B- Appréciation de la notion de situation
irrémédiablement compromise
On considère généralement que la
situation irrémédiablement compromise qui n'est pas
définie par la loi est constituée dès lors que, au moment
où est accordé le crédit, l'entreprise
bénéficiaire se trouve dans l'impossibilité de poursuivre
l'exploitation ou dès lors que le dépôt de bilan de
l'entreprise apparaît inéluctable. Autrement-dit, la poursuite de
l'activité de l'entreprise s'inscrit dans un cadre de difficultés
insurmontables. C'est la situation d'une entreprise qui ne peut trouver des
conditions normales d'exploitation90. La continuation du concours de
la banque dans de telles circonstances l'exposerait, du reste, à
être poursuivie pour soutien abusif. Autrement dit, la faute du banquier
traduit souvent un manquement à son devoir de rompre le crédit
lorsque l'entreprise se trouve dans une situation
irrémédiablement compromise91.
Plusieurs termes en jurisprudence sont employés pour
exprimer la même réalité : on parle par exemple de «
situation désespérée », « sans
issue », « situation compromise » ou encore «
définitivement compromise ».
La situation irrémédiablement compromise est un
état de fait qui est souverainement apprécié par les juges
du fond et qui doit être appréciée au moment où est
accordé le soutien. Par ailleurs, il convient de rappeler que c'est la
situation du bénéficiaire du crédit qui doit être
prise en compte. Dès lors, le banquier n'est pas fautif s'il accorde un
crédit au dirigeant, afin de lui permettre de poursuivre une
89 Arrêt du cours des intérêts,
suspension des poursuites individuelles...
90 Cf. CREDOT (F.), Mélanges en l'honneur de
VASSEUR (M.), p. 62.
91 Cf. article 22 al 2 et 3 de l'ordonnance de 85
précité.
activité propre.
Finalement, l'entreprise en situation
irrémédiablement compromise est celle dont la continuation
d'exploitation est devenue impossible, son échec ne fait plus l'objet
d'aucun doute. L'entreprise se retrouve sans aucun actif, ni commandes
certaines. L'octroi de crédit sera alors injustifié s'il est
certain ou fortement probable que les difficultés rencontrées par
l'entreprise sont sans issues. La banque commet alors une erreur en continuant
à soutenir financièrement son entreprise cliente.
La situation irrémédiablement compromise ne
constitue pas à elle seule la cause de responsabilité du
banquier. Ce dernier doit en face d'une entreprise sans issue commettre
l'erreur fatale, continué à financer son client.
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