SECTION II
L'ACTIVITE COMMERCIALE DANS LE SECTEUR INFORMEL
L'on est porté à se demander si les actes de
commerce dans le secteur informel sont des actes de commerce au sens de
l'article 3 de l'AU.DCG. Comme mentionné plus haut, la qualité de
commerçant est inextricablement liée à l'exercice d'une
activité commerciale.76 L'activité commerciale ne
pouvant pas se concevoir sans référence aux actes de
commerce77, le législateur OHADA sans définir la
notion essentielle d'actes de commerce78 a opté pour une
méthode par énumération qui a consisté à
présenter
75 MASAMBA MAKELA (R.), op.cit., p. 11
76 Art 2 AU.DCG
77PEDAMON (M.), op.cit., N°206, p. 168.
78 Bien qu'ayant actualisé l'article 632 du
Code de Commerce, L'AU.DCG en son article 3 ne résout pas le
problème de la définition de la notion d'acte de commerce. Sur la
question, la doctrine française a bâti une théorie
générale des actes de commerce partagée entre deux
courants opposés. Pour le 1er courant, ce qui caractérise le
commerce c'est son objet, sa nature, peu importe la personne qui l'accomplit:
C'est la conception dite objective. Pour le deuxième courant qui estime
que le droit commercial a été à l'origine un droit
professionnel, l'acte de commerce est celui qui est accompli par
de façon indicative, une série d'actes dont
l'accomplissement habituel et indépendant confère à la
personne concernée la qualité de commerçant. La doctrine a
vu dans les actes de commerce le centre de la
commercialité.79 Dans le secteur informel le constat est
semblable mais avec quelques précisions, car s'il est évident que
l'activité commerciale dans ledit secteur, respecte les exigences
d'habitude et d'indépendance (para II) , il n'est pas toujours
aisé d'identifier les actes de commerce dans l'économie
informelle au regard de l'énumération faite par les textes. (Para
I)
PARA I : LES ACTES DE COMMERCE DU SECTEUR
INFORMEL.
La théorie traditionnelle des actes de commerce
présente généralement trois catégories d'actes de
commerce que sont : Les actes de commerce par nature, les actes de commerce par
accessoire et les actes de commerce par la forme. S'il est remarquable de
constater que l'acte de commerce par la nature apparaît comme l'acte de
commerce par excellence du secteur informel (A), il est toutefois possible de
s'intéresser à la théorie de l'accessoire dans le secteur
informel (B). Quant à l'acte de commerce par la forme ou actes de
commerce objectifs, ils sont réputés commerciaux quels que soient
leur objet et leur but et quelle que soit la personne qui les accomplit. Ces
actes ont donc un caractère commercial même si c'est un non
commerçant ou encore quelqu'un du secteur informel qui l'effectue ; il
s'agit ainsi d'une commercialité en vertu de la loi80. IL
sera beaucoup plus question ici des deux autres catégories.
un commerçant: C'est la conception dite subjective. L'une
comme l'autre de ces conceptions présentent des insuffisances qui ne
facilitent pas l'appréhension de la commercialité.
79 PEDAMON (M.), op.cit., N°206, p. 168.
Toutefois il s'agissait particulièrement de la catégorie des
actes de commerce par nature.
80 PEDAMON (M.), op.cit., N°214, p. 174.
A - L'ACTE DE COMMERCE PAR NATURE : ACTE DE COMMERCE
PAR EXCELLENCE DU SECTEUR INFORMEL
Il est reconnu qu'en matière commerciale en
général, l'acte de commerce par nature tient une place importante
car il s'agit manifestement de l'acte qui matérialise la
spéculation et la recherche du lucre. Le secteur informel en la
matière n'est donc pas une exception. Il est plutôt une
confirmation de cette place de l'acte de commerce par nature dans le commerce
en général. Au regard de l'énumération faite par
l'Art 3 AU.DCG, l'on peut observer dans cette catégorie d'acte de
commerce par nature ou par leur objet, une autre division qui fait état
de l'achat pour la vente, des opérations de services et de
l'exploitation industrielle des ressources naturelles.
L'achat pour revendre est considéré comme le
prototype même de l'acte de commerce par nature ; alors qu'il s'agisse du
colportage, du « Bayamsellam »81, de la vente
à la sauvette ou de toute autre activité du secteur informel, on
retrouve bien l'achat des denrées et marchandises pour revendre soit en
nature, soit après les avoir travaillé82. Ce n'est pas
l'achat pris singulièrement qui est commercial, mais aussi la vente ; il
s'agit d'un mouvement « achat- vente » réalisé
dans l'intention d'effectuer des bénéfices par la
différence entre le prix d' achat et celui de la revente. Ce qui
signifie que demeure civile l'activité de celui qui tantôt
achète, tantôt revend. Il faut rappeler que cet achat pour la
revente cadre avec ce que l'on a qualifié par économie de la
débrouille ou de la survie83.
En ce qui concerne l'économie dite souterraine ou
dissimulée, en plus de l'achat pour la revente, on peut recenser
d'autres opérations dites de services qui, bien que se déroulant
généralement dans le cadre d'une entreprise, peuvent
81 Ce terme désigne au Cameroun
l'activité des femmes qui achètent des denrées et
marchandises dans les zones rurales pour les revendre en zone urbaine afin d'y
tirer les moyens de leur subsistance.
82 FONE (A.M.), « le secteur informel Camerounais
au regard du droit commercial », An.FSJP, Dschang, TII, PUA,
1998, pp 123.
83 Voir supra, page 7.
être effectuées par le commerçant
informel. Il en est par exemple des opérations financières comme
on peut le constater avec le notaire qui se livre aux activités de
courtage, d'agence d'affaires et même de banque, lorsqu'il effectue des
prêts à titre onéreux en utilisant l'argent laissé
en dépôt par ses clients et ceci à ses
risques84. Qu'il s'agisse du secteur informel, de la survie ou de
l'économie souterraine, les acteurs qui y opèrent effectuent des
actes de commerce par nature avec une forte domination des actes d'achat pour
la revente. Ces actes sont donc commerciaux, contrairement aux actes civils,
à moins que ces derniers soient faits pour les besoins du commerce du
commerçant de fait.
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