B- Incidences de la personnalité de l'emprunteur
sur les obligations du banquier
La distinction emprunteur averti et profane déteint
considérablement sur la responsabilité du banquier, puisque les
obligations mises à sa charge seront tantôt
allégées(1) ou renforcées(2).
1- Les obligations allégées du banquier
face à l'emprunteur averti
Lorsque le demandeur à l'action en
responsabilité est un emprunteur averti, la solution retenue par la
première Chambre civile correspond à la jurisprudence de la
Chambre commerciale de la Cour de cassation française en matière
de responsabilité pour octroi de crédit, constante depuis 1999.
L'arrêt « Guigan » du 12 juillet 2005 reprend ainsi ce
que certains auteurs appellent « formule désormais
sacramentelle utilisée par la chambre commerciale
»65 :« ne prétendant pas que la banque aurait
eu sur sa situation financière des renseignements que lui-même
aurait ignorés, M. X,
emprunteur averti, ne peut faire grief à cette
banque de lui avoir accordé un prêt qu'iiavait
lui-même sollicité. » L'idée désormais est
qu'un emprunteur jugé averti ne peut mettre en cause la
responsabilité de l'établissement de crédit au motif que
le crédit
65 V. GOURO (A.), JCP G 2005 p. 1875 et s.
s'est révélé inopportun. Cette solution
est soutenable dans la mesure où l'emprunteur averti ne pouvait ignorer
la portée du prêt sollicité66.
La seule piste ouverte à l'emprunteur averti se trouve
sur le terrain de « l'asymétrie d'informations »
énoncée notamment par la Chambre commerciale de la cour de
cassation française, dans un arrêt du 20 septembre
200567. Un commentateur y décèle une brèche
ouverte à l'emprunteur averti. « C'est moins l'asymétrie
d'information entre le créancier et le débiteur qui est
sanctionné en tant que telle, que le fait que le banquier «
ignorait l'ignorance » de son client. En d'autre termes, la faute de
la banque tient ici en ce qu'elle ne s'est pas renseignée sur le
degré de connaissance de son client et qu'elle aurait dû, dans
l'ignorance de celui-ci, lui délivrer l'information nécessaire
pour qu'il s'engage en parfaite connaissance de cause.
La responsabilité du banquier vis-à-vis d'un
emprunteur averti est donc cantonnée à des hypothèses
précises et relativement restreintes. Il n'en va pas de même, en
revanche, quand l'emprunteur est un profane.
2- Les obligations renforcées du banquier face
à l'emprunteur profane
Le banquier s'est vu confier une nouvelle mission de «
gardien » des intérêts de l'emprunteur. En plus de sa mission
de police bancaire, il faut lui reconnaître également celle «
d'assainisseur » financier puisqu'il doit désormais, avant
d'octroyer un crédit, veiller à ce qu'un tel concours
n'altère la situation financière de l'emprunteur68. Le
banquier pourvoyeur de fonds est astreint à plusieurs obligations et
notamment d'information ou même encore de conseil, mais depuis
peu69 en vertu de la jurisprudence, à une obligation de mise
en garde. Elle a été dégagée explicitement par
66 Cf. LEGEAIS (D.), l'obligation de conseil de
l'établissement de crédit à l'égard de l'emprunteur
et de sa caution, Mélanges AEDBF III, 2001, p. 1524.
67 D. 2005 n°37, actualités juridiques,
note DELPECH (X.).
68 Cf. BOUCARD (F.) et DJOUDI (J.), « La
protection d l'emprunteur profane », Recueil Dalloz-2008, n°8, p.
500.
69 Nombreux sont les auteurs à s'être
intéressés à cette nouvelle obligation. Voir par exemple :
BOURDALLE (N.) et J. CAPDEVILLE (J-L.), « le développement
jurisprudentielle de l'obligation de mise en garde du banquier », Banque
et Droit 2006, n°107, p. 17 ; BOUCARD (F.), « le devoir de mise en
garde du banquier à l'égard de l'emprunteur et de sa caution :
présentation dialectique », RD banc. Fin, sept.2007, p. 24 ;
HOVQUET-BERG (S.), Les fournisseurs de crédit à nouveau mis en
garde ? RCA. 2007. Etude 15.
l'arrêt époux jauleski du 12 juillet
200570 réitérée à de multiples
reprises71.
L'obligation de mise en garde classiquement peut être
définie comme le devoir pour le professionnel d'attirer l'attention de
son cocontractant sur un aspect négatif du contrat ou de la chose objet
du contrat. Ainsi, le banquier, en matière de crédit devra
informer son client sur les charges et dangers de l'opération
projetée. Dans ce sens une telle obligation se confond à
l'obligation de conseil ou même à l'obligation d'information. S'il
est vrai que l'information se distingue du conseil, ce dernier se rapproche
davantage de l'obligation de la mise en garde et l'on pourrait
considérer la mise en garde comme un conseil renforcé. La mise en
garde apparait comme un conseil négatif, un conseil de ne pas faire,
accompagné de l'explication des dangers ou simplement des
inconvénients encourus si ce conseil n'est pas suivi.
Ainsi, le banquier se doit de veiller que le client qui
sollicite le crédit soit à même de le rembourser. Ce
crédit ne saurait être supérieur à ses
capacités de remboursement. Toutefois, cette vérification des
capacités de remboursement de l'emprunteur n'est pas automatique et
concerne plus l'emprunteur non averti. Le principe de l'opportunité du
crédit a pour corollaire la surveillance des fonds.
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