V- LES AUTRES PISTES POUR AMÉLIORER LA
SÉCURITÉ
ALIMENTAIRE
Quelques autres solutions peuvent être
brièvement passées en revue en vue de faire barrage à
l'insécurité alimentaire dans la région du
Nord.
> L'amélioration du réseau routier et
de la circulation Nord-Sud
Le Cameroun dispose, sur le plan national, d'un
ensemble de routes d'une longueur d'environ 50.000 km (hors voiries
urbaines)127. La stratégie d'entretien du programme sectoriel
des transports adoptée en 1992 a introduit la notion de «
réseau prioritaire ». Le réseau jugé non
prioritaire représente 43% du réseau national. Le
désengagement des travaux publics sur certains tronçons
secondaires est parfois relayé par des sociétés comme
c'est le cas dans la région du Nord avec la SODECOTON pour
évacuer sa production cotonnière.
Par conséquent,
« Les communications entre le Nord et le Sud
du pays restent difficiles à cause du manque ou de la mauvaise
qualité des routes. Pour ne pas concurrencer le rail, il n'existe pas
jusqu'à présent une route bitumée qui relie le Sud du Nord
»128.
126 Astadjam YAOUBA, op. cit.,
p.92.
127 Source Ministère des transports.
128 Fernand Guy ISSERY in Atlas de l'Afrique.
Cameroun, p.92.
Or le Sud Cameroun (avec l'Ouest
bamiléké et le pays éton), constitue ce que Antoine SOCPA
appelle les zones « à hautes aptitudes agronomiques
»129. L'ouverture des voies de communication et la
circulation effective des biens pour l~approvisionnement rapide du
Nord-Cameroun en produits vivriers du Sud pourraient constituer une solution
à la crise alimentaire de la région du Nord. Ainsi, les
marchés, en temps de disette, seraient achalandés des
denrées venues du Sud. La seule inconnue est l'adaptabilité
desdits vivres aux habitudes alimentaires plus ou moins figées des
populations.
Cependant, depuis la dévaluation du franc CFA
et avec l'inflation et les taxes, ce transport des denrrées du Sud vers
le Nord est très difficile. Les commerçants se plaignent par
exemple de l'augmentation de la Taxe sur le Chiffre d'Affaires (TCA) à
18,7 % et la hausse du coût de transport qui est arrimé à
celui du carburant. S'ils veulent conserver leur marge
bénéficiaire et récupérer leurs investissements,
ils sont obligés de vendre à des prix élevés qui ne
correspondent pas toujours au pouvoir d'achat très réduit des
consommateurs.
Par ailleurs, entre le Nord et le Sud, il faut
franchir d'innombrables barrières de police et de contrôles
douaniers oft les transporteurs laissent souvent des plumes quelle que soit la
régularité de leurs papiers. Autant d'obstacles qui pèsent
sur lourdement sur les coûts de transaction.
Même à l~intérieur de la
région, le réseau routier est tellement insuffisant que de
nombreux villages restent inaccessibles pendant la saison de pluies. Les
paysans ne peuvent plus écouler le surplus de production au niveau des
marchés saisonniers. Voilà pourquoi en période de soudure,
l'acquisition de certaines denrées alimentaires constitue une gagure
pour les populations. Et même si les produits alimentaires, intrans
agricoles existent, ils sont renchéris suite à
l~éloignement.
En outre, les coupeurs de route créent un
climat d'insécurité permanent et empêchent ou
réduisent l~approvisionnement du Nord du pays. Par la même, ils
émoussent les intentions de ceux qui veulent se lancer dans le transport
du Sud vers le Nord et vice-versa.
L'Etat est alors interpelé pour se
réinvestir dans l~aménagement de son parc routier car comme dit
l'adage, « là où la route passe, le développement
suit ». Il doit encourager les transporteurs en leur procurant une
sécurité maximale. Les efforts des Brigades d'Intervention
Rapides (BIR) sont certes appréciables, mais la situation
sécuritaire reste instable. La diminution des tracasseries
policières et douanières est souhaitée car les coûts
d'investissement en seraient réduits ; les prix sur le marché
également.
129 Antoine SOCPA,
op.cit.
> L'amélioration de l'information sur les
marchés
Une autre solution serait l'amélioration de
l'information sur les marchés. En effet, la production des informations
fiables sur les zones à production agricole potentielle permettra
à temps réel des acquisitions que l'on pourra par moment
atténuer des crises alimentaires. La mise au point de
l'agrométéorologie, l'usage de l'indice de
végétation (système d'interprétation
géographique) et la relance du système d'alerte rapide semblent
nécessaires. Ces outils nouveaux jouent un grand rôle de
prédiction et de prévention des risques de pénurie
alimentaire. Peut-être faille t-il former les camerounais pour
améliorer d'éventuels services existants et pour créer une
véritable veille de ces différents services.
> L'intensification de la lutte contre les
acridiens
La lutte contre les fléaux tels les oiseaux et
les insectes granivores doit être intensifiée. MEYA GARBA nous
apprend à cet effet que :
« Nous avons demandé au Préfet
de dire au Gouvernement qu'au lieu de faire qu'on nous donne l'aide
alimentaire, qu'ils viennent lutter contre les criquets. Nous connaissons
là où les essaims se forment. Avec les avions et les
insecticides, on peut bien les tuer. C'est vrai que les criquets mangent nos
récoltes, mais nous les mangeons aussi ».
