I-1-1-2 Les sols, le relief et la
végétation
Le rapport de l'ORSTOM de 1964 dénombre six
catégories de sols dans la région du Nord. Il s'agit
:
- des sols en voie d'évolution ;
- des sols peu évolués à
minéraux bruts ;
- des sols à sexquiosides ; - des sols
hydromorphes ;
40 FAO, Les situations
d'urgence, la réponse internationale et la FAO, document produit
par le Bureau régional pour l'Afrique, 1997.
- des planes-sols avec superposition d'une texture
argileuse ; - des vertisols.
Le paysage géomorphologique de la région
est constitué par deux grands ensembles dont les hautes terres et les
plaines. Les plaines sont les zones de culture par excellence et constituent
les zones d'intérêts cynégétiques. On peut citer la
grande plaine qui s'étend du département du Faro à celui
du Mayo-Rey en couvrant une partie de la Bénoué et une partie du
Mayo-Louti. Ces plaines occupent 70 % de la surface de la
région.
Les hautes terres se dressent de part et d'autre des
plaines et constituent les lieux de refuge des animaux sauvages qui
dévastent les champs lors des récoltes. On peut citer
:
- les hauts plateaux de Doumo et Gurviza dont l'altitude
varie de 500 à 1.000 mètres dans le Mayo-Louti ;
- les montagnes de Mousgoye, Douroum et Pseke-Bori dans
le Mayo-Louti ; - les monts Tingueling dans la Benoué ;
- les monts Hosséré Vokré (2.049 m)
et Atlantika (2.070 m) dans le Faro.
A chaque type de sol et de micro-climat, correspond une
végétation donnée. Dans la région du Nord, on peut
distinguer deux grandes régions :
- au sud de Garoua : c'est la région
soudano-guinéenne qui va de Touboro à Garoua. C'est la savane
arborée parsemée des forêts de galerie ;
- au nord de Garoua : c'est la région
soudano-sahélienne dominée par les vertisols et les sols
ferrugineux sur gneiss où pousse une végétation de steppe
dominée par des épineux.
Les sols et le relief de la région du Nord
constituent un frein à une diversification des cultures dans la mesure
où beaucoup de cultures ne s'adapteraient pas à ce type de sol et
de relief. Par conséquent les habitudes alimentaires des populations de
cette partie du pays sont plus ou moins conditionnées ou
limitées. Ces sols et relief imposent également un calendier
cultural très rigide donc peu propice à la
diversification.
I-1-1-3 L'hydrographie
Trois types d'écoulement composent le
réseau hydrographique dans la région du Nord. Il
s'agit :
- des (( mayos », cours d'eau saisonniers
issus des montagnes avoisinantes ;
- des rivières : on peut citer la
Bénoué et ses affluents qui sont entre autres le Faro, le
Mayo-Kébi, le Mayo-Pitoa ou le Mayo-Badjouma ;
- les barrages de Lagdo et celui de Chifidi, qui est
cheval entre la région du Nord et celle de l'Extrême-Nord plus
précisément dans l'arrondissement du Mayo-Oulo, mais qui est peu
connu du grand public.
Il s'avère que cette hydrographie est loin de
constituer un atout pour l'agriculture dans la région du Nord. Le fait
par exemple que le barrage de Lagdo dispose d'un vaste périmètre
irrigué où le riz est cultivé en priorité avec
quelques cultures de contre-saison est plus ou moins négligeable puisque
en saison sèche, la plupart pour ne pas dire tous les mayos et
rivières s'assèchent et au retour des pluies, ils
débordent et provoquent des inondations qui dévastent les
cultures, comme il a été dit plus haut.
I-1-2 Les insectes et les oiseaux granivores
Les chenilles légionnaires, les cochenilles,
les punaises, les criquets pélerins et autres types d'acridiens, les
pucerons, les termites, les coléoptères, les oiseaux constituent
de graves menaces pour les récoltes et le cheptel. En effet, ces oiseaux
et insectes nuisent à une grande variété de produits dans
les régions tropicales et subtropicales : céréales,
légumineuses, oléagineux, racines et tubercules, denrées
d'origine animale (viandes et poissons séchés), épices.
Nous en avons étudié quelques uns ainsi que les
dégâts qu'ils peuvent provoquer.
