La responsabilité du banquier dispensateur de crédit( Télécharger le fichier original )par Aristide CHACGOM FOKAM Université de Dschang - Master 2 en droit des affaires et de l'entreprise 2011 |
B- L'étendue du préjudiceLe préjudice causé par le banquier dispensateur de crédit peut être individuel ou collectif. Il convient de distinguer le préjudice collectif subi par la collectivité de créanciers du crédité (1), et le préjudice particulier subi par chaque créancier individuellement (2). 1-Le préjudice collectif Le préjudice collectif est le premier des préjudices dont est demandée la réparation au banquier. Il est la justification de la responsabilité civile du banquier pour soutien abusif. Néanmoins, cette responsabilité s'inscrivant au sein des procédures collectives, est hautement influencée par ce droit. C'est la raison pour laquelle la définition du préjudice collectif est étroitement liée à la masse des créanciers et dont la personnalité morale ne souffre plus d'aucun doute111. Ainsi le préjudice collectif peut être compris comme celui qui touche aux intérêts de la masse. C'est la « diminution de l'actif » et « l'augmentation du passif » suscitée par la faute de la banque. L'une comme l'autre sont de nature à faire apparaître une insuffisance d'actif. Dès lors, pour certains, le préjudice ne peut être collectif que s'il recouvre celui subi en commun par la totalité des créanciers112. Mais cette approche du préjudice collectif conduirait à le considérer comme un simple agrégat de tous les préjudices individuels. Le préjudice collectif doit être envisagé dans sa globalité. L'intérêt collectif « est beaucoup plus que la somme des intérêts individuels qui composent la 111 Selon l'article 72 de l'AUPCAP « la décision d'ouverture (de la procédure d'apurement du passif) constitue les créanciers en une masse représentée par le syndic qui, seul, agit en son nom et dans l'intérêt collectif et peut l'engager. La masse est constituée par tous les créanciers dont la créance est antérieure à la décision d'ouverture, même si l'exigibilité de cette créance était fixée à une date postérieure à cette décision à condition que cette créance ne soit pas inopposable en vertu des articles 68 et 69 ci-dessous ». 112 Cf. DERRIDA (F.), notes sous Cass. Com. 16 mars 1993, LPA, 20 octobre 1993, n°126, p. 14 et s. collectivité des créanciers ; elle a des intérêts originaux »113. L'idée d'uniformité, c'est-à-dire d'un préjudice subi par tous les créanciers de l'entreprise a été rejetée par la Cour de cassation française de façon implicite dans l'arrêt Laroche du 7 janvier 1976. Les professeurs GAVALDA et STOUFFLET relevaient que « le dommage collectif n'est pas la photocopie composite des divers préjudices particuliers ni leur accumulation »114. Par conséquent, le préjudice collectif n'est pas la somme des préjudices de l'ensemble des créanciers. Le préjudice collectif peut donc être le préjudice subi par certains créanciers seulement. Ainsi peut-on définir le préjudice collectif au moyen de la constatation d'une aggravation du passif ou de l'insuffisance d'actif du débiteur. Dans l'arrêt Laroche, la Cour de cassation estimait que le préjudice collectif était « constitué par une diminution du patrimoine de l'entreprise, soit sous forme d'une diminution de l'actif, soit sous forme d'une aggravation du passif ». En outre, le préjudice collectif ne peut être supérieur à l'insuffisance d'actif, c'est-à-dire à la différence entre le montant des créances admises et celui des dividendes reçues, et il doit être limité à la différence entre l'insuffisance à la date d'ouverture de la procédure et celle du moment de la faute. Au-delà du préjudice collectif que peuvent subir les créanciers en général, il peut arriver que d'autres se plaignent d'un préjudice particulier qui leur est propre. 2-Le préjudice individuel Le droit des procédures collectives n'a pas annihilé la possibilité pour les victimes d'un préjudice personnel de s'en prévaloir. Ce préjudice doit être individuel et n'être invoqué que s'il est différent du préjudice collectif et non inhérent à la procédure collective. Ces trois critères requis pour la recevabilité de l'action individuelle d'un créancier ont été fixés par un arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 9 juillet 1993115. Dans cette affaire était mise en cause la responsabilité d'un banquier 113 Cf. LIKILLIMBA (G-A.), le soutien abusif d'une entreprise en difficulté, Préface de MESTRE (J.), Bibliothèque de droit de l'entreprise, Litec 2°ed. 2001, p. 169, n° 180. 114 Cf. GAVALDA (Ch.) et STOUFFLET (J.), note sous Cass. Com. 7 janvier 1976 n°72-14.029 arrêt Laroche, JCP 1976 II 18327. 115 Cass. Ass. Plen. 9 juillet 1993, D. 1993, p. 469, note, DERRIDA ; JCP E 1993, II, 509, note POLLAUDDULIAN (F.) ; JCP E 1993, I, 298, obs. CABRILLAC (M.); JCP E 1993, I, 302, obs. GAVALDA (Ch.) et STOUFFLET (J.) ; Dr. Sociétés 1994, n° 26, obs. CHAPUT. dispensateur de crédit, par un créancier agissant seul. La procédure a été entamée en 1962. La Cour d'appel de Montpellier avait admis la recevabilité de cette action avant que la chambre commerciale ne cassât sa décision par un arrêt du 26 novembre 1986116 et renvoyât l'affaire à la Cour d'appel de Toulouse. Celle-ci rendît deux arrêts très remarqués117 dans lesquels elle admettait la recevabilité de l'action individuelle d'un créancier en cas d'immobilisation des créances, c'est-à-dire la perte des intérêts. La question de l'action individuelle d'un créancier est une question délicate puisqu'elle concerne à la fois le droit spécial des procédures collectives et le droit commun de la responsabilité civile. Il est évident qu'on ne peut pas priver le créancier de son droit d'agir pour obtenir la réparation de son préjudice personnel118, mais cela doit se concilier avec le droit complexe des procédures collectives. La Chambre commerciale dans un arrêt du 2 juin 2004119, a d'ailleurs reconnu l'existence d'un préjudice personnel distinct de celui de la masse des créanciers. Finalement, les créanciers peuvent demander aussi bien la réparation d'un préjudice collectif que celle d'un préjudice personnel. Ils doivent par conséquent démontrer l'existence d'un lien de causalité. |
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