L'une des problématiques de la lutte contre
les essaims de criquets est l'usage de grandes quantités d'insecticide,
malgré les effets polluants sur le milieu biologique. Le criquet
pèlerin possède des prédateurs naturels : les
hérons, les cicognes, les lézards, les rats, les singes, en sont
friands. Mais la consommation de tous ces insectivores est largement
dépassée par la rapidité du cycle reproducteur du criquet
pélerin. Les femelles sont très prolifiques et en quelques mois,
soit trois ou quatre générations, un essaim peut multiplier ses
effectifs par 10.000, voire 1 million130. Des mouches, des
guêpes et des coléoptères s'attaquent aux Sufs, des
araignées à ses larves. Mais ces prédateurs sont beaucoup
moins prolifiques et ne peuvent non plus pourchasser les essaims dans leurs
migrations.
Les micro-organismes sont également un
système de lutte envisagé. La substance provenant de
bactéries (Bacillus Thuringiensis), la bactospénie
PM est très efficace contre les chenilles et les papillons. Mais
elle est éliminée par le système digestif des acridiens.
Aux USA,
130 Michael ANSTEY, op.cit , p.
630.
on pulvérise des Nozemas, protozoaires
parasites habituels des criquets. Efficace sur les sédentaires, la
méthode semble inopérante sur les migrateurs. Plus prometteuse
semble la production par synthèse de toxines de champignons.
Le principal moyen de lutte est donc la lutte
chimique. L'expérience a montré qu'arroser chimiquement les
nuages d'insectes volants est inefficace. Les doses mortelles mettraient en
péril tous les êtres vivants de la contrée. Le traitement
retenu se pratique le matin, juste avant l'envol. Pour empêcher les aufs
d'éclore, il est parfois recommandé de labourer le sol à
grande profondeur. Mais, le plus souvent, le relief et les moyens
d'accès l'interdisent.
Soutenus par les écologistes, les
pyréthrinoïdes sont des molécules de synthèse
copiées sur les toxines naturelles du pyrèthre, un
végétal qui pousse en Afrique. Efficaces mais peu
rémanents, ces produits exigent des pulvérisations
fréquentes et coûteuses. L'Etat peut s'en occuper dans la mesure
où il dispose de moyens matériels et humains que les populations
elles n'ont pas.
La plus heureuse surprise est venue avec les
dérégulateurs de croissance comme le Téflubenzuron.
Répandue sur les larves, avant la poussée des ailes
définitives, cette sorte d'hormone empêche le raidissement du
nouveau squelette de chitine lors de la dernière mue. Ne pouvant
s'extraire de leur tégument précédent, 99 à 100
pour 100 d'insectes meurent avant d'avoir pu s'envoler. Inoffensive pour les
oiseaux et les mamifères, cette potion peut-être dangereuse pour
les autres insectes.
> La diversification des sources de
revenus
Afin de réduire la dépendance des
populations vis-à-vis des céréales, il serait
bénéfique pour elles de diversifier leurs sources de revenus.
L'enjeu dans ce cas est double dans la mesure où non seulement les
réserves alimentaires ne sont pas utilisées à d'autres
fins qu'à la consommation par les populations, mais en plus une large
marge de manSuvre sera accordée aux individus qui vont disposer de
moyens substanciels pour acquérir des denrées
supplémentaires ou toute autre chose.
Nous pensons que les populations de la région
du Nord peuvent s'intéresser à la production à une
échelle commerciale d'une plante qui est déjà, fort
heureusement, fortement ancrée dans leurs habitudes alimentaires et qui
est appréciée pour les vertus qui lui sont imputées non
seulement dans la région, mais aussi hors des frontières
régionales. De plus, elle s'adapte parfaitement aux conditions
climatiques de la région et ne pose pas un problème de
conservation dans la mesure où elle est consommée aussi bien
fraîche que sèche. Il s'agit de l'oseille de
Guinée plus connue dans la région sous le
nom de « foléré ». Elle apparaît comme
une culture bien rentable dont quelques précisions seront faites dans
les lignes ci-dessous.
L'oseille de Guinée dont le nom scientifique
est Hibiscus sabdariffa comprend deux formes : la forme sabdariffa
à calices comestibles et la forme altissima qui serait une
forme mutante de la première. Il existe aussi des formes
intermédiaires. Cette espèce, certainement originaire d'Afrique,
se retrouve dans les régions tropicales d'Asie et d'Amérique
latine.
- Les plantes de la forme ou du groupe
«sabdariffa» peuvent mesurer jusqu'à deux mètres de
haut ; leurs tiges sont largement ramifiées, glabres. La fleur
possède un calice charnu, continuant à croître après
la floraison.
- Les plantes de la forme « altissima »
sont de plus haute taille, jusqu'à trois à cinq mètres,
ramifiées seulement vers le sommet. Ses tiges fournissent des fibres
ayant beaucoup de points communs avec celles du kénaf (Hibiscus
cannabinus). Elles sont surtout cultivées en Asie (Thaïlande, Inde,
Indonésie, Java, Vietnam et Philippines).
