Paragraphe 2 : Le financement des déficits de
l'entreprise
En réalité, la situation
irrémédiablement compromise ne suffit pas pour engager la
responsabilité du banquier, celui-ci doit avoir continué à
financer l'entreprise. L'établissement de crédit continue
à financer l'entreprise qui est vouée inexorablement à
l'échec, car la situation irrémédiablement compromise est
une cause légitime de rupture de contrat de crédit.
En soutenant financièrement une entreprise dont la
situation financière est désespérée, le banquier
masque la réalité, prolonge artificiellement la vie de
l'entreprise et diffère l'ouverture d'une procédure de
redressement ou de liquidation des biens ; ce qui conduit nécessairement
à augmenter les pertes de l'entreprise et donc à diminuer les
chances des créanciers de voir leurs créances honorées. Le
fournisseur de crédit commet donc une faute dans la mesure où il
manque à son devoir de discernement, de diligence.
Un auteur avait même soutenu que la
responsabilité du banquier mérite d'être
écartée, parce que le plus souvent les tiers ignorent l'existence
du crédit. Cette opinion ne doit pas, semble-t-il, être retenue
dans la mesure où, le créancier ne prétend pas qu'il a
contracté à cause du crédit octroyé par le
banquier, mais parce qu'il a été abusé par la situation
générale créée par le
crédit92.
92 Faire du crédit, c'est avant tout faire
confiance. Or, le banquier ne fait pas confiance aveuglement. Il n'accorde
Il est toutefois des cas où, quelle que soit la
gravité de la situation financière de l'entreprise, le
dispensateur de crédit ne pourra voir sa responsabilité
engagée. Il s'agit des crédits dits « légitimes
».
Il s'agit d'abord des concours octroyés dans le cadre
d'un plan de redressement. Les juges ont ainsi admis que n'est pas fautif
l'établissement de crédit consentant une avance à une
entreprise qui offre des possibilités de redressement, alors que des
mesures concrètes d'assainissement sont prévues. Il en est de
même du changement de dirigent et d'actionnariat, de la mise en place
d'une politique de gestion et d'investissement, et ce, même si le plan de
redressement s'avère finalement être un échec. Il semble
ensuite, que l'intervention des pouvoirs publics puisse légitimer aussi
le soutien du fournisseur de crédit.
En effet, il se peut qu'une entreprise en difficulté se
voit accorder le bénéfice d'une aide des pouvoirs publics aux
côtés des banques privées afin de tenter de surmonter une
crise qui peut très bien n'être que passagère, mais aussi
s'avérer fatale pour l'entreprise. La difficulté qui se pose
alors est celle de savoir si le banquier est susceptible d'engager sa
responsabilité pour octroi abusif de crédit, alors qu'elle a agit
concomitamment avec l'Etat.
Il est possible de dire que la banque n'est pas responsable
puisqu'elle a accordé un crédit aux côtés même
des pouvoirs publics. L'intervention des pouvoirs publics dans ce cas
constituant une présomption du caractère sérieux du plan
de redressement. Aussi les banques pourront toujours faire valoir qu'elles
n'ont pas été totalement libres dans leur décision
d'apporter ou non leur concours à l'entreprise en difficulté, en
raison de la pression exercée sur elles par les autorités
publiques.
En plus de la situation irrémédiablement
compromise et du financement des déficits de l'entreprise, le banquier
doit avoir la connaissance de la situation de cette entreprise cliente.
normalement son crédit qu'à ceux qui inspirent
entièrement confiance par les garanties de sérieux et
d'honorabilité qu'ils offrent. Le crédit est donc
révélateur, en principe, d'une parfaite honorabilité du
crédité. Dans la vie des affaires, il est, synonyme de
dignité. Dans ces conditions, s'il ne correspond pas dans la
réalité à cette image, si en fait il a accordé
à une personne peu honorable, il est concevable qu'il soit trompeur et
que les victimes de cette dissimulation songent à demander des comptes
au banquier. Peu importe que le banquier ait été inspiré
par la volonté de masquer la situation le temps de se dégager,
qu'il ait été imprudent, incohérent ou qu'il se soit
laissé tenter par une fuite en avant.
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