III- L'ÉCHANGE DE BIENS CONTRE LA NOURRITURE ET
LE RECOURS A L'ENTRAIDE
Il arrive que les petits ruminants dont il a
été fait mention dans la première partie de ce chapitre ne
soient pas systématiquement vendus pour s'acheter de la nourriture. Par
moments, il y a un simple troc entre propriétaires d'animaux et
propriétaires de vivres. Mais dans cet échange, celui qui est
privilégié c'est le possesseur des denrées alimentaires
dans la mesure oil, étant sollicité en premier, c'est donc lui
qui fixe les termes de l'échange. Il s'arrange ainsi à sortir
bénéficiaire de l'échange soit en sous-estimant la valeur
de l'animal ou des animaux qui sont mis sur la balance, soit en
sur-évaluant, et la conjoncture lui est favorable, la valeur marchande
de ses denrées.
En dehors des animaux, d'autres biens de consommation
courante peuvent être mis à contribution dans l'échange
contre la nourriture. Il s'agit par exemple des appareils ménagers, des
boubous, des nattes et même des talismans... L'un de nos informateurs qui
n'a pas voulu se faire identifier nous révèle que :
« J~ai un beau-fils qui m'avait offert un
boubou de grande valeur à l'Aïd el Kébir en 1996 je crois
bien. Trois ans après88, on avait eu de sérieux
problèmes pour manger parce qu~il y avait eu la sécheresse. Ici
au village89, l'un des amis du djaworo que mon boubou lui plaisait
beaucoup m'avait dit qu'on fait l'échange. Que moi je lui donne mon
boubou et que lui me donne un demi-sac de mil. J'avais
88 Il s'agit probablement de
la grande sécheresse que la région avait traversé entre
1999 et 2000. La production alimentaire avait été
désastreuse et les conséquences néfastes pour les
populations.
89 Le village en question est
Ndélélé, situé à 5 km de Figuil sur l'axe
routier Figuil-Léré au Tchad.
d'abord refusé mais après deux semaines
comme ça, je suis reparti lui voir pour lui dire que j'accepte.
»
Puisque tout le monde ne dispose pas d'animaux ou de
liquidités financières, certains ménages démunis se
tournent parfois vers la famille, le voisinage ou le djaworo pour obtenir une
quelconque aide afin de se nourrir. En d'autres termes, ils mendient leur
pitance lorsqu'ils ne perçoivent pas une autre issue ou quand ils ne
sont pas en mesure de rembourser en cas d'emprunt. En effet, dans les situtions
extrêmes, certains recourent à l'emprunt des denrées
alimentaires. Malheureusemt, les quantités empruntées sont
souvent insignifiantes pour un remboursement élevé. Autrement
dit, il s'agit ni plus ni moins de l'usure. L'informateur
précédent le confirme lorsqu'il nous apprend que :
« Tu empruntes une tasse de mil au mois de
mars et tu rembourses une tasse et demie ou deux et même parfois plus en
argent ou en nature ; c'est comme tu peux. On rembourse comme ça pendant
les récoltes en septembre ou en octobre. »
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