· Description de la forme à calices
comestibles
C'est une plante herbacée, annuelle, à
feuilles alternes de forme et de dimensions variables : elles peuvent
être ovoïdes entières ou lobées (trois ou cinq lobes),
de sept à quinze centimètres de long. Les fleurs sont axillaires
solitaires, formant de faux épis lâches, elles sont hermaphrodites
et l'espèce est autogame. Cette espèce présente deux
phénotypes : un phénotype jaune vert ou « albus » et un
phénotype rouge vert ou « ruber ». Les variétés
du type rouge, les plus couramment utilisées possèdent une
pigmentation anthocyanique rose, rouge, rouge sombre : leurs tiges et leurs
feuilles sont plus ou moins
colorées de rouge violacé ou
verdâtre ; les calices des fleurs sont rouges, la corolle jaune
pâle à oeil rouge foncé devient rouge.
Les variétés de type jaune vert sont
dépourvues de pigmentation : les tiges et le dessus des feuilles sont
vert clair à jaune orange, le dessous des feuilles et les calices sont
verts ; ceux ci deviennent ensuite jaune clair avec des corolles
également jaunes.
Les parties consommées de ces deux types de
variétés n'ont ni le même goût, ni les mêmes
utilisations, ni les mêmes propriétés.
Les fruits sont des capsules de 1,5 à 3
centimètres à sommet acuminé, se terminant en pointe
piquante, de couleur brune et contiennent de nombreuses graines de 5 à 6
mm.
Le Foléré devrait sa présence au
Cameroun grâce aux Peulhs qui se sont installés dans le Grand-Nord
camerounais, arrivés à la fin du 18ème siècle lors
des mouvements migratoires en Afrique, en provenance de la cuvette tchadienne ;
ceci à cause du fait que l'oseille de Guinée est un légume
très important dans l'alimentation des Peuls. Sa culture et sa
consommation se répandront peu à peu dans les autres
régions du pays avec le déplacement de certains Peuls à la
recherche de nouvelles conditions de vie par l'élevage et le commerce.
C'est dire que la culture de cette plante dans beaucoup de régions est
liée à la présence des Peulhs.
La culture du foléré est
conditionnée par une pluviométrie de 800 à 1 600
mm
- en période continue d'au moins six mois, avec
un minimum de 100 à 150 mm par mois pendant toute la durée du
cycle végétatif qui est de 5 à 6 mois.
- Température : entre 18 et 35°
C.
- Latitude : entre 20° C de latitude nord et
30° C de latitude sud.
- La plante est très sensible au
photopériodisme : elle est de jours courts ; la floraison demande une
durée de jour inférieure à 11 h 45.
Les qualités de sol ne sont pas une contrainte
mais des sols limoneux, limono argileux ou sablo argileux et bien
drainés sont préférables. La durée du cycle est de
150 à 180 jours maximum.
La culture du Foléré, ne posant pas de
difficultés majeures, elle peut être cultivée sur toute
l'étendue du territoire. Sa production varie en fonction des
régions et des variétés appréciées. C'est
ainsi que dans le Grand Nord (Garoua, Maroua, Ngaoundéré), on
rencontre le Foléré rouge et vert.
. Le semis
La préparation du sol se fait en planches de
longueur variable, mais de largeur oscillant entre
1 mètre et 1 mètre et demie. Le labour
est d'environ 25 centimètres et se fait en début de saison des
pluies. Le semis se fait en lignes espacées de 90 cm à 1 m, par
poquets de 3 à 4 graines et à 3-4 cm de profondeur. On
démarre après la levée à 2 pieds tous les 20 cm
Pour les variétés de la forme altissima, on pratique des
écartements de semis plus importants
· La fertilisation
- La fumure de fond comprend :
250 à 300 kg de fumier ferme (bovin ou porcin=
4 à 5 brouettes)/ 20 m2 enfouis à l'aide d'une houe ; 1/2 sac (12
à 15 kg) de fientes de volaille ou 1 kg de NPK (17.17.17 ou 15.15.15)=
20 boîtes de tomate/ 20 m2, répandu lors de la préparation
du lit de semence.
- La fumure d'entretien comprend :
2 semaines après la levée, 500 g
d'urée (environ 10 boîtes de tomate) / 20
m2.
Après la première coupe, 1 kg de NPK
(environ 20 boîtes de tomate)/ 20 m2. Après la
deuxième coupe, 500 g de nitrate de chaux (environ 20 boîtes de
tomate) Après la troisième coupe, 1 kg de NPK (environ 20
boîtes de tomate)/ 20 m2
· L'entretien
Il consiste à effectuer chaque fois que cela
s'impose des arrosages, des sarclages, des binages, des buttages. Souvent
sensible aux maladies et parasites, il faut envisager des traitements
phytosanitaires (contre les nématodes, les champignons, les
insectes).
· La récolte
Les récoltes de feuilles peuvent
débuter assez rapidement, 6 à 8 semaines après le semis,
et être renouvelées 2 à 3 fois. La récolte de
calices se fait 5 à 6 mois après le semis ou 15 à 20 jours
après la floraison quant ils sont tendres et charnus.
Le calice est détaché de la capsule par
incision sur sa base cartilagineuse. Lorsqu'on souhaite obtenir de la poudre,
on récolte la fleur entière.
