1.2.2. La portée d'un brevet visant un
médicament
Nous examinerons ici les différentes incidences du
brevet de médicament notamment sur l'accès aux soins de
santé. Nous commencerons d'abord par une étude des droits
conférés par un brevet de médicament.
1.2.2.1. Les droits conférés par le brevet de
médicament
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, un brevet ne
confère ni un droit exclusif d'exploitation de l'invention ni un droit
de propriété mais un titre permanent d'empêcher les tiers
d'exploiter ou de réaliser l'invention. Comme mentionné dans le
considérant n° 14
42 Directive 2001/83/CE et règlement 2309/93
de la directive européenne, « un brevet
d'invention n'autorise pas son titulaire à mettre son invention en
oeuvre, mais se borne à lui conférer le droit d'interdire aux
tiers de l'exploiter à des fins industrielles et commerciales
»43.
Le brevet destiné à protéger la
propriété intellectuelle de l'inventeur doit être
demandé relativement tôt après la découverte du
nouveau médicament pour éviter les risques de divulgation ou
l'aboutissement de recherches menées en parallèle. Par
conséquent, le brevet est généralement
déposé avant l'autorisation de mise sur le marché,
dès la phase expérimentale et notamment pendant les essais
clinique. « A prendre le brevet trop tôt on s'expose, à
l'inverse, au risque de n'être plus protégé suffisamment
longtemps après la mise sur le marché, et d'être trop vite
soumis à la concurrence des génériques
»44.
Pour obtenir la protection, l'inventeur doit divulguer les
résultats de son invention. Il se voit attribuer en contrepartie pendant
20 ans un monopole d'exploitation. Ce droit résulte de l'article L.
613-3 du Code de la propriété intellectuelle qui précise
que « sont interdites, à défaut de consentement du
propriétaire du brevet :
? la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce,
l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins
précitées du produit objet du brevet ;
? l'utilisation d'un procédé objet du brevet ou,
lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que
l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du
propriétaire du brevet, l'offre de l'utilisation sur le territoire
français ;
? l'offre, la mise dans le commerce ou l'utilisation ou bien
l'importation ou la détention aux fins précitées du
produit obtenu directement par le procédé objet du brevet
»
Ainsi, dès qu'un médicament est breveté,
« les entreprises concurrentes se heurtent à une barrière
à l'entrée du marché. Trois possibilités s'ouvrent
à elles, soit abandonner le marché et laisser le champ libre
à l'entreprise innovatrice d'amortir ses frais de recherche par son
monopole, soit acheter des licences ou enfin, se lancer dans la production d'un
produit similaire. Elles doivent alors à leur tour consentir un effort
de recherche. Elles y sont contraintes par les nécessités du
marché »45.
43 Cf. Convention sur la délivrance de brevets
européens, signée à Munich le 5 octobre 1973.
44 P. Pignarre, «Qu'est-ce qu'un médicament ? Un
objet étrange, entre science, marché et société
», Paris, éd. La Découverte, 1997, p. 100.
45 J. Le Dimet, « Brevet et performances internationales
de l'industrie pharmaceutique », Thèses Economie et finances
internationales, Grenoble 1988, p.110.
46 Selon l'article L. 612-6 du Code de la
propriété intellectuelle « les revendications
définissent l'objet de la protection demandée. Elles doivent
être claires et concises et se fonder sur la description ».
Toutefois, ce monopole d'exploitation du détenteur du
brevet est déterminé dans son étendue par les
revendications,46 c'est-à-dire par l'objet de l'invention.
En outre, quoique le brevet soit un instrument juridique
essentiel pour protéger le breveté, il se trouve limité
puisque la protection qu'il confère n'est que temporaire
conformément à la théorie de l'épuisement du droit
qu'on étudiera plus tard.
A présent intéressons-nous à l'impact
réel de la protection par brevet dans le domaine
de la santé.
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