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La responsabilité du banquier dispensateur de crédit

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par Aristide CHACGOM FOKAM
Université de Dschang - Master 2 en droit des affaires et de l'entreprise 2011
  

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Paragraphe 2 : Le banquier, dirigeant de fait de l'entreprise

cliente

Le point de départ de cette responsabilité se trouve dans l'article 180 de l'Acte Uniforme sur les Procédures Collectives d'Apurement du Passif80. C'est une règle classique selon laquelle, en cas d'insuffisance d'actifs et de fautes de gestion, le tribunal peut mettre cette insuffisance à la charge des dirigeants de droit ou de fait.

Sont dirigeants de fait, les personnes qui, n'ayant pas la qualité de dirigeant, accomplissent des actes positifs de gestion et de direction en toute souveraineté81. Les personnes qui prennent en fait des décisions réservées aux organes de gestion, qui exercent un véritable pouvoir de gestion et qui influencent ainsi de manière notable la formation de la volonté sociale. Il ressort de cette définition un critère fondamental de la caractérisation de la banque comme dirigeant de fait ; il faut que la banque ait accompli des actes positifs de gestion en toute souveraineté.

L'activité positive est nécessaire à la reconnaissance de la qualité de dirigent de fait. En effet, les abstentions ne peuvent conférer cette qualité. Il doit s'agir d'une participation effective. Ceci doit se faire en toute indépendance traduisant ainsi l'idée selon laquelle la personne en question n'est pas liée à la société par un lien de

79 Compte tenu de la jeunesse de nos Etats et de la sous scolarisation, nombreux sont les entrepreneurs qui n'ont aucune ou du moins des connaissances minimes en matière de gestion. Cependant la tendance progressive tend à démontrer le contraire, avec l'entrée dans le monde des affaires des entrepreneurs sortis de grandes écoles de gestion.

80 Cet article stipule que: «les dispositions du présent chapitre sont applicables, en cas de cessation des paiements d'une personne morale, aux dirigeants personnes physiques ou morales, de droit ou de fait, apparents ou occultes, rémunérés ou non et aux personnes physiques représentants permanents des personnes morales dirigeantes »

81 Cf. COUDERT (J-C.) et MIGEOT (P.), « L'appréciation par l'expert du comportement dans la distribution du crédit », in Les Petites Affiches, mai 1993, p. 9, cité par MAGUEU Les banques et les entreprises en difficultés, mémoire DEA, Université de Dschang 2005.

subordination, de sorte que son activité soit exercée en liberté. C'est d'ailleurs l'exigence d'actes positifs qui différencient le dirigeant de fait du dirigeant de droit. Si le dirigeant de droit engage sa responsabilité pour les fautes d'omission, le dirigeant de fait se révèle par son action82.

Par ailleurs, les actes en question doivent porter, soit sur la gestion, soit sur la direction de la société. Ce critère est sans cesse exigé par la jurisprudence et elle retient par exemple comme actes positifs de gestion : les décisions prises en matière d'investissement, la signature au nom de la société, de contrat, déclarations fiscales et sociales, comptes annuels, chèques ou traites, la passation de marchés, la fixation des prix, ou enfin l'exercice de pouvoirs en matière de gestion du personnel (recrutement, plan de carrière). Il peut aussi s'agir de pressions (menace, chantage, ultimatum) sur les organes de direction, afin de diriger leurs actions. Il faut par ailleurs une multiplicité d'actes de façon à démontrer que les fonctions exercées ne sont pas limitées à des opérations ponctuelles. Autrement, il faut une répétition dans l'accomplissement des actes par le dirigent de fait. Le simple conseil ou la surveillance des fonds ne peut être source de responsabilité, à moins que l'établissement de crédit soit très proche de l'entreprise pour devenir une direction occulte.

La banque est un partenaire incontournable qui ne doit pas se mêler des problèmes de gestion interne de l'entreprise cliente.

Un adage populaire dit souvent que « l'argent c'est le diable ». Cet adage peut bien se vérifier dans le domaine bancaire. En effet, si le crédit du banquier peut faire un très grand bien à une entreprise, il peut aussi en être son pire poison et être la cause de son déclin. Il en va ainsi lorsque, le banquier accorde son soutien à une personne qui, en principe, n'en avait pas besoin : c'est l'inopportunité du crédit ; ou que le crédit ayant été accordé, il ne s'assure pas que la destination du crédit est celle préalablement établie ; ou encore surveille le crédit au point de s'ingérer dans la gestion de son débiteur et devenir dirigeant de fait. La jurisprudence, de plus en plus, pour alléger la responsabilité du banquier, tient compte de la compétence du débiteur en faisant la distinction selon qu'il est averti ou non averti. Toujours est-il que c'est le crédit du

82 Cf. TRICOT (D.), « les critères de la gestion de fait », Dr. et Patrim. Janvier 1996, p. 24et s, spéc. p. 24, cité par CAPOEN (A-L.) thèse précitée, p.139.

banquier qui doit conduire à la décadence des affaires du débiteur. Ce cas se distingue nettement du cas où le crédit est accordé à une entreprise vouée à l'échec.

CHAPITRE 2 : LES OBLIGATIONS DU BANQUIER A

L'EGARD DES TIERS

L'entreprise, comme une personne humaine, connaît au cours de sa vie d'importants problèmes qui, souvent, peuvent la conduire, s'ils ne sont pas résolus, à la cessation des paiements, puis à la liquidation des biens. Ces difficultés sont souvent à l'origine de l'intervention des tiers et notamment des banques pour sauver et empêcher la mort de la société. Mais cette intervention de la banque peut l'amener à engager sa responsabilité. Cette responsabilité peut découler de la rupture brutale des concours à un moment important pour la société. Elle peut aussi engager sa responsabilité pour avoir accordé un prêt à une entreprise qui visiblement était vouée à la perte : c'est le soutien abusif.

Le soutien abusif n'est pas directement visé par le législateur. C'est dans l'analyse et l'interprétation de l'article 118 de l'AUPCAP qu'il faut aller pour le trouver. Il peut être défini comme la faute du banquier qui, en continuant d'octroyer du crédit, permet la prolongation artificielle d'une activité dont la continuité était déjà compromise et contribue ainsi à l'augmentation du passif ou à la diminution de l'actif, tout en laissant paraître une fausse apparence de solvabilité83. A cet égard, la banque peut être condamnée à réparer les préjudices subis par les tiers.

A l'examen, plusieurs conditions sont nécessaires pour l'existence de la faute de soutient abusif. Il s'agit de : la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise, le maintien ou l'octroi du crédit pendant cette période et la connaissance par la banque de cette situation. Les deux premières conditions constituent les conditions objectives (section1) et la dernière, la condition subjective (section 2) du soutien abusif.

83 La situation irrémédiablement compromise est une cause de rupture légitime du contrat bancaire. Car, comme le précise l'article 22 alinéa 2 et 3 de l'ordonnance de 85 précité, commet un faute le banquier qui ne rompt pas son concours à une entreprise dont la situation est irrémédiablement compromise.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld