consacrée par la jurisprudence de la Cour de
justice des communautés européennes, par la mise sur le
marché et la commercialisation, le
titulaire du brevet épuise son droit ; il ne peut plus
contrôler les actes de commercialisation
subséquents51. Cette théorie a été
transposée en droit interne français par la loi du 13 juillet
197852 dans la mesure où l'article L. 613-6 du Code de la
propriété intellectuelle précise que « les droits
conférés par le brevet ne s'étendent pas aux actes
concernant le produit couvert par ce brevet, accomplis sur le territoire
français, après que ce produit a été mis dans le
commerce en France ou sur le territoire d'un Etat partie à l'accord sur
l'Espace économique européen par le propriétaire du brevet
ou avec son consentement exprès ». Ce qui consiste à limiter
les prérogatives du breveté, après que certains actes
aient été accomplis par lui-même ou avec son consentement
sur le produit objet du brevet, en considérant qu'il a
épuisé les droits que lui conférait le brevet. Il n'est
plus en mesure d'invoquer son droit de propriété intellectuelle
pour faire obstacle à des transactions ultérieures
réalisées par des tiers.
En définitive, la protection conférée par
le brevet se trouve ainsi limitée par la théorie de «
épuisement du droit ». Si elle semble ne pas servir les
intérêts du breveté, elle est néanmoins favorable
à l'accès aux médicaments, ce que nous verrons dans le
cadre des importations parallèles.
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