> Les criquets-pélerins
Selon le document de la FAO sus-évoqué,
(( le criquet-pélerin constitue une menace permanente pour
l'agriculture dans toute l'Afrique au Nord de l'Equateur
»41. Souvenons-nous que le Cameroun est situé juste
au-dessus de l'Equateur. De son nom scientifique
Schistocera
41 FAO, op. cit
.
gregaria, il est une espèce de criquet
ravageur d'Afrique. Il fait partie de la catégorie des locustes, comme
le criquet migrateur ou le criquet nomade.
Le criquet pélérin vit
généralement une existence solitaire. Il a une tendance
très marquée à éviter ses congénéres
et effectue des vols nocturnes discrets. Mais, comme d'autres espèces
d'insectes sauteurs, il se transforme complètement lorsque sa population
atteint un certain seuil de densité (500 individus / ha) ; et devient
migrateur. Il change alors de couleur, passant du vert au jaune, mais surtout
de comportement. Sous des conditions climatiques favorables, la population de
criquets augmente et on observe la fin de l'évitement mutuel. Le criquet
exprime alors une incroyable grégarité. Les individus cherchent
à se regrouper, établissant la condition pour créer des
essaims et produire les invasions spectaculaires que nous connaissons. En
s'attirant les uns les autres, ces acridiens forment des bandes ou d'immenses
essaims qui peuvent atteindre plusieurs centaines de millions à quelques
dizaines de milliards d'individus.
La question qui se pose alors est celle de savoir
comment un timide criquet devient l'agent de véritables catastrophes
humanitaires ?
D'après les scientifiques, ce passage de la
phase solitaire à la phase grégaire est un changement complexe
qui concerne plusieurs caractères physiques, physiologiques et
comportementaux. D'après ces mêmes scientifiques, il impliquerait
plus de 500 gènes et, jusqu'alors, pas un seul agent n'avait
été identifié comme le précurseur de ce changement.
Au cours de leurs expériences, les chercheurs des universités de
Cambridge et d'Oxford ont montré que la rencontre entre les criquets
provoquerait la libération d'une hormone qui est aussi un
neurotransmetteur dans leur système nerveux : la
sérotonime. Après avoir mis les insectes en contact
forcé, la transformation est rapide, elle peut se faire au bout de deux
heures. On pouvait penser que le changement était provoqué par la
simple vue ou par l'odeur, mais les chercheurs se sont rendus compte que le
contact tactile jouait un rôle principal. En caressant les poils
hypersensibles qui se trouvent sur les pattes, ou en les stimulant
électriquement, le messager chimique qui est la sérotomine se
libère et induit la série de transformations.
Tous les deux mois, une nouvelle
génération d'insectes peut s'accoupler. La femelle pond ensuite
dans le sable, deux ou trois fois, des groupes de 80 à 100 aufs que le
soleil couve. En bande, les criquets peuvent se déplacer sur 200 km par
jour et dévorent presque l'équivalent de leur poids
quotidiennemment. Ce poids est de 2 g pour les individus adultes pour une
taille de 6 à 7,5 cm pour les mâles et 7 à 9 cm pour les
femelles. Ainsi, un essaim dense de 1 km2 qui
regroupe environ 50 millions d'insectes avalera 100
tonnes de matière végétale fraîche par jour,
n'épargnant ni culture, ni végétation
naturelle42.
La dernière invasion de criquets
pélerins en Afrique a débuté en septembre 2003 et 65.000
km2 de végétation avaient été
dévorés à fin juillet 2004. en juillet, les abondantes
pluies estivales poussent les essaims d'insectes à migrer du Maghreb
vers le sahel, pour se reproduire en rejoignant les zones naturelles de
reproduction du sud de la Mauritanie, du Nord-Est du Sénégal et
de l'Ouest du Mali.
Pour Abdou GARBA, chef de famille résidant
à Bibémi à 20 km de Garoua, « Tout ce que nous
redoutons, ce sont les criquets migrateurs. Quand ils viennent, ils ravagent
tout, ils mangent toutes les récoltes. »
Ils agissent essentiellement pendant les récoltes
quand les plants sont déjà à maturité, ce qui
diminue les rendements.
> Les cochenilles (coccoidea)
Ils forment la superfamille d'insectes
hémiptères stenorrynches43. On en compte plus
de 7.000 espèces. Ces insectes étaient autrefois nommés
« poux des plantes » en raison de leurs pièces
buccales transformées en rostre piqueur leur permettant d'aspirer les
sèves. Les cochenilles sont toutes parasites des végétaux.