· Les rendements
Les rendements sont d'environ 1 kg à 1,4 kg de
calices frais par pied.
La récolte des fibres est effectuée en
début de floraison. Les rendements sont de l'ordre de 1 à 1,5
tonnes de fibres sèches/ha
> Une nouvelle expérience de stockage
villageois : la solution importée de
l'Extrême-Nord131
Pour résoudre le problème de
l'insécurité alimentaire, la région du Nord pourrait
s'inspirer de son aînée en matière
d'insécurité alimentaire l'Extrême-Nord, qui
développe depuis longtemps déjà un certain nombre de
stratégies. Celle qui aura le plus retenu notre attention est la
constitution de greniers communs. Ce système de stockage des
céréales au village est parti d'un travail d'écoute des
agriculteurs et du constat d'endettement de certaines exploitations
causé par la vente de céréales à bas prix en
période de récolte pour rembourser les dettes contractées
lors de la mise en culture. Ces greniers sont essentiellemnt financés
par les groupements de producteurs de coton et leurs principaux objectifs sont
d'assurer une meilleure sécurité alimentaire par un stockage de
proximité et une meilleure rémunération pour les
exploitants qui dégagent des excédents
céréaliers.
· Principes des greniers
autofinancés
Les stockeurs sont membres de groupements cotonniers
dont les fonds servent à l'achat des céréales. À la
récolte, le groupement de producteurs de coton achète une partie
de la production de sorgho à ses membres. Les sacs sont stockés
nominativement dans un même local en attendant que les prix augmentent.
Le « grenier commun » est alors ouvert par le groupement,
à la demande des stockeurs. Afin d'intéresser les
différents types d'exploitation agricole, deux options sont
proposées :
- si l'agriculteur dispose d'un stock alimentaire
suffisant pour sa propre consommation jusqu'à la prochaine
récolte, il demande au groupement de vendre son stock sur le
marché à un meilleur prix. Le groupement se rembourse alors de
l'avance qu'il a concédée et remet le bénéfice au
stockeur ;
- si l'agriculteur a épuisé son
disponible alimentaire, il a la possibilité de racheter le sorgho
à prix coûtant pour sa consommation.
Ce système favorise une épargne en
nature et modère les recours aux crédits usuraires. À plus
long terme, les exploitations ont la possibilité de consolider leur
gestion en reproduisant chaque année cette épargne en grain.
Expérimenté en 1996 auprès de quatre groupements,
ce
131 Source : Abdourahmane NASSOUROU, op.
cit.
système a connu un écho très
favorable auprès des agriculteurs. Afin d'étendre
l'opération, le projet Dpgt, relayé par Terdel (TERritoire et
DEveloppement Local), un bureau d'études camerounais créé
en 2000 lors de la privatisation du volet « Gestion de terroir »
du projet, a formé les groupements à la gestion de ces
greniers. En 6 ans, l'extension des greniers communs leur a
conféré une ampleur régionale. Dans l'Extrême-Nord,
249 groupements disposent aujourd'hui de leur grenier, ce qui représente
15 000 exploitations agricoles mobilisant près de 179 millions de FCFA
pour stocker environ 2 300 tonnes de céréales. Le stockage
concerne surtout le sorgho muskuwaari, dont la faible teneur en eau
facilite la conservation des grains, mais aussi le sorgho pluvial, le maïs
ou le riz paddy.
. Contraintes au stockage, amorces de
solutions
La contrainte principale réside dans
l'insuffisance de ressources financières des groupements coton :
seulement 25 % des membres de ces groupements ont accès à ce
stockage autofinancé et une partie importante de la production
céréalière est toujours commercialisée à la
récolte. Dans la zone cotonnière de l'Extrême-Nord
où l'intervention a été lancée, 30 % des
groupements cotonniers ont adopté le système de greniers communs
mais la pratique du stockage se limite à 8 % des exploitations. Des
capitaux complémentaires sont indispensables au renforcement des
capacités d'achat de céréales par les groupements. Avec
l'appui de Terdel, des organisations paysannes, les Aprostoc (associations de
producteurs stockeurs de céréales), s'emploient à
diversifier les sources de financement des greniers communs par recours au
crédit bancaire, qui représente 10 % des fonds mobilisés
en 2001 et 2002, et à de nouveaux partenaires. En 2001, le PAM a
accordé près de 1 000 tonnes de céréales
réparties entre 120 greniers communs et vendues par les Aprostoc en
période de soudure. Les recettes ont permis de décupler les
capacités de stockage en 2002. La reconnaissance des Aprostoc par le PAM
a permis de faire évoluer l'aide alimentaire ponctuelle vers un soutien
dans la durée à des structures paysannes responsables de la
sécurité alimentaire de leurs villages.
L'idée de créer des unions de
groupements stockeurs s'est d'abord imposée pour réguler les
mises sur le marché à l'échelle régionale et
éviter que plusieurs « greniers communs »
approvisionnent les mêmes marchés le même jour. Dans la
mesure où les céréales stockées sont
essentiellement consommées par leurs propres producteurs, ces
organisations se sont orientées vers des services d'appui aux
groupements de producteurs-stockeurs : appuis à la gestion du stockage,
négociation de crédits, conseils techniques sur les
systèmes de production céréaliers.
