II- LES CONSÉQUENCES DE L'INSÉCURITE
ALIMENTAIRE
Toute cause a nécessairement des effets qui
peuvent être positifs ou négatifs. Pour ce qui est de
l'insécurité alimentaire, elle a des conséquences
néfastes sur ceux qui en sont victimes, et sur la région en
général.
II-1 La fluctuation et l'inaccessibilité des prix
des céréales sur le marché
Le constat fait en 1983 par les diocèses du
Grand-Nord est sans équivoque : « Certaines années,
l'autosuffisance alimentaire du Nord-Cameroun est difficilement
réalisée. Les prix des céréales atteignent des prix
inaccessibles à des couches importantes de la population.
»81
Dans la région du Nord, on assiste à une
variation considérable des prix le long de l'année, avec des pics
observés autour des mois d'août et de septembre. Le prix du mil en
août par exemple augmente de près de 300 % par rapport au prix de
janvier. Plus précisément, le prix en janvier est de 8.400 francs
CFA en moyenne tandis qu'en août, il est d'environ 24.500 francs CFA en
moyenne le sac.
81 Diocèses de Garoua,
Maroua, Mokolo, Ngaoundéré et Yagoua,
op.cit.
Pour le PAM,
« Etant donné que les ménages
pauvres consacrent une proportion importante de leur revenu à
l'alimentation, une hausse des prix, même légère, peut
entraîner une réduction importante de leur consommation
alimentaire. Les ménages qui pratiquent l'agriculture de subsistance
sont moins vulnérables que ceux qui doivent acheter toute la nourriture.
»82
Concrètement, pendant les périodes
d'insécurité alimentaire, le nombre de repas
quotidien est parfois réduit à 1 au lieu
de 3 en période « normale ». Il arrive même
parfois que certaines familles prennent un repas tous les deux jours. Cette
situation a sûrement des implications sur la nutrition et
l'intégrité physique des individus, surtout sur les couches
vulnérables telles les enfants et les personnes
âgées.
Les prix jouent un rôle important au niveau de
la consommation alimentaire, en raison à la fois de leur incidence sur
les revenus et des effets de remplacement qu'ils exercent. Pour un foyer
pauvre, l'augmentation des prix d'un produit alimentaire et en particulier
d'une céréale comme le riz, le mil ou le maïs, peut avoir
une incidence importante sur le pouvoir d'achat familial. Par exemple en
diminuant la ration alimentaire, il y a risque de sous ou de malnutrition qui
est souvent le prémisse ou un indicateur de l'insécurité
alimentaire.
La forte variabilité de l'offre se traduit par
une fluctuation importante des prix des céréales sur
l'année et entre les années. Le prix des céréales
est ainsi resté pratiquement stable et bas (entre 6.000 et 10.000 francs
CFA le sac) de novembre 1999 à septembre 2000 alors qu'il avait beaucoup
varié pendant la même période de l'année
précédente marquée par une sécheresse (7.000
à 25.000 francs CFA)83.
Egalement, Les années 1998 et 2001,
déficitaires, se sont révélées
particulièrement opportunes. Les cours ont atteint des niveaux
élevés, jusqu'à 50 000 F CFA le sac de 100 kilos dans
certains marchés en 1998. Les agriculteurs ont ainsi
réalisé des économies ou des bénéfices -
selon leur stratégie de mise sur le marché - de 120 % en 1998 et
de 60 % en 2001. En revanche, fin 1998, les prix au moment de l'achat des
céréales étaient encore élevés. Durant la
campagne 1999, les crues exceptionnelles ont permis une excellente production
autour du lac Tchad, alors que des pluies abondantes favorisaient les
productions pluviales sur l'ensemble du Nord-Cameroun. Les commerçants
de N'Djamena, qui tirent habituellement les prix vers le haut, ne se sont donc
pas rendus sur les marchés nord-camerounais et les prix en
période de soudure étaient de 40 % inférieurs à
ceux de la période de récolte, ce qui a lourdement grevé
la trésorerie des groupements engagés dans
l'opération.
82 PAM, Les
caractéristiques de la sécurité alimentaire au
Cameroun, PAM, Yaoundé, 2002, p.54.
83 Données recueillies
auprès de la délégation régionale du commerce du
Nord.
Pour HAVARD et ABAKAR,
« Ces fluctuations se répercutent
immédiatement sur l'offre, car si le prix sont bas, les paysans
réduisent la part des céréales dans leur assolement, et si
les prix sont élevés, ils l'augmentent. Dans les terroirs suivis
par le PRASAC, les prix peu élevés des céréales
entre novembre 1999 et septembre 2000 ont eu pour effet une réduction de
20% des superficies en céréales dans les exploitations entre les
campagnes 1999-2000 et 2000-2001, au profit du coton et de l'arachide. En
conséquence, la proportion des exploitations agricoles de ces villages
incapables de satisfaire leurs besoins alimentaires à partir de leur
propre production est passée de 47% en 1999-2000 à 60% la
campagne suivante. »84
En réduisant les surfaces
céréalières, les agriculteurs s'exposent et exposent le
reste de la population à des pénuries alimentaires qui
dérivent inéluctablement vers l'insécurité
alimentaire.
Bien qu'il soit difficile de séparer les effets
sur la santé de l'insécurité alimentaire des effets plus
généraux de la pauvreté, on peut constater que les
personnes des ménages aux prises avec l'insécurité
alimentaire sont sujet à une mauvaise santé fonctionnelle, une
activité réduite, de multiples états chroniques et la
dépression majeure. En outre, ces personnes ont une prévalence
élevée de régimes alimentaires insuffisants au niveau de
nombreux nutriments, dans les protéines, l'acide folique et le fer. Ces
personnes vivant l'insécurité alimentaire peuvent aussi trouver
plus difficile de gérer les troubles médicaux qui exigent des
interventions diététiques.
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