Le Samusocial Mali et la prise en charge médico-psycho-sociale des enfants de la rue en situation d'urgence sociale. Quelles problématiques pour quelles prises en charge?( Télécharger le fichier original )par Jean Douba KONE Institut national de formation des travailleurs sociaux - Diplôme supérieur en travail social 2010 |
Appellation enfants de la rueGallonasi : enfant de la rue Wankeba : nouveau venu dans la rue. Yachi : enfant qui a duré un peu dans la rue Nouchi : enfant qui a beaucoup duré dans la rue.
Vocabulaire relatif à la survie psychologique Le chanvre indien a différentes appellations : Ya, Mougou, bing, Béret rouge : comprimés excitant Bleu bleu : comprimés qui font dormir Dis : colle Vocabulaire relatif à la survie économique Pour survivre dans la rue, les enfants ont recours au vol ou à la mendicité comme stratégie de survie économique. Les enfants utilisent des codes pour définir différents types de vols : Drapo : vol dans une poche située sur la poitrine d'une chemise et lorsque les objets sont reliés par une chaîne à la poche. Drapo flottant : ils utilisent ce terme lorsque les objets ne sont pas reliés par une chaîne. Haricot/ haricot flottant : il s'agit d'un vol d'un objet dans la poche arrière d'un pantalon (avec ou sans chaîne). Op ( pour opérer ) : vol où les vêtements sont découpés avec une lame Côté : vol généralement de blanches car elles portent leurs sacs sur le côté. Balance : vol dans le marché (ils rentrent en courant et volent et continuent de courir pour semer les éventuels témoins). Jofli : vol lorsque les rôles sont déterminés. Un enfant au milieu d'une foule va déstabiliser une personne en la poussant et l'autre va dérober l'objet. Gato : les gens sont au courant du vol Gatoden : enfant qui les dénonce Paah : l'affaire Galaho : le vol de nuit Vocabulaire/ nourritureLaga : la nourriture San laga : la faim San laga den : injure signifiant qu'une personne est affamée Laga puisant : la bonne nourriture La violence Zaïbo : l'agression sexuelle entre deux petits garçons. LE RAPPORT DES ENFANTS AUX DIFFÉRENTS TERRITOIRES Comment les enfants choisissent leur territoire ? Comment ceux ci se déplacent d'un territoire à l'autre ? Quel rapport unit les enfants à leurs territoires ? Voilà bien souvent les questions que l'on est amené à se poser et auxquels nous tenteront d'apporter des éléments de réponses au vue de l'expérience de terrain. Ø Comment les enfants choisissent leurs territoires ?
Lorsqu'un enfant arrive dans la rue, il ne sait pas sur quel territoire il va s'établir. Il va dans un premier temps, suivre les enfants qu'il va rencontrer. Le caractère déterminant de la première rencontre, semble être le dénominateur commun dans l'expérience « d'entrée dans la rue de ces enfants ». On peut distinguer deux types de situations : les enfants qui ont une expérience de mendicité la journée et qui progressivement vont s'installer dans la rue et les enfants qui n'ont aucune expérience de la rue à Bamako (enfants de la brousse, enfants chassés par la famille...). Dans les deux situations, les enfants vont rencontrer un enfant de la rue plus expérimenté qu'eux et qui va leur indiquer où dormir. Pour les enfants ayant déjà une expérience de mendicité, il semble qu'ils ont déjà établi un contact avec un enfant avec lequel ils passeront leur première nuit. Pour les autres, il semble que le premier réflexe est de se diriger vers le centre ville. De là, ils rencontrent un enfant ou un groupe d'enfants avec lesquels ils vont entrer en contact. On retrouve donc des nouveaux enfants sur l'ensemble des sites identifiés. Néanmoins, il semble qu'il soit plus rare d'en rencontrer à l'école Cendrillon du fait de son éloignement du centre ville et de sa fréquentation par des adolescents très expérimentés à la rue. Le dortoir des premières nuits dans la rue de les enfants est en lien avec la notion fondamentale qui structure la vie dans la rue : la recherche de socialisation. L'enfant dort là où il a établit un contact avec un de ses pairs ou un groupe. Il semble qu'il ne s'agisse pas d'un choix mais d'une opportunité que l'enfant a saisit.
