Comme le miel attire les abeilles,
l'insécurité alimentaire attire nombre d'acteurs. Chacun y va de
ses stratégies mais toutes visent le même objectif a priori :
l'autosuffisance alimentaire permanente des populations. Ces acteurs sont
l'Etat, les bailleurs de fonds, les organismes internationaux, les ONG, le
secteur privé et les populations. La circulation des informations entre
les divers intervenants est floue ; tous évoluent en rang
dispersés.
BIYONG BIYONG affirme à cet effet que
:
« Il est dificile de savoir ce que font les
uns et les autres, bref l'on constate qu'il y a un manque de transparence sur
ce que fait chaque différent acteur ou catégorie d'acteurs. La
consultation entre les différents acteurs est insuffisante dans la
région et beaucoup d'interférences sont légion
»123.
La nécessité s'impose donc à
l'Etat, qui est le garant du bien-être des populations, d'encadrer et
d'harmoniser les actions de tous les intervenants. Ces actions parcellaires
peuvent être mises en commun afin de permettre une optimisation des
résultats. Tous les intervenants doivent inscrire leurs actions dans le
respect du cadre institutionnel existant et des politiques adoptées par
le gouvernement.
Un premier pas dans ce sens a été
franchi en 1986 avec la création, par décret N°86/1411 du 24
novembre 1986, d'un Comité de gestion de l'assistance de la FAO et du
PAM, sous la tutelle du MINAGRI (devenu MINADER).
Selon ce décret, le comité est
chargé de la gestion, du suivi et de la coordination de
toute
forme d'assistance dispensée ou initiée au
Cameroun par ces deux organismes. A cet effet, il :
- identifie, formule, exécute ou suit
l'exécution, en rapport avec les départements ministériels
et organismes concernés des projets et programmes d'action
concrète dans lesquels cette assistance est octroyée
;
- coordonne et suit les activités des deux
institutions et celles de leurs programmes spéciaux entreprises au
Cameroun dans le domaine de l'alimentation et de l'agriculture notamment dans
les secteurs de la production végétale et animale, la
pêche, la foresterie, la formation, la recherche et la vulgarisation
;
123 BIYONG BIYONG, op.cit., p.40.
- assure avec les représentants de la FAO et du
PAM l'évaluation des projets et programmes assistés ;
- assure des liaisons permanentes entre les
différents ministères et organismes publics
intéressés par les activités de la FAO et du PAM
;
- centralise les contributions, subventions, dons de
toutes origines destinés à soutenir la réalisation de son
programme d'actions concrètes d'une part, et d'autre part supervise sous
l'autorité du ministère de tutelle toutes les opérations
ayant trait à la gestion de l'assistance alimentaire d'urgence en cas de
calamité ;
- organise et exécute en rapport avec le
représentant-résident du PAM, toute opération d'achat et
de distribution de produits alimentaires locaux dans le cadre de la politique
des transactions triangulaires définies par le PAM dans le but de
stimuler la production alimentaire nationale et de favoriser la
coopération technique entre pays en développement.
Dans le cadre de ses activités, le
comité dispose de trois magasins de stockage à Maroua, Garoua et
Ngaoundéré respectivement. Il assure le stockage, la manutention
et le transport des vivres depuis ces magasins jusqu'aux
bénéficiaires (écoles, villages ...). Les activités
du comité sont coordonnées par un Secrétaire
Permanent124.
Mais, l'Etat devrait encore mieux faire dans
l'encadrement des structures de développement rurales et plus
particulièrement les OPR. Regroupées au sein de GIC, les
populations essaient de trouver des solutions communes à
l'insécurité alimentaire. Ces GIC travaillent ainsi dans des
domaines aussi variés, qui vont de l'agriculture à
l'élévage en passant par le commerce. L'agriculture est cependant
l'activité qui prédomine, compte tenu du fait qu'elle constitue
un des principaux leviers de son économie. Plus de 90 % de ces GIC font
de l'agriculture leur activité principale. Environ 5 %
développent des activités mixtes, parmis lesquelles
l'agriculture.
Cette agriculture concerne :
- la maîtrise des techniques culturales, la
maîtrise de l'usage des herbicides ; - la production et la
commercialisation d'oignons ;
- la production et la vente d'intrans agricoles
;
- la production du sorgho, du maïs, de l'arachide,
du niébé et du coton
124 L'actuel Secrétaire Permanent est M. Othon
MATAPIT, ingénieur agronome.
L'élevage est pratiqué par une
minorité et est orientée vers :
- les espèces bovines ;
- les caprins ;
- les volailles ;
- les porcins.
Le commerce est pratiqué par une minorité,
et concerne la vente d'intrans agricoles, de produits pharmaceutiques, la vente
d'espèces produites par différents acteurs.
L'Etat decrait mettre l'accent sur les OPR de femmes
dans la mesure où, selon Astadjam YAOUBA,
(( au-delà des bénéfices
tangibles qu'elles apportent ou souhaitent apporter à la
communauté, le regroupement des femmes au sein des OPR est une
manière pour elles de s'imposer, de tenter d'obtenir une reconnaissance
sociale, puisqu'elles sont quotidiennement marginalisées et exclues des
sphères de décision. Elles cherchent par là une autonomie
vis-à-vis des hommes et de leur isolement familial : elles peuvent
sortir, travailler ensemble, faire des projets en commun, échanger leurs
points de vue sur l'avenir et même la vie quotidienne de la
communauté »125.
L'Etat est interpellé en vue de
résoudre les différends qui émaillent les relations entre
ces GIC et les autorités traditionnelles. Lesdites relations ne sont pas
totalement neutres. La plus souvent, elles sont empreintes d'inimitié.
Plusieurs GIC se plaignent de l'attitude et du comportement des lawane et des
djaworo qui, selon eux, loin de leur vouloir du bien, cherchent à
détourner leurs avoirs. L'Etat devrait codifier ces rapports afin de les
rendre plus harmonieux et donc plus propices au
développement.
L'Etat lui-même n'est d'ailleurs pas exempt de
tout reproche dans ses rapports avec les OPR puisque à
l'intérieur des groupements, des mécontentements sont
perceptibles chez les ruraux, car l'Etat, pour décider du financement
d'un projet, élabore ses propres critères, fixe les
règles, et les paysans n'ont pas d'autre choix que de s'y soumettre et
d'attendre passivement. De plus, continue Astadjam YAOUBA,
(( la plupart des GIC de Pitoa sont unanimes sur
les difficultés que leur pose le manque de politique agricole. Outre
cette défaillance de l'Etat au niveau de la politique agricole, son
souci d'accroître ou de préserver son influence sur le terrain est
également un facteur limitant pour les OPR. Les logiques sont
quelquefois opposées entre l'encadrement administratif et les paysans.
L'Etat, dans ses interventions, cherche à appliquer un programme qui a
été élaboré dans
125 Astadjam YAOUBA, op. cit.,
p.68.
le cadre d'une structure hiérarchique,
pendant que les paysans ont pour souci d'adapter des stratégies de
production à un contexte fluctuant
»126.
Tous ces dysfonctionnements de l'administration ne
représentent pas pour les OPR un environnement bénéfique.
La naissance et la consolidation des dynamiques paysannes nécessitent
des conditions favorables qui dépendent en grande partie de l'Etat car,
il est de son ressort de contribuer à définir des règles
du jeu claires et précises. Ainsi, les GIC pourront s'investir
totalement dans la production agricole qui est leur cheval de bataille et
participer à la réduction de l'insécurité
alimentaire dont les populations sont victimes.