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L'indemnisation des préjudices résultant de la contrefaçon

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par Alexandre BLONDIEAU
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2 Propriété Industrielle et Artistique 2008
  

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C.La licence indemnitaire

1.L'indemnisation : une licence et non pas la perte de chance d'obtenir une licence

Comme nous l'avons vu plus avant, lorsque le titulaire d'un droit de propriété intellectuelle était victime d'actes de contrefaçons et qu'il n'exploitait pas ce titre, il recevait l'équivalent des redevances éludées, ce qui ne devrait pas changer avec la loi nouvelle. Dans l'hypothèse où ce titulaire ne concédait aucunes licences à des tiers, les tribunaux condamnaient quand même le contrefacteur au paiement de ces sommes. Il est permis de penser que cette indemnisation était finalement contraire au principe de réparation intégrale. En effet, dans ce cas de figure, les tribunaux ne prenaient pas en compte la mince probabilité qu'il y avait pour le titulaire de conclure un tel contrat avec le contrefacteur. L'on sait que de telles licences indemnitaires étaient au moins équivalentes à ce que le contrefacteur aurait payé s'il avait négocié un contrat licitement, ce n'était donc pas seulement la perte de chance de conclure un contrat qui était réparée mais bien plus. C'était bien là de peines privées qu'il s'agissait.

2.La majoration du montant de la licence indemnitaire

En principe, quand le titulaire n'exploitait pas lui-même son droit de propriété intellectuelle, il ne devait recevoir que le prix de la licence perdue, soit le montant des redevances. Seule cette solution était réellement conforme au principe de réparation intégrale du préjudice.

Cependant, une jurisprudence bien établie calculait le préjudice subi par le titulaire du droit victime de contrefaçons sur la base d'une redevance indemnitaire dont le taux était majoré pour tenir compte du fait que le contrefacteur s'était dispensé d'autorisation. Cette

38 Paris, 8 sept 2004, RTDCOM 2004, p.734, obs F. Pollaud-Dulian.

39 C. Caron, Droit d'auteur et droits voisins, Litec, 2006, n° 534.

jurisprudence n'était pas nouvelle puisque déjà en 1985, le Tribunal de Grande Instance de Paris énonçait que lorsqu'il s'agissait d'une redevance indemnitaire « le taux doit être nécessairement supérieur au taux librement consenti aux licenciés afin de conserver un caractère dissuasif à l'égard des contrefacteurs »40. De même, en 1991, la Cour d'appel de Paris énonçait « selon les usages en la matière, le taux de la redevance indemnitaire est déterminé par référence au taux que le breveté peut être amené à pratiquer dans le cadre d'une licence librement consentie à un tiers exploitant dans des conditions similaires et est majoré pour tenir compte du fait que le contrefacteur n'est pas un licencié contractuel qui a débattu librement du taux qui sera appliqué et qu'il n'est pas en position de refuser les conditions qui lui sont imposées »41. Ainsi, la majoration de la licence venait punir le contrefacteur à qui l'on « imposait » des conditions, du fait qu'il avait lui-même au préalable « imposé » en quelque sorte une exploitation au titulaire de son droit de propriété intellectuelle.

Plus récemment, le TGI de Paris a même condamné un contrefacteur de brevet à payer une redevance au taux de 10% alors que son taux habituel pouvait être évalué à 5%. Dans cette affaire, le Tribunal doublait donc le taux de la redevance et justifiait cela par le fait que « le contrefacteur s'est placé dans une position ne lui permettant pas de discuter les termes du contrat »42.

Une telle majoration des taux des redevances indemnitaires ne semblait même plus faire figure d'exception en jurisprudence. La Cour de cassation avait même déjà eu l'occasion d'approuver une telle pratique43.

En droit d'auteur spécifiquement, les décisions faisaient moins nettement apparaître que la réparation du préjudice se basait sur une licence indemnitaire même si le même principe prédominait. Dans ce domaine aussi l'on relevait des cas jurisprudentiels caractérisant l'idée de peine privée.

Ainsi par exemple dans une affaire de contrefaçon de photographies, le contrefacteur se
prévalait du barème de la société de gestion collective gérant les droits patrimoniaux en cause.
Le Tribunal de Grande Instance de Paris avait énoncé que la société d'éditions contrefactrice

40 TGI Paris, 30 janv. 1985, « Voegtlin c./ G.I.E APPA », D. 1986, I.R, p. 136, obs Mousseron.

41 Paris, 12 nov. 1991 : PIBD 1992, 519, III, 194.

42 TGI Paris, 9 févr. 2006, « Neopost Industrie et autres c./ Pfe International et autre », PIBD 2006, 830-III-350

43 Cass. com, 19 fév. 1991, J.-L Piotraut et P-J Dechristé, Jugements et arrêts fondamentaux de la propriété intellectuelle, Tec et Toc, 2002.

ne pouvait se prévaloir de ce barème puisque les reproductions n'avaient pas été autorisées44. C'était donc clairement énoncer ici aussi que le contrefacteur devait payer plus que le tarif habituel, en raison de l'absence d'autorisation préalable d'exploiter les photos.

Dans un autre arrêt concernant à nouveau une contrefaçon de photographies, la Cour d'appel de Versailles avait relevé que si le photographe avait consenti à la reproduction de ses oeuvres, il aurait pu percevoir la somme de 4 000 francs dans l'hypothèse d'une diffusion de 5 000 exemplaires et la somme de 6 000 francs dans celle d'une diffusion n'excédant pas 10 000 exemplaires. Mais la Cour relevait qu'il convenait « de prendre en compte le caractère fautif d'une reproduction sans autorisation » et évaluait finalement le préjudice patrimonial en son entier à la somme de 20 000 francs45. Dans cette espèce, la Cour faisait donc plus que tripler la redevance au titre du caractère fautif de l'exploitation sans accord de l'auteur.

Ces exemples démontrent que le principe de la réparation intégrale était mal adapté pour réparer les préjudices causés par la contrefaçon car ne prenant pas en compte l'aspect dissuasif, bien que la nature spéciale de l'action en contrefaçon pouvait le justifier. Les juges étaient donc souvent conscients de la nécessité d'accorder plus que la stricte réparation du préjudice, certains franchissant le pas, d'autre non. Mais, avec un auteur, l'on pouvait douter de l'effet véritablement dissuasif de ces peines privées officieuses : « L'effet préventif n'a pas lieu car le contrefacteur qui espère déjà ne pas être pris, espère ensuite, s'il est pris, que le juge ne le sanctionnera que faiblement. Il faut donc rendre le système prévisible, pour rendre la sanction plus effective »46.

44 TGI Paris, 11 oct. 2000, « ADAGP c./ Sté Editions Alternatives » : RIDA, avr. 2001, p. 386.

45 Versailles, 5 nov. 1998, « Sté Arkadia c./ Jean-Pierre Leloir » : RIDA, avr. 1999, p. 367.

46 M. Béhar-Touchais, « Comment indemniser la victime de la contrefaçon de façon satisfaisante » ?, préc.

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