Après avoir intégré les règles de vie dans la rue, les enfants semblent rejoindre leurs lieux de dortoirs en fonction d'autres critères. Le choix du dortoir semble être le résultat de deux logiques qui se superposent : une logique individuelle et une logique de groupe. Les logiques individuelles pourraient être définies par la stratégie selon laquelle l'enfant tente de répondre à ses aspirations, à son évolution dans la rue, à ses besoins. Ici, l'enfant est acteur de sa situation, il décide après avoir pesé sur la balance les aspects positifs et négatifs des possibilités qui s'offrent à lui. Lors des entretiens, les enfants ont mis en exergue différents arguments qui ont été classés comme suit : - Les possibilités qu'offre le lieu : l'hygiène, la proximité des activités de la journée, la sécurité comme les centres d'accueil, l'absence de moustique... Le confort du lieu est généralement le premier argument que font ressortir les enfants, dans cette optique, ils insistent principalement sur l'aspect sécuritaire du lieu. Ainsi, les enfants de la pharmacie du KOMOGUEL expliquent qu'ils ont quitté le centre ville pour ce dortoir parce que « là bas, il y a trop de vagabonds, on se fait trop voler nos piécettes ». Les enfants du Cendrillon explique qu'au Cendrillon, il y a moins de poux parce que les enfants qui fréquentent ce dortoirs sont plus grands et que souvent les petits enfants ont des poux. La proximité du dortoir par rapport aux lieux d'activités diurnes est aussi souvent citée par les enfants. - Le besoin de sortir du monde de la rue : Certains lieux symbolisent une sortie du monde de la rue : centre d'accueil où des projets peuvent être amorcés (retour en famille, formation professionnelle) où des animations la journée sont organisées (sensibilisation paludisme, danse, rap ou karaté). Les enfants qui vont fréquenter ces centres viennent d'arriver dans la rue et non pas encore intégrés le monde de la rue ou travaillent un projet de sortie du monde de la rue (retour en famille...) Le choix du lieu de dortoirs peut être également fonction des logiques de groupe : certaines logiques de groupe apportent un éclairage sur le choix des dortoirs. On retrouve ici encore le fait de tenter de répondre à des besoins. Ce présent mémoire a tenté de mettre en exergue la situation des enfants vivant dans la rue. De part, leur situation de rupture avec leur milieu affectif et leur « insertion » dans la rue, ils représentent une population spécifique pour laquelle une approche adaptée doit être développée. C'est finalement par la reconnaissance de ces particularités, qu'un processus de lutte contre la stigmatisation pourra se mettre en place. Mieux comprendre les spécificités pour mieux les dépasser.... Tout ce travail de mise à jour à la fois de la situation des enfants mais aussi des stratégies d'intervention n'a été possible que par une combinaison du travail de terrain et du dispositif de formation. Mieux repérer les difficultés pour mieux les appréhender... Les enfants qui sont contactés chaque soir par les équipes sont des enfants héritiers d'une histoire familiale compliquée. Ils sont donc en souffrance et en difficulté pour survire, cela paraît banal mais cela, il ne faut jamais l'oublier. La présence quotidienne des membres des équipes mobiles d'aide représente une main tendue qu'ils pourront saisir dés qu'ils seront prêts. C'est par l'action conjuguée à la fois du regard bienveillant mais aussi de la présence des EMA dans leur monde que leur dignité leur est restituée et qu'ils pourront de nouveau continuer à se construire. La vie dans la rue est dure. Les personnes de part le monde qui y vivent, sont victimes de violence et d'humiliation. Elles perdent petit à petit la volonté de renouer avec la société, d'entrer en contact avec ce monde qui les a rejeté. Elles sombrent petit à petit dans l'oubli et se noient dans leurs souffrances. C'est pourquoi, il est primordial d'aller les chercher, et au fur et à mesure des contacts, de soulager leurs souffrances et de les aider à retisser des liens avec ce monde que bien souvent elles rejettent après en avoir été rejetées. Il s'agit de leur tendre la main pour les empêcher de sombrer. |
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