Deuxième partie
Des indemnisations variables selon les droits de
propriété intellectuelle en cause et insuffisantes
Il nous a semblé intéressant d'étudier de
façon très concrète les dommages et intérêts
alloués par les juges pour indemniser les victimes de
contrefaçons. Pour ce faire, nous avons choisi de relever un certain
nombre de décisions où les juges prononcent de telles sanctions
en raison de contrefaçons d'objets couverts par un droit de
propriété intellectuelle47. Selon les titres de
propriété intellectuelle en cause, nous effectuerons des
comparaisons qui nous semblent avoir un sens à l'intérieur de
chaque domaine. L'étude ne sera donc pas totalement symétrique
entre droit d'auteur et droits de propriété industrielle.
Dans cette perspective, nous examinerons les montants
alloués par les juges d'abord pour les seules contrefaçons
d'objets protégés par un droit d'auteur (I), puis pour celles
subies par des objets protégés par des droits de
propriété industrielle (II)48 pour enfin confronter
ces chiffres entre eux (III).
I.Comparaison des sommes allouées au sein du
droit d'auteur
Comparer les sommes allouées par les tribunaux au titre
de l'atteinte aux droits patrimoniaux et de l'atteinte au droit moral n'est pas
chose aisée, les décisions accordant le plus souvent des sommes
globales (A). Il conviendra cependant de se livrer à un tel exercice en
comparant d'abord les montants alloués au sein d'une même affaire
(B), puis toutes décisions confondues (C) et enfin selon les attributs
du seul droit moral (D).
A.Sommes globales allouées
Lorsqu'ils sanctionnent des actes de contrefaçon, les
tribunaux ne distinguent pas toujours entre les sommes allouées au
titre du préjudice patrimonial et celles allouées au titre
du préjudice moral. En effet, certaines décisions font
état de sommes prenant en compte un
47 Décisions antérieures à
l'entrée en vigueur de la loi du 29 octobre 2007 ou ne faisant pas
application des dispositions nouvelles.
48 Nous limitons notre étude au droit des
brevets et au droit des marques.
préjudice global, censé réparer les deux
atteintes à la fois. Il arrive qu'au cours d'une même affaire, les
juges de première instance distinguent les sommes à verser et que
la Cour d'appel ait transforme celles-ci en une somme globale. Ainsi dans une
espèce49, le TGI de Paris avait condamné les
défendeurs in solidum à payer au demandeur la somme de
3000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte
au droit moral et celle de 2000 euros en réparation du préjudice
patrimonial. La Cour d'appel50 augmenta le montant total des
dommages et intérêts puisqu'elle condamna le premier
défendeur à verser la somme de 30 000 euros et le second à
verser celle de 10 000 euros mais précisa que pour chacune de ces
sommes, il s'agissait d'une réparation tant du préjudice moral
que du préjudice patrimonial. Ainsi, il n'était plus possible de
savoir lequel des deux préjudices avait été le mieux
réparé ou s'ils l'avaient été à concurrence
du même montant. Dans ce dernier cas, le demandeur avait pourtant
formulé des demandes distinctes pour ses deux préjudices.
Parfois encore, la juridiction se contente d'énoncer
qu'une somme est allouée « en réparation de l'entier
préjudice »51. Mais dans d'autres espèces,
c'est le demandeur qui formule luimême une demande de dommage et
intérêts globale, au titre du préjudice patrimonial et
moral que lui a fait subir un acte de contrefaçon, sans que l'on sache
précisément à quel attribut du droit moral il est fait
référence52.
Ainsi sur cinquante-cinq décisions
étudiées53, vingt-neuf contiennent une allocation de
dommages et intérêts pour atteinte au droit patrimonial,
vingt-trois font état de dommages et intérêts au titre du
droit moral et enfin huit contiennent l'allocation de dommages et
intérêts réparant une atteinte globale indistincte.
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