Section 2 : La surveillance des fonds
prêtés
On admet de plus en plus aujourd'hui que le rôle du
banquier ne se limite plus a celui de « marchand d'argent ».
De par sa position par rapport à l'entreprise, la relation qu'il
entretient avec ses clients l'amène à les accompagner au
quotidien dans leurs affaires. Ce rôle de la banque doit se faire dans
une proportion bien définie, afin qu'il ne s'immisce pas dans les
affaires de son client (paragraphe 2). En la matière, le principe est
celui de la non ingérence (paragraphe 1).
70 Civ. 1er, 12 juillet 2005, Bull. civ.
I, n° 327; D. 2005. Jur. 3094, note PARANCE (B.), AJ 2276, obs. DELPECH
(X.).
71 Cf. Civ. 1ère, 2 novembre
2005, bull. Civ. I, n°397; D. 2005, AJ. 3084, obs. AVENA-ROBARDET (V.);
RTD com., 2006. 171, obs., LEGEAIS (D.); RDI 2006. 294, obs. HEUGAS-DARRASPEN
(H.) ; RTD com. 2006. 462, obs. LEGEAIS (D.).
Paragraphe 1 : Le principe de non ingérence
L'étude du contenu du principe (A) va
précéder celle de sa limite (B).
A- Le contenu du principe
Encore appelé devoir de non immixtion, le principe de
non ingérence interdit aux établissements de crédit
d'intervenir dans les affaires de leurs clients. Ce devoir a une origine
prétorienne. Un arrêt de la Cour de cassation française du
28 janvier 1930
semble en être la première application. Dans cette
affaire, la cour déclare qu' « ils'agissait
d'un dépôt de fonds aux mains d'un banquier, qu'aucune
règle de droit ne
met à la charge du dépositaire l'obligation
de procéder spontanément à la vérification de
l'identité du déposant ou des droits de celui-ci, pas plus lors
du dépôt que de la restitution ». Il s'agissait
là des prémisses du devoir de non immixtion du
banquier72. Ce principe a ensuite été sans cesse
rappelé par les juges et systématisé par la doctrine.
Ainsi, selon Thierry BONNEAU « ce principe repose sur
un paradoxe apparent : ilprotège à la fois le client
et le banquier »73. Il protège le client en lui
conférant une
large marge de manoeuvre74. Le banquier ne se
mêlera pas de ses affaires. Il ne peut intervenir ni pour empêcher
son client d'accomplir un acte irrégulier, ni pour refuser
d'exécuter les instructions données par son client au motif que
celles-ci lui paraissent inopportunes. Si le banquier intervient tout de
même, il engage sa responsabilité et c'est en ce sens que ce
principe protège l'intérêt du banquier. Il protège
le créancier aussi bien à l'égard de ses clients
eux-mêmes que des tiers.
Le fondement de ce principe reste tout de même
très discuté en doctrine. Certains auteurs75 y voient
un prolongement du secret des affaires, ce qui est contesté par
d'autres76, qui considèrent que le principe de non
ingérence prend appui sur le droit commun de la responsabilité.
Il parait plus juste et simple de fonder ce principe
72 Cf. Cass 28 janvier 1930, Gaz. Pal. 1930. 1.
550, RTD, Civ. 1930, P. 369, obs. DEMOGUE (R.) In CAPOEN (A-L.) «
Responsabilité bancaire à l'égard des entreprises en
difficultés », thèse Université de Toulouse 18
Décembre 2008, p. 142.
73 Cf. BONNEAU (Th.), Droit bancaire, Montchrestien,
2°éd. 1996, n°395, p. 243.
74 Le client de la banque doit mener ses affaires en
toutes libertés sans aucune contrainte, procéder aux choix qu'il
juge opportun.
75 Cf. VEZIAN (J.) cité par BONNEAU (Th.),
ouvrage pré-cité.
76 Cf. GRUA cité par BONNEAU (Th.), ouvrage
pré-cité.
sur le respect de la vie privée : chacun est
maître de ses affaires et les gère comme bon lui semble. Pour
cette raison, le banquier n'a pas à s'immiscer dans les affaires de ses
clients. Il en découle nécessairement que, ni les tiers, ni le
client, ne peuvent lui reprocher de ne pas être intervenu dans leurs
affaires.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le banquier se
doit de ne pas s'ingérer dans les affaires de son client ; d'un autre
côté, pourtant l'on exige du banquier une surveillance des fonds
prêtés.
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