Ils sont caractérisés par un très fort dimorphisme sexuel.
Le mâle adulte possède une unique paire d'ailes
(antérieures), des antennes et des pattes développées,
alors que les femelles sont aptères. Ces femelles ne possèdent
que des appendices réduits (elles vivent fixées sur les
végétaux sauf à l'état de nymphe). Elles ne sont
pas mobiles et se nourrissent en se fixant sur les tiges ou les feuilles de
certaines plantes, comme le mil ou le sorgho, dont elles sucent la
sève.
Les cochenilles se nourrissent d'une large
variété de plantes, si bien que la plupart d'entre eux sont
considérés comme nuisibles. Ils sécrètent une
matière cotonneuse, constituée de fins filaments cireux ou
d'écailles cireuses. Certaines espèces ont une salive toxique :
lorsque la plante est parasitée par un nombre important de cochenilles,
on peut voir apparaître sur les
42 Source : Michael L.
ANSTEY, Serotonin mediates behavioral gregarization underlying swarm
formation in desert locust, Science, 30 january 2009, Vol. 323, N°
5914, pp.627-629.
43 Source : Revue
Insectes, n°119, mars 2000.
feuilles des tâches noires correspondant aux
toxines qui s'accumulent jusqu'à créer une petite infection. La
feuille finit par dépérir peu après, elle tombe, se
ratatine, jaunit ou se nécrose.
Chez certaines espèces très petites
(difficiles à observer et à remarquer sur la plante), on peut
déceler la présence d'un parasite au niveau des jeunes feuilles :
les cochenilles se fixent sur la jeune feuille en bourgeon, car c'est le
meilleur endroit pour profiter d'une arrivée constante de nouvelle
sève, plus riche de surcroît, mais aussi plus tendre, donc plus
facile à percer. La conséquence est le sous-développement
de la nouvelle feuille au niveau de la morsure ; la sève étant
aspirée par le parasite, la feuille n'ayant plus assez de ressources
à cet endroit pour se développer normalement.
Visuellement, cela est décelable par l'aspect
des nouvelles feuilles qui présentent une sorte d'encoche : c'est le
point de la morsure. Tout autour de celle-ci, la feuille est beaucoup moins
développée et peut apparaître légèrement
difforme à cause de la dissymétrie engendrée par le manque
de sève local lors du développement de la feuille. On peut
vérifier s'il s'agit bien de cochenilles en laissant la feuille sur la
plante (durant quelques jours ou quelques semaines, selon la vitesse de
développement de la plante) : l'insecte va se nourrir de manière
quasi continue, produisant son bouclier de cire. Cela se traduira par une fine
couche, en général brun clair, présente tout autour de
l'encoche.
Il est possible qu'un manque d'eau ou certains
polluants favorisent cet insecte parasite. Une autre explication peut
être à chercher dans la regression ou la disparition des
prédateurs naturels, suite à l'augmentation du taux de pesticides
dans l'air.
Les cochenilles sont des parasites qui tuent rarement
leur hôte, mais qui peuvent poser un sérieux problème en
agriculture, en horticulture, en sylviculture et dans les vergers. Ces insectes
font des ravages sur les arbres fruitiers et en particulier les
pommiers.
> Les termites
(isoptères)44
Les termites sont des insectes primitifs de couleur
blanchâtre, et de petite taille (5 à 8 mm de longueur pour une
largeur de l'ordre du mm), d'où leur surnom de (( fourmis blanches
». Ils sont qualifiés d' (( insectes sociaux »,
car ils vivent en colonies organisées, tout comme les abeilles, les
guêpes ou les fourmis. Leurs colonies sont souvent très
importantes et chaque individu y joue un rôle bien précis en
fonction de la ((caste » dont il dépend.
Schématiquement, il y a les ouvriers (les plus nombreux), les nymphes
(futurs reproducteurs), les soldats (pour la
44 André LEQUET,
Traité de termitologie, Paris, PUF, 2006,
pp.656-661.
défense de la colonie) et enfin le «
couple royal » (chargé de la reproduction). Sous certaines
conditions, on peut également trouver des individus dits «
néoténiques », parfois relativement nombreux, qui tout
en conservant des caractères en quelque sorte larvaires, sont
néamoins aptes à se reproduire et à générer
de nouvelles colonies.
