1.2.2.2. Etude de l'Impact de l'extension de la protection
par brevet aux produits pharmaceutiques
La protection des données de la recherche
empêchant leur utilisation par des concurrents potentiels et certaines
dispositions nationales concernant l'autorisation de mise sur le marché
des médicaments peuvent avoir pour effet de limiter la concurrence. Mais
il est difficile de savoir si, et dans quelle mesure, ces dispositions
nationales contribuent à stimuler le comportement souhaité ou
entravent au contraire l'accès aux produits innovants. En outre, des
accords commerciaux bilatéraux et régionaux qui mettent en avant
les considérations économiques peuvent ne pas prendre en compte
la nécessité d'accorder un traitement spécial aux produits
de santé. Il serait donc intéressant de savoir si le fait
d'étendre le champ de la protection conférée par le brevet
aux mécanismes d'action, utilisations et autres traits
caractéristiques d'un produit pharmaceutique encourage ou entrave
l'innovation à long terme.
Quelles sont alors les incidences des brevets pharmaceutiques
sur la recherche et le développement, les profits de l'industrie
pharmaceutique et le coût des médicaments pour les consommateurs.
Notre analyse portera d'une part sur les impacts au niveau de l'industrie et
d'autre part sur le coût des médicaments.
1.2.2.2.1. Impacts au niveau de l'industrie
pharmaceutique
Nous verrons ici l'impact sur la recherche et le
développement dans un premier temps, puis dans un second temps celui
relatif aux recettes et aux profits de l'industrie.
a) Impact sur la recherche et le développement des
produits pharmaceutiques
Les fabricants de produits pharmaceutiques affirment que la
protection conférée par les brevets doit être d'envergure
afin qu'ils puissent recouvrer les coûts substantiels de recherche et de
développement qu'ils encourent. Ils maintiennent également que la
protection par brevet stimule l'investissement dans la recherche et le
développement, améliorant ainsi l'activité
économique de l'industrie et le développement de produits
nationaux.
A vrai dire, relativement peu de médicaments arrivant
sur le marché constituent des « percées ». En France,
les nouveaux médicaments sont évalués par l'équipe
de la revue Prescrire. Entre 1981 et 1997, Prescrire a rendu
compte de l'évaluation de 1536 médicaments : sept d'entre eux
constituaient des innovations thérapeutiques majeures dans un domaine
où aucun traitement n'avait existé auparavant; 60 étaient
des innovations thérapeutiques importantes, moyennant quelques
limitations; 149 possédaient une certaine valeur mais n'apportaient
aucune modification fondamentale à la pratique thérapeutique en
vigueur; 330 d'entre eux avaient peu de valeur et n'étaient
destinés à changer les habitudes de prescription que dans des
circonstances exceptionnelles; 850 d'entre eux n'offraient aucun nouvel
avantage clinique comparativement aux produits déjà disponibles;
49 d'entre eux n'offraient aucun avantage clair mais présentaient, au
contraire, des inconvénients réels ou potentiels;
l'évaluation des 91 autres produits a été
reportée.
Le renforcement de la protection conférée par
les brevets ne constitue qu'un seul facteur visant à favoriser
l'investissement dans la R&D. Un autre facteur réside dans les
avantages offerts dans le cadre du système fiscal français. Si
cela est le cas, le résultat final n'offre aucun avantage additionnel
aux consommateurs. De plus, même l'avantage présumé pour
l'économie française doit être soupesé contre le
fardeau social que cela représente en termes d'accès aux soins de
santé et les coûts économiques que cela entraîne pour
consommateurs et assureurs, autant privés que publics.
b) Impact de la protection par brevet sur les recettes et les
profits de l'industrie
Ceux qui critiquent la position de l'industrie pharmaceutique
font remarquer que, malgré les affirmations de cette dernière
quant à ses coûts élevés de recherche et de
développement, l'industrie n'est pas en train de souffrir sur le plan
financier. En effet dans son numéro d'avril 2000, la revue Fortune a
placé les fabricants de médicaments d'origine au premier rang des
industries les plus profitables de la planète. Selon le rapport, les
fabricants de médicaments d'origine auraient connu un très
respectable rendement de l'avoir des actionnaires d'environ 36 %. Le
système de licences obligatoires en place n'aurait pas nui à la
profitabilité de l'industrie pharmaceutique.
En effet, malgré l'importante croissance qu'a connue
l'industrie générique, les fabricants de médicaments
brevetés ont continué d'amasser d'excellents profits. La
profitabilité de l'industrie pharmaceutique découle en partie de
l'énorme demande pour ses produits. Contrairement à d'autres
produits de consommation, les médicaments d'origine contribuent de
façon essentielle (estime-t-on) au maintien de la santé, et peu
d'alternatives sont disponibles (semblerait-il), grâce, en partie,
à la protection conférée par les brevets. Les prix
constituent sans doute le meilleur reflet de l'emprise que maintient
l'industrie sur le marché. Les prix « sortie usine » ne
reflètent pas les coûts de production. Rien ne laisse croire que
les profits de l'industrie sont en train de diminuer.
L'industrie pharmaceutique maintient que le prix actuel de ses
produits est fixé en tenant compte des coûts de recherche et de
développement. Elle soutient également que la R&D ne serait
pas soutenable sur le plan financier en l'absence d'une période de
protection par brevet de longue durée et du maintien du prix actuel.
Bien qu'il soit reconnu que les brevets devraient conférer une
protection raisonnable, les facteurs mentionnés ci-dessus font
contrepoids à l'argument selon lequel les prix actuels seraient toujours
nécessaires pour recouvrer les coûts de la recherche et du
développement.
|