Une fonction encore potentielle des Aprostoc est celle
de la représentation des agriculteurs céréaliers
vis-à-vis des instances nationales et internationales intervenant sur la
question de la sécurité alimentaire.
Depuis la création de l'Aprostoc Diamaré
en 1997, cinq nouvelles unions ont vu le jour. Ces associations couvrent
désormais la majeure partie de la zone cotonnière de
l'Extrême-Nord. Pour répondre aux demandes d'appui en stockage et
en formation technique, les associations se dotent progressivement d'un
réseau de (( conseilers paysans » chargés de
prestations de services auprès de 10 à 20 groupements.
Actuellement, les six Aprostoc rémunèrent 10 conseillers paysans.
Les revenus des Aprostoc proviennent d'un droit d'adhésion annuel par
groupement, d'une taxe par sac stocké, de taux d'intérêt
sur le (( crédit céréales » et de
participations financières des groupements aux formations
dispensées par les conseillers.
Le projet Dpgt s'est appuyé sur ces conseillers
paysans pour la création et la diffusion d'innovations dans les
itinéraires techniques du sorgho repiqué. En réponse aux
sollicitations des agriculteurs sur les problèmes d'enherbement des
terres muskuwaari, le projet a contribué à la mise au
point de traitements herbicides permettant la récupération de
parcelles et l'allègement des temps d'entretien et de
préparation.
La création de ce type de services au sein
d'organisations professionnelles agricoles est conforme aux orientations
stratégiques du ministère de l'Agriculture. En effet, il
prévoit (( un processus de substitution progressive des
organisations paysannes au service public qui doit se recentrer sur les
fonctions spécialisées hors de portée de ces
dernières ».
Les Aprostoc constituent désormais un
interlocuteur privilégié pour la recherche et le
développement, même si l'impact du stockage reste encore
limité : les céréales stockées ne
représentent que 0,5 % de la production de l'Extrême-Nord.
Toutefois, une part importante de la production étant
auto-consommée, une augmentation, même très faible, du
stockage en grenier commun peut avoir un effet significatif de stabilisation
des marchés céréaliers par un rééquilibrage
de l'offre et de la demande tout au long de l'année. Le
développement des capacités de stockage au village par la
construction de magasins et la constitution de fonds de roulement autonomes
devraient permettre aux agriculteurs et à leurs organisations de peser
davantage sur les marchés céréaliers.
Cette évolution implique un transfert des
compétences en appui/conseil, gérées initialement par le
Dpgt puis Terdel, vers les conseillers paysans.
Une intervention reste à engager sur l'ensemble
de la filière céréalière pour
généraliser les « greniers communs » et
promouvoir une recherche-développement en agronomie afin de lever
certaines contraintes à la production signalées par les
agriculteurs. Sur ce dernier point, une des priorités consiste à
relancer les travaux sur les sorghos de contre-saison, longtemps restés
en marge des programmes de recherche agronomique. En 30 ans, les surfaces
consacrées au muskuwaari ont doublé, pour atteindre
désormais près de 200 000 hectares, et les attentes des
agriculteurs sont importantes en matière d'appui technique et de
conseil. Ainsi, la réponse aux problèmes d'enherbement dans les
terres à sorgho repiqué a permis de faire émerger d'autres
demandes, aujourd'hui sans réponses, tant sur des problèmes
phytosanitaires que sur la conception d'itinéraires techniques innovants
ou la gestion des céréales et des assolements au sein des
exploitations familiales.
Parallèlement aux activités
opérationnelles, l'un des enjeux est de fournir les
éléments nécessaires à la co-construction d'une
politique de sécurité alimentaire à l'échelle
provinciale. Les données manquent pour hiérarchiser les
problèmes et définir la nature des actions à entreprendre.
Il s'agit de participer à la production et à la diffusion
d'informations sur l'état saisonnier de la production agricole, des prix
et des marchés vivriers. Un observatoire de la production agricole,
progressivement cofinancé par les organisations paysannes, pourrait
s'insérer au sein d'une fédération des Aprostoc afin d'en
conforter le rôle et la légitimité. Enfin, cette
intervention devrait imaginer les contours d'un cadre d'échanges et de
concertation entre acteurs (administrations, organisations paysannes, ONG,
commerçants, transporteurs...), notamment pour valoriser les diverses
expériences sur le stockage et coordonner les actions en la
matière.
CONCLUSION
L'insécurité alimentaire constitue l'un
des thèmes majeurs des médias parce qu'elle ne cesse de faire des
victimes au jour le jour. Les groupes sociaux ne connaissant pas les
mêmes réalités, il s'est agit pour nous dans ce travail,
d'explliquer et de comprendre ce phénomène en
général et particulièrement dans la région du Nord.
Loin de nous toute intention de faire une monographie de cette région.
Le plus important était de caractériser
l'insécurité alimentaire en entrant dans les mémoires
collectives, les représentations sociales qui attribuent les causes et
les conséquences de ce phénomène et qui induisent un
certain nombre de stratégies derrière lesquelles peuvent se
cacher beaucoup d'enjeux.