Les termites ne s'installent, et ne
prolifèrent, que là oil l'eau leur est accessible. A cet
égard, la présence de nappes phréatiques superficielles
(les puits en sont un bon indicateur) constitue un facteur éminemment
favorable, tout comme la proximité de marais, de cours d'eau, de plans
d'eau, de source, et en règle générale de tout facteur
d'humidité. La plaine de la Bénoué et la zone qui
l'entoure sont suffisamment humidifiées pour encourager la
prolifération des termites, au grand dam de la production
agricole.
De par le monde, on connaît près de 2.000
espèces de termites, mais la grande majorité d'entre elles
prolifère dans les régions tropicales et équatoriales oil
les dégâts causés sont considérables. En
dépit de leur petitesse et de leur apparente fragilité, les
termites sont dotées de mandibules très puissantes aptes à
attaquer les bois les plus durs. Outre la vétusté, et en
général tout manque d'entretien de l'habitat, et de ses abords,
trois facteurs favorisent la présence et le développement des
termites. Ce sont
- l'obscurité (car ils sont lucifuges et fuient de
la lumière),
- l'humidité (puisqu'elle conditionne leur
survie),
- et enfin une température
élevée. La région du Nord connaît des
températures qui vont parfois au-delà de 50°C à
l'ombre. De tels pics ne peuvent qu'attirer les termites. La température
à l'intérieur des cases et surtout des greniers, à
laquelle s'ajoutent les deux facteurs précédents exposent les
récoltes aux assauts des termites ; ce qui va entraîner leur
diminution.
Quand l'exposition de la colonie est favorable, et que
les conditions climatiques le sont également (ensoleillement,
températures élevées), la propagation naturelle se fait
par « essaimage » c'est-à-dire que tous les ans,
généralement en avril-mai, une nouvelle génération
d'adultes s'envole et se disperse aux alentours de la colonie mère. Ces
adultes sont noirs et se comportent exactement comme les fourmis volantes.
Chaque couple formé peut alors fonder une nouvelle termitière. En
dépit de l'envol d'un grand nombre d'individus, cette forme de
propagation est relativement peu efficace ; d'autant qu'elle n'est pas toujours
possible, car ces insectes volent mal et les prédateurs tels les oiseaux
sont très friands de ces proies faciles.
La propagation par « bouturage »
est beaucoup plus insidieuse, et finalement plus efficace. Elle se fait un peu
à la manière d'une tâche d'huile, gagnant du terrain de
place en place, d'arbre en arbre, de maison en maison. Les colonies ainsi
créées finissent par former de
véritables réseaux couvrant des zones
importantes. Cette forme de propagation s'observe quand l'essaimage devient
impossible ou simplement aléatoire. Elle est grandement facilitée
par la présence des néoténiques, qui acquièrent la
faculté de se reproduire, sans devenir de vrais adultes, au sens
morphologique du terme. Leur nombre, parfois relativement élevé,
génère des foyers de dissémination très importants,
et des colonies se chiffrant par des dizaines voire des centaines de milliers
d'individus.
D'après Herman WAMBO-YAMDJEU et al,
(( Les pertes post-récoltes sont aussi un
élément important. Elles sont liées à la
non-maîtrise des techniques de conservation et de traitement par les
populations, mais aussi également au coût
élévé des produits insecticides. Le taux de perte
après récolte et durant la période de stockage des
céréales serait compris entre 25 et 40% de la production
stockée. »45
La destruction de la production agricole par les
insectes et les oiseaux granivores crée un déficit dans les
disponibilités alimentaires. Il s'en suit une crise ou une situation
d'insécurité alimentaire dans la mesure où les populations
se retrouvent dans un état de dénuement presque
complet.
Heureusement, d'après la FAO,
(( La situation relative au criquet pélerin
reste calme dans tous les pays à cause de la persistance d'une
pluviométrie et de conditions écologiques médiocres (..)
En avril 2010, une reproduction à petite échelle aura
probablemennt lieu dans les zones de reproduction printanière en Afrique
du Nord et en Asie du Sud-Ouest mais on s'attend à ce que les effectifs
acridiens restent en deçà de niveaux menaçants.
»46
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