B- L'affectation des dommages intérêts
La question de l'affectation des dommages
intérêts issus de l'action intentée contre le
créancier dispensateur de crédit fautif, a connu une
évolution en concordance avec celle de l'action en responsabilité
elle-même et surtout le droit des procédures collectives.
Faut-il le souligner, seules les sommes demandées en
vertu d'un préjudice personnel et distinct du préjudice
appartenaient à ceux qui en avaient fait la demande. Ainsi, les dommages
intérêts issus de la réparation d'un préjudice
individuel d'un créancier, fût-il de la masse, ne pose en pratique
aucun problème. En effet, celui qui souffre d'un préjudice
individuel et obtient gain de cause reçoit la totalité des sommes
mises à la charge du fautif, ce qui est différent de l'action
collective.
Jadis, les dommages intérêts issus de l'action
contre le banquier du fait du préjudice collectif subi par les
créanciers, ou résultant de leur action ut singuli,
intégraient le patrimoine de la masse des créanciers, et
étaient ensuite répartis entre eux. Ces sommes devaient servir de
dédommagement aux créanciers qui ont été
trompés par l'apparence de solvabilité créée par
l'octroi de crédit au débiteur, aggravant ainsi sa situation
financière.
L'AUPCAP a voulu prendre tout un autre visage et donner «
la priorité à la reconstruction du patrimoine de l'entreprise
débitrice »151, de sorte que les dommages
intérêts issus de la condamnation du banquier doivent être
versés dans le patrimoine du débiteur. Ces sommes peuvent
être affectées à l'apurement du passif de l'entreprise en
difficulté, ou en cas de continuation de l'activité de
l'entreprise, elles le seront selon les modalités prévues par le
plan de redressement. Le nouvel objectif recherché par le
législateur OHADA est de reconstruire l'entreprise défaillante et
désintéresser les créanciers.
150 Ibid. p. 284.
151 Cf. LIKILLIMBA (G.A), précité, P. 414 et s,
n°532.
Toutefois, cette affectation des dommages
intérêts, censés réparer les dommages causés
aux créanciers, pose quelques difficultés pratiques, notamment la
répartition des sommes aux créanciers152. En effet, le
principe de l'égalité suppose que les sommes, en cas de
liquidation de l'entreprise, soient réparties au marc de franc entre
tous les créanciers153. La Cour de cassation française
a ainsi rappelé que « les créanciers doivent participer
de manière égalitaire à la répartition des dommages
et intérêts sans qu'aucun ne puisse invoquer la
sûreté dont il pourra être titulaire. »
Cette forme de répartition met à mal les
créanciers titulaires de privilèges et qui voudraient bien les
faire valoir. C'est sans doute pour cette raison que le législateur
français contrairement à son homologue de l'OHADA a introduit une
exception à cette pratique en introduisant un privilège en ce qui
concerne les créanciers dont les créances sont nées
régulièrement après le jugement d'ouverture, sauf au stade
de la liquidation judiciaire, où les créances antérieures
assorties de sûretés priment sur les créances
postérieures.
Après avoir examiné dans sa globalité le
principe de la réparation des dommages et intérêts, l'autre
pan du problème non moins négligeable est celui du quantum de la
réparation.
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