En effet, l'hypothèse principale qui a conduit
et guidé nos investigations bibliographiques et nos enquêtes de
terrain était celle selon laquelle « les populations de la
region du Nord perçoivent l'insecurite alimentaire comme la resultante
de facteurs naturels et humains auxquels vient s'ajouter une mauvaise politique
de getsion de la part de ceux qui ont pour rôle de mettre un terme
definitif à cette situation ». De cette hypothèse
principale ont été déduits trois hypothèses
secondaires qui sont : « les couches identifiees comme les plus
vulnerables à l'insecurite alimentaire sont les personnes Ogees et les
handicapes » ; « pour lutter contre l'insecurite
alimentaire, les populations locales developpent une multitude de solutions
endogènes qui sont appuyees et relayees par les organismes
internationaux et les pouvoirs publics » ; « l'insecurite
alimentaire ainsi que les strategies de lutte qui en decoulent recèlent
des enjeux humanitaires, economiques et socio-politiques
».
Notre démarche nous a permis d'avoir un
échange avec les populations de la région. Notre série
d'entretiens avec les populations victimes de l'insécurité
alimentaire, les responsables des organismes étatiques et internationaux
qui luttent contre l'insécurité alimentaire nous ont permis de
construire un corpus empirique interessant. A l'aide de ce dernier, nous avons
pu vérifier nos hypothèses de recherche après une approche
axée sur l'analyse stratégique et la sociologie critique. Le
travail éffectué en amont par la consultation des documents
relatifs à notre sujet d'étude ; et en aval par les nombreuses
procédures de terrain (observation directe, entretiens semi-directifs
)ont permis d'avoir une idée sur l'insécurité alimentaire,
ses causes, ses conséquences, les couches les plus vulnérables,
les stratégies de lutte ainsi que les enjeux qui se cachent
derrière chaque action posée ou envisagée.
Ainsi, pouvons-nous retenir, au regard de tout ce qui
précède, que l'insécurité alimentaire peut
être justifiée par des facteurs historiques. L'Etat, après
avoir encouragé et pris en charge le paysan, s'est
désengagé de ses responsabilités à cause
principalement de la crise économique des années 1980 et des
programmes d'ajustement structurel. En même temps, il a encouragé
les cultures de rente. Comme le calendrier des cultures vivrières se
superpose parfois à celui du
coton, les paysans ont eu tendance à
privilégier la deuxième culture au détriment du vivrier.
La chute des prix sur le marché mondial a eu des conséquences
dramatiques sur les producteurs car ceux-ci ont perdu de substanciels revenus
qui leur permettaient de survivre. L'absence d'encadrement suffisant lors de la
conversion du rentier vers le vivrier a eu pour effet un tassement de la
production qui ne correspondait plus aux besoins d'une population sans cesse
croissante.
Ces populations définissent
l'insécurité alimentaire comme le manque de vivres suffisants
pour tout le monde. Elles attribuent l'insécurité alimentaire
à deux grandes catégories de causes : les causes naturelles et
les causes humaines. Dans la première catégorie de causes, on
trouve :
- l'irrégularité et la durée des
pluies : soit les pluies arrivent plus tôt que prévu et durent
à peine 45 jours, soit elles arrivent tard ; ou alors il ne pleut pas du
tout. Dans un cas de figure comme dans l'autre, ce sont les cultures qui en
pâtissent ;
- la sécheresse : elle a
généralement lieu entre les mois de février et d'avril et
a des conséquences non seulement sur les cultures, mais encore sur les
systèmes d'irrigation et sur les mayos, fleuves saisonniers qui
s'assèchent très facilement pendant la saison sèche
;
- les inondations : à l'opposé du
facteur précédent, la surabondance de pluies entre les mois de
juillet et d'août constitue un frein à l'agriculture car elles
détruisent les plantations. De plus, elles mettent en péril le
cadre de vie des populations car elles impactent négativement sur
l'habitat et les infrastructures. Même le bétail, qui sert souvent
de réserves en temps de disette, n'échappe pas souvent à
la furie des eaux ;
- les insectes et les oiseaux granivores : criquets
pélerins, chenilles et autres termites envahissent les champs à
maturité et causent d'incommensurables dégâts. En outre,
ils causent des déficits post-récolte conséquents parce
que les populations ne disposent pas des connaissances ou des moyens de lutte
adéquats et efficaces ;
- les pachydermes : les éléphants qui
sortent des réserves pour vadrouiller à travers les villages et
les champs détruisent les cultures et les habitations. Comme ce sont des
espèces protégées par les lois nationales et
internationales, les populations sont pratiquement impuissantes et ne peuvent
que constater les dégâts ;
- les maladies : aussi bien le bétail que les
personnes sont très souvent victimes d'épidémies : la
peste bovine et la fièvre aphteuse sèment la mort dans le
bétail, tandis
que les hommes sont victimes de la méningite en
saison sèche et du gonflement des pieds en saison pluvieuse.
