II- UNE PRODUCTION EN BAISSE CONSTANTE
Dans la région du Nord, l'alimentation est
constituée essentiellement des céréales en l'occurrence le
sorgho (pluvial ou le muskuwaari), le mil pénicillaire, l'arachide, les
pois de terre (voandzou), le niébé... S'y ajoutent les produits
agro-industriels ; souvent importés ou issus d'autres régions du
Cameroun : le riz, le blé, le maïs de l'Adamaoua. En
fait,
« La culture du maïs semble difficile au
Nord de Garoua. Avec les variétés disponibles, elle semble
inadaptée au climat (problème d'alimentation en eau), et à
de nombreux sols (carences diverses, structures, striga..), aux
possibilités d'utilisation (mouture de grain trop coûteuse).
»31
Selon toute vraisemblance, la couverture des besoins
alimentaires en céréales est en baisse constante au Cameroun
depuis quelques décennies : en 1961-1963, elle était de 97% ; en
1971-1973, elle est de 83% ; en 1981-1983, elle s'élève à
84% pour descendre à 59% en 1988- 199032.
Les données de l'Office Céréalier
sur la production annuelle nous servent à dresser un tableau des besoins
en partant sur la base de 200 Kg de céréales par habitant et par
an.
31 Diocèses de Garoua,
Maroua, Mokolo, Ngaoundéré et Yagoua, Propos sur le
développement agricole au Nord-Cameroun, Avril 1983.
32 Statistiques
compilées par ONDOA MANGA dans Analyse des politiques agricoles
mises en wuvre au Cameroun depuis 1960 , 2006.
ANNÉE
|
POPULATION
|
BESOINS (T)
|
PRODUCTION (T)
|
BILAN (T)
|
1994-1995
|
970.000
|
194.100
|
435.200
|
241.200
|
1995-1996
|
1.020.000
|
204.000
|
413.900
|
209.900
|
1996-1997
|
1.100.000
|
214.500
|
344.300
|
129.800
|
1997-1998
|
1.128.000
|
225.600
|
329.200
|
103.600
|
1998-1999
|
1.186.000
|
237.100
|
213.100
|
- 24.000
|
Tableau 1 : Estimation des besoins et des productions en
céréales dans la région du Nord entre 1994 et 1999. Source
Office Céréalier.
Si on prend le cas particulier du riz, les
statistiques révèlent que sa production reste relativement basse.
En effet, depuis 1992, elle est restée inférieure à 80.000
tonnes, avec un record de 73.000 tonnes en 1998.
Comme il apparaît dans ce tableau, deux courbes
suivent des trajectoires diamétralement opposées. D'une part, et
conformément aux conclusions qui ont été tirées des
défaillances des politiques agricoles des pouvoirs publics, la
production agricole n'a pas pu faire face à l'abandon de cette
filière et connaît une chute progressive. D'autre part, la
croissance démographique est dans une phase ascendante. Elle est
même déjà estimée à 3.282.018 en 2015. Pour
Olivier IYEBI-MANDJEK, « Le croît démographique doit
beaucoup à l'encadrement médical et à l'acceptation par
les populations des campagnes de vaccination et des pratiques
hygiéniques. Cela a diminué notablement la mortalité
infantile »33.
Lorsque la production alimentaire ne parvient plus
à satisfaire les besoins de la population, l'autosuffisance alimentaire
ne saurait être atteinte. Lorsque le déficit est accentué
et que les mesures prises ne répondent pas efficacement à la
situation, c'est l'insécurité alimentaire qui
s'installe.
33 Olivier IYEBI-MANDJEK in
Atlas du Cameroun, p.82.
Certes, pour les raisons sus-évoquées,
l'Etat y est pour beaucoup dans la crise alimentaire que connaît la
région du Nord. Cependant, beaucoup d'autres facteurs aggravants entrent
en jeu, qui ont tendance à l'exacerber. C'est pourquoi dans le chapitre
qui va suivre, il sera question d'explorer les constructions causales sociales
qui entourent l'insécurité alimentaire. L'analyse des causes
étant indissociable de celle des conséquences, il sera fait
question de ces dernières par la suite.
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