I-2-2 L'usage abusif des ressources
environnementales
Les populations du Nord sont, comme dans tout
écosystème, en interaction permanente avec leur milieu de vie.
Cette interaction permanente non seulement avec l'environnement
immédiat, mais aussi des populations entres elles est à l'origine
de la pérénisation de l'insécurité
alimentaire.
Selon Von MAYDEL,
« Les ressources de la savane contribuent
à compléter la ration alimentaire des populations rurales. Divers
organes de la plante sont consommés : les feuilles (balanites
aegyptiaca) ; le fruit (tamarindus indica, sclerocarya birrea). En
outre
la médecine traditionnelle repose
essentiellement sur les propriétés curatives de diverses
espèces végétales.
Les espèces végétales
herbacées et ligneuses de la savane produisent le matériau
nécessaire à la production de plusieurs objets utilisés
dans la vie domestique. Diverses écorces d'espèces ligneuses sont
utilisées pour le cordage (piliostigma thonningri), comme colorants et
tamis. Des outils et des ustensiles divers sont faits à partir des
espèces ligneuses telles que anogeissus leiocarpus (..)
La production du bois de feu et du charbon constitue
dans la région la plus importante forme d'exploitation des
espèces ligneuses des savanes. »57
Autrement dit, dans la région du Nord, il y a
une destruction abusive de la couverture végétale. Ceci est du
à la coupe anarchique des arbres pour constituer le bois de chauffage ou
pour commercialiser. Cette coupe anarchique est le fait des populations
riveraines mais surtout des migrants venus de l'Extrême-Nord et dont
l'activité principale après leur installation est la recherche du
bois de chauffage et la chasse. Le bois de chauffage est utilisé dans la
cuisson des aliments. Ce bois s'acquiert chez les vendeurs ambulants ou encore
il est cherché par les femmes ou par les enfants. Tout comme l'eau dans
les zones désertiques, il faut parfois parcourir plusieurs
kilomètres pour un fagot de bois que l'on utilise de manière
très rationnelle vu la pénibilité liée à son
acquisition.
Selon l'Observatoire Mondial de la Viabilité
Energétique : rapport du Cameroun (2002), 1% seulement de la population
rurale de la région du Nord a accès au gaz domestique et à
l'énergie électrique. Le pétrole coûte cher à
cause de l'éloignement, la seule source reste le bois que leur offre la
savane ou la steppe. La demande en bois de chauffe a augmenté en
fonction des besoins et de l'émergence des classes moyennes. Ce bois
provient des arbres coupés pour l'extension des champs, en particulier
ceux de sorgho. On estime à environ 2 kg la consommation
journalière par personne de bois de chauffe. Ce qui engloutirait
près de 3.000 tonnes de bois de chauffe par jour. Avec un chiffre
d'affaire estimé à près d'un milliard de F.CFA, la
filière bois de feu représente un secteur clé de
l'économie du Nord-Cameroun58.
La conséquence immédiate est la
dégradation accélérée de la flore, entraînant
une dégradation des conditions climatiques. On en arrive au prolongement
de la durée de la sécheresse avec l'avancée du
désert qui empêchent le semis et la production des denrées
alimentaires.
57 Von MAYDEL cité
par Samuel NDEMBOU dans Le développement rural dans la plaine de la
Bénoué : changements géographiques et permanence
sociale, Villeneuve d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2001,
pp.41-44.
58 Source : YENGUE J. L.
, Les améliorations du déboisement et du reboisement dans le
Nord du Cameroun , Annales de géographie, n°624, 2002, pp.
138-156.
Pour résumer avec Samuel NDEMBOU,
« Le fort taux de croissance de la population
humaine accroît la pression sur les ressources naturelles surtout les
ressources forestières. Les plus grands facteurs de cette
déforestation sont : l'agriculture itinérante sur brûlis,
la coupe du bois de chauffe et
d'exportation.»59
L'usage du feu par les populations constitue l'une des
causes de la dégradation des écosystèmes qui favorise
à son tour l'insécurité alimentaire. Les populations
rurales sont divisées en deux grands groupes qui ont pour principales
activités l'agriculture et l'élevage. Marginalement, il y a les
chasseurs. Les agriculteurs brûlent la brousse dans l'optique de
préparer les semis. Les éleveurs brûlent la brousse pour
permettre le bourgeonnement des jeunes pousses afin de nourrir leurs
bêtes. Quant aux chasseurs, ils brûlent la brousse pour
déloger le gibier mais encore pour éloigner les bêtes
féroces et les serpents des habitations et se sentir en
sécurité.
Personne ne maîtrise toujours l'ampleur de ces
feux de brousse qui se propagent parfois dans les exploitations voisines en
production ; voire au niveau des maisons d'habitation. Le rapport de la FAO
sus-mentionné conclue que :
« Les incendies peuvent détruire de
vastes étendues forestières en quelques jours, infligeant des
dégâts qui prendront des années à être
réparés. Ils peuvent entraîner des pertes de vie humaine,
de bétail, de faune sauvage et de cultures ainsi que des dommages
considérables aux biens, aux moyens d'existence et à
l'environnement naturel. »60
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