Conséquences : paralysie temporaire, handicaps, réduction des
surfaces cultivées et par ricochet de la production vivrière
;
Parmi les facteurs humains, nous pouvons citer
:
- la mauvaise gestion des récoltes : en cas de
bonne récolte, les populations sont tentées de vendre pour ne pas
dire brader leurs productions aux aladji et/ou aux cocseurs qui leur proposent
des prix attactifs. Attirés par l~argent, les producteurs vendent le
maximum possible, oubliant parfois de constituer des réserves. Par
ailleurs, la distillation du bili bili amenuise considérablement les
stocks céréaliers car c'est à base de mil que les femmes
fabriquent cette boisson qui est fort prisée par les populations de la
région du Nord. Sa commercialisation, qui est le monopole une fois de
plus des femmes, permet d'avoir régulièrement de l~argent. Cet
argent n'est malheureusement pas épargné pour l'achat des
denrées alimentaires mais simplement affecté à la
consommation de boisson à 90 % des cas dans la mesure oil l'homme
intervient à ce niveau de la chaîne et gère en compagnie de
sa femme, dans le meilleur des cas, l'argent provenant de la vente du bili bili
;
- l'usage immodéré des ressources
environnementales : la coupe anarchique des arbres pour le bois de chauffe ou
pour la pratique de l~agriculture détruit ou amenuise le couvert
végétal de la région. Cette destruction a un effet sur les
conditions climatiques dans la mesure oil elle accélère leur
dégradation ; ce qui en retour rend plus pénibles les travaux
agricoles. La production vivrière en est diminuée, suscitant des
crises alimentaires ;
- l'outillage agricole archaïque : la
mécanisation de l~agriculture n'est pas encore véritablement
opérationnelle dans la région du Nord. Les paysans continuent de
travailler avec des outils qui datent d'un autre âge : houes, dabas,
machettes et autres charrues à bceuf constituent encore l'arsenal des
agriculteurs. La production dans ce cas reste basse ou plutôt tend
à diminuer tandis que les besoins des populations augmentent de
façon exponentielle et se retrouvent presque toujours au-dessus de
l~offre. Ce qui provoque d'incessantes pénuries alimentaires
;
- la régulation sociale : c'est le
système de gestion des populations qui prévaut dans la
région du Nord. Le lamido, chef traditionnel investi d'un pouvoir quasi
divin, possède toutes les terres de son lamidat et tout ce qui s'y
trouve (en dedans et en dehors). Dans ce sens, il taxe tout ce qui peut
l'être, aussi bien les terres, la production vivrière ou celle
animale. Ce système n'encourage pas la constitution des réserves
alimentaires dans la
mesure oil plus ces réserves sont importantes,
plus lourdes sont les taxes. D'ailleurs, à cause de ce système,
des frictions sont permanentes entre les autorités traditionnelles et
leurs administrés qui digèrent de moins en moins cet état
de choses.
L'on ne saurait parler des causes sans mentionner les
conséquences. En effet, causes et conséquences sont intimement
liées car l'une est l'implication de l~autre ; ou bien l'une est
à l'origine de l~autre. Ainsi, l'insécurité alimentaire a
des conséquences sur la région du Nord. Il s'agit principalement
de la fluctuation des prix des céréales et de leur
inaccéssibilité. Quand l~offre devient inférieure à
la demande, à cause de la spéculation ou de l'insuffisance de la
production, les prix sont renchéris et les vivres deviennent
inabordables par rapport au faible pouvoir d'achat des populations.
L'insécurité alimentaire a des effets
néfastes sur la santé de ceux qui en sont victimes. Leurs
capacités physiques et psychiques sont fortement diminuées et
elles ne peuvent plus vaquer normalement à leurs occupations. Dans le
cas des agriculteurs, ils sont obligés de diminuuer les surfaces
cultivables ; ce qui réduit à son tour la production
vivrière et maintient l'insécurité
alimentaire.
L'autre conséquence de
l'insécurité alimentaire dans la région du Nord est la
migration des populations. En effet, pour fuir l'insécurité
alimentaire, les populations se déplacent en quête de nouvelles
aires géographiques, entraînant malheureusement dans leur sillage
le phénomène auquel elles tentent
désespérément d'échapper. De plus, l'exode rural
auquel on assiste diminue la population active car c'est la jeunesse et les
personnes vigoureuses qui s'en vont en quête de cieux plus
cléments. Les personnes âgées qui restent ne disposant plus
d'assez de forces pour travailler de grandes surfaces agricoles, la production
ne peut augmenter, comparativement à la population globale qui ne cesse
de croître à un rythme effréné.
Au sein de ces populations, les plus
vulnérables sont sans conteste les personnes âgées et les
handicapés. Physiquement diminuées, ces couches ne peuvent
s'impliquer pleinement au processus de production agricole. De ce fait, elles
dépendent du reste de la population valide et constituent par la
même presque toujours un fardeau dont on n'hésite pas parfois
à se débarrasser en temps de crise alimentaire.
Face donc justement aux crises alimentaires
répétitives, tous les acteurs se mobilisent en fonction des
moyens dont ils disposent. Les populations sont les premières à
se mettre en branle pour parer à l'insécurité alimentaire,
appuyées en cela par les organismes internationaux sous
l~encadrement des pouvoirs publics. Les populations
procèdent par exemple à la vente des ruminants qui constituent
une espèce d' « épargne animale » dont elles
ont recours en cas de disette. Parfois, ces populations procèdent
à un simple troc avec les possesseurs des vivres. Dans ce cas, elles
mettent sur la balance tout ce qu'elles peuvent posséder de
précieux contre de la nourriture. La séparation d'avec ces objets
est parfois difficile à gérer mais cela vaut mieux que de
souffrir d'insuffisance alimentaire.
