I-2-3 L'outillage agricole et les techniques culturales
archaïques
Les principales activités auxquelles se livrent
les populations de la région du Nord est l'agriculture,
l'élevage, et le commerce. La pêche reste artisanale et
concentrée dans la zone de Lagdo et sur les cours d'eau à
écoulement permanent. La population agricole est estimée à
1.113.555 habitants avec 633.335 actifs agricoles61. Cependant,
malgré la fertilité des sols, on observe une faible
productivité. Cette faible productivité est due, pour la plupart
au taux peu élevé de la productivité du travail, qui ne
repose que sur le travail humain. Alain DUBRESSON
59 Samuel NDEMBOU,
op.cit., p.46.
60 FAO,
op.cit.
61 Source :
Délégation régionale de l'Agriculture du Nord.
et al, faisant une autopsie de la situation des
agricultures africaines, remarquent que : « le travail humain repose
largement encore sur l'énergie humaine, transmise par la houe
»62.
Un agriculteur au travail à Houmbal avec comme
outil la daba Photo Alain Christian ESSIMI BILOA
Les instruments modernes tels que le tracteur, la roue
ou la charrette y restent coûteux et rares. Il existe, dans les villages,
des cas de mise en valeur des sols, notamment par la SODECOTON et quelques
grands agriculteurs au rang desquels se trouvent les chefs traditionnels.
Ceux-là utilisent des techniques culturales intensives : ce sont des
techniques qui permettent une concentration des cultures, afin que le volume
par hectare soit élévé. Elles augmenteraient ainsi le
volume de production. Mais, dans l'ensemble, l'exploitation des terres se fait
de façon extensive. Ce type d'exploitation est caractérisé
par une faible densité de ressources (travail, capital) à
l'hectare ; et la productivité n'y est pas très
élevée, proportionnellement à l'hectare.
D'après le délégué
régional de l'agriculture du Nord, les paysans les plus dynamiques sont
les allogènes. Cette situation peut s'expliquer par le fait que
l'agriculture a toujours été pour eux une activité de
base, et s'inscrit dans leur habitus, au sens bourdieusien du terme. C'est
dire
62 Alain DUBRESSON,
Jean-Pierre RAISON, L'Afrique subsaharienne, une géographie du
changement, Paris, Armand Colin, 1998, p.69.
que l'agriculture est pratiquée en famille, et
très tôt les enfants y sont initiés, contrairement aux
peulhs ou aux faly qui ne sont pas agriculteurs de nature. (( Ce monde
paysan n'est pas lui non plus homogène »63,
remarque BOUTRAIS. Il distingue à ce propos quatre types de paysans
:
- les paysans authentiques ; ceux possédant des
techniques agricoles plus savantes et plus
élaborées, en même temps que les
traditions les plus solides : ce sont les Mafa, les
Toupouri, les Podokwo &
- les paysans sans tradition agricole solide : les
Guiziga, les Moudang, les Mousgoum, les Massa &
- les pasteurs sédentarisés, grands
propriétaires terriens, parfois entrepreneurs agricoles : les
Foulbés, les Mandara &
- les paysans encadrés : partiellement les Massa,
les Mousgoum
A propos des peulhs, BOUTRAIS précise que
:
(( La majorité des Foulbés est
maintenant sédentarisée. Sans tradition agricole, le monde peulh
a dû s'adapter à cette situation nouvelle, la disparition du
travail servile l'a obligé à une reconversion ... Beaucoup de
Foulbés travaillent eux-mêmes la terre. Quand ses moyens
financiers sont suffisants, il utilise la culture attelée, cultive des
superficies importantes en faisant appel à une main-d'euvre
salariée, parfois permanente, le plus souvent saisonnière.
»64
La mécanisation de l'agriculture a souvent
été présentée comme l'une des solutions pour
augmenter la production et la productivité agricoles. Mais, dans une
bonne partie du territoire national, la mécanisation dont il est
question reste et demeure une pure vue de l'esprit. C'est ainsi que dans la
région du Nord, à quelques exceptions près, les
agriculteurs continuent d'utiliser un outillage rudimentaire, pour ne pas dire
préhistorique, constitué de petites houes, de dabas, de
coupe-coupe etc.
Issiakou YAYA nous apprend à ce propos que
:
(( Depuis peu de temps, j'ai un tracteur et
j'utilise des pesticides. Mais avant, j'avais une houe traditionnelle que
beaucoup d'autres utilisent toujours et je faisais l'engrais naturel. Certains
de mes voisins ont des charrues. »
Comme il transparaît dans ce témoignage,
certains agriculteurs, à la limite, possèdent des charrues
tirées par des baufs. Issiakou constitue l'exception qui confirme la
règle car à peine 1
63 Jean BOUTRAIS et J.
BOULET, op.cit., P.106.
64 Jean BOUTRAIS et J.
BOULET, op.cit., P.106.
agriculteur sur 10 est en mesure de se doter d'un
engin agricole, de l'utiliser et de l'entretenir au vu de leurs moyens
financiers ou de leur formation. Avec les conditions climatiques qui sont et
qiu continuent à se dégrader, l~agriculture est devenue de plus
en plus pénible. C'est ainsi que dans un premier temps, la production
vivrière a commencé par stagner avant de plonger, provoquant des
pénuries de vivres préjudiciables à la
population.
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