L'usure constitue également une arme
très utilisée ; cette fois par les possesseurs de vivres. Ils
prêtent aux individus des quantités de denrées alimentaires
pendant les périodes de disette et se font rembourser, pendant les
récoltes, plus du double de ce qu'ils ont prêté à
leurs congénères. Initiative certes peu louable, peut-être
même immorale ; mais qui s'avère salvatrice tant qu'elle peut
sauver la vie de ceux qui en ont recours.
Cependant, l'une des stratégies les plus
usitées par les populations est le séchage. Peu coûteux,
pour ne pas dire gratuit, il ne nécessite principalement comme
matière première que le soleil, qui n'est pas rare dans la
région. Cette technique permet de conserver des vivres qui seront
ultérieurement utilisés pendant les disettes ou la soudure. Tout
ou presque y passe : tomates, piments, légumes, oignons, poissons,
viande etc. Avec le séchage, les produits sont quasi permanents sur le
marché et les revenus sont réguliers. La planification peut ainsi
se faire plus facilement et des décisions à long terme
prises.
Comme les efforts des populations ne suffisent pas,
des « times de bonne volonté » que sont les
organismes internationaux volent à leur secours, parce que le Cameroun
est membre à part entière de l'Assemblée
Générale de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Dans ce
travail, il a été fait cas du Food and Agriculture Organization
(FAO) et du Programme Alimentaire Mondial (PAM). Ils sont les deux organismes
spécialisés de l'ONU en charge des questions alimentaires. Le
premier cité se lance essentiellement dans le financement des projets
agricoles pour améliorer la production agricole et animale ; tandis que
le deuxième encourage la constitution de réserves alimentaires
par la construction de greniers communautaires. De plus, il fournit les
cantines scolaires du primaire en denrées alimentaires qui sont
gracieusement distribuées aux élèves scolarisés du
primaire, avec un accent sur les jeunes filles. Le double objectif visé
est encourager l~alphabétisation dans une région oil le taux de
scolarisation est l'un des plus bas du Cameroun, et mettre les enfants à
l'abri de l'insécurité alimentaire. Enfin, le PAM met sur pied
des programmes d'aide alimentaire d'urgence en cas de crise. Cette aide
alimentaire consiste en des sacs de riz, de mil mais aussi des produits tels
que la sardine, le poisson frais, les biscuits, la tomate en conserve, le
sucre. Dans plusieurs cas, l'aide alimentaire,
bien souhaitée et nécessaire, ne
correspond pas toujours aux habitudes alimentaires des populations
sinistrées. Conséquence de cette inadéquation : les
produits destinés aux populations sont revendus à bas prix aux
commerçants locaux. Bref, comme le pense l'un de nos informateurs,
« l'aide alimentaire est bien, mais ne suffit pas. Le mil qu'on nous
envoie n'a pas de goût comme ce que nous cultivons nous-mêmes ici.
Nous péférons notre propre mil sorti de nos champs
».
Au-dessus de tout le monde, au vu de ses
responsabilités, des moyens et des potentialités dont il dispose
dans le cadre de la lutte contre l'insécurité alimentaire, se
trouve l'Etat. Il mène un combat multiforme parce qu'il est sur tous les
fronts, en amont comme en aval. Il régule le marché à
travers l'Office Céréalier ; promeut le stockage par le soutien
aux APROSTOC, et distribue l'aide alimentaire d'urgence pendant les crises
aimentaires. Mais seulement, dans la région du Nord, les mesures de
régulation son difficiles à mettre en oeuvre. Elles peuvent
être efficaces quand l'insécurité alimentaire est
conjoncturelle, limitée en volume (quelques milliers de tonnes) et dans
l'espace ; car les moyens humains, financiers et matériels
nécessaires sont raisonnables. Mais, ces mesures de régulation
apparaissent inadaptées et nettement insuffisantes quand
l'insécurité alimentaire est structurelle et importante en volume
(plusieurs dizaines de milliers de tonnes), comme c'est le cas actuellement,
car les moyens à mettre en oeuvre sont extrêmement
importants.
Certes « le sociologue n'est pas le
médecin de la société », mais nous avons
pensé en dernier lieu déblayer le chemin en préconisant
quelques pistes en vue d'améliorer la sécurité alimentaire
dans la région du Nord. Celles-ci vont de la conquête des terres
à la maîtrise de l'eau en passant par l~intensification et la
diversification du système agricole et de la production animale, le
reboisement, la coordination et l'harmonisation des interventions des
différents acteurs, l~ouverture des voies de communication et la
circulation effective des biens entre le Sud et le Nord du pays,
l'amélioration de l'information sur le marché ou encore la
sécurisation du transport routier par la réduction des
tracasseries douanières et policières et la lutte contre les
coupeurs de route.
Le chemin qui mène à la
sécurité alimentaire dans la région du Nord est long et
parsemé d'embûches. Mais, une véritable volonté et
une plus grande implication des acteurs, quels qu'ils soient, permettra de
passer outre tous ces obstacles et d'atteindre une sécurité
alimentaire
permanente et durable qui rendrait les populations de
cette région autonomes et autosuffisantes. Elles ne demandent que
cela.
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