PARA II : L'AMENAGEMENT D'UN REGIME PARTICULIER POUR LES
COMMERÇANTS DE L'ECONOMIE DE LA SURVIE
Il ne serait pas exagéré de dire que les
dispositions du droit OHADA, à moins d'être inadaptées,
sont d'une application incertaine et malaisée en ce qui concerne
l'économie informelle de la survie ; car à l'origine, le droit
OHADA a ignoré cet aspect de la vie des affaires. On pourrait sans
crainte conclure comme
certains auteurs, en l'inadaptation de ce droit à
l'évolution économique en faveur de l'existence et de
l'évolution accrue d'un secteur incontournable177. Le droit
OHADA doit faire preuve non seulement de rigueur mais aussi et surtout
d'humanisme. Les opérateurs du secteur informel de la survie sont en
majorité des personnes d'un revenu très faible, vivant parfois en
dessous du seuil de pauvreté et présentant de ce fait une
fragilité et une vulnérabilité qui ne demande que la
protection. Les constitutions des pays d'Afrique ne se sont-elles pas
engagées à garantir la protection des minorités et des
classes sociales défavorisées et vulnérables ? Il est donc
question d'affronter avec beaucoup de management cette réalité
sociologique consubstantielle à l'état même de nos
cités. Le droit OHADA devrait ainsi en tenir compte et penser un moyen
d'identification de ces derniers (A), mais surtout en aménageant une
protection à leur égard. (B)
A - A TRAVERS UNE IDENTIFICATION
Lorsque l'adage Latin « Nemo auditur
ignorarem legem » retentit d'un écho immense
chez les juristes et les citoyens en rappelant par une formule de mise en garde
que « nul n'est censé ignorer la loi », c'est sans
doute parce que la loi elle-même n'est censée ignorer personne ;
elle est faite pour tous et par tous, et doit servir tout le monde. C'est en
cela qu'on dit de la loi qu'elle est générale et impersonnelle.
Le système juridique devrait donc autant que faire se peut, avoir une
idée de tous ceux qui vivent en société afin de ne pas
être source de marginalisation ou accusé tout simplement
d'ignorance coupable.
Il serait ainsi judicieux en ce qui concerne les
opérateurs du secteur informel de la survie, de définir une
politique pour leur identification, et ceci à travers des
procédures simplifiées. Ceci permettrait d'avoir une idée
de leur nombre, de leur comportement et activités dans le monde des
affaires. Une
177 FONE (A.M), op.cit., P. 128.
difficulté pourrait se faire ressentir sur la
détermination des critères
d'identification de l'économie de la survie. Il
faudrait peut être prendre en renfort les dispositions du décret
N° 93/720/PM du 22 novembre 1993 qui fixent les modalités
d'application de la loi N° 90/031 du 10 août 1990 régissant
l'activité commerciale au Cameroun, pour appréhender le commerce
de la survie. En effet, ce décret avait opéré une
répartition des commerçants en trois (3) groupes, sur la base du
volume et de la nature des produits commercialisés, du lieu d'exercice
de l'activité commerciale, de l'importance et la
régularité de cette activité178. C'est ainsi
que le groupe N° III a été réservé aux seuls
nationaux qui exercent les « petits métiers »,
à savoir les commerçants ambulants, les vendeurs à la
sauvette, les buyam-sellam et les exploitants de gargotes travaillants
seul ou aidés par les membres de leur famille179. L'article 8
dudit décret poursuivait en exonérant ces commerçants du
groupe III de la formalité d'immatriculation à l'ancien registre
du commerce et au registre statistique, et en créant à leur
égard une procédure simplifiée d'immatriculation sur un
répertoire communal ouvert auprès de la commune du lieu
d'exercice de leurs activités.
Le formalisme du RCCM étant rigoureux, on pourrait
penser comme certains auteurs, à la suite dudit décret, à
un recensement de ces commerçants de la survie dans un fichier
spécial tenu au niveau de la commune du lieu où le courage
d'entrer dans le monde difficile des affaires dans un contexte où la
crise économique ne leur permet pas d'accéder à des
crédits consistants pour s'établir comme commerçant du
secteur formel. Ainsi ce ne serait que justice si le droit saisissait cet
aspect de l'informel pour protéger ceux qui ont refusé la
facilité par le vol, et choisi le dur labeur180. Cette
protection consisterait donc à ne plus leur appliquer le droit des
affaires seulement pour sa rigueur mais aussi et surtout
178 NYAMA (J.M.), « Décret N° 93/720/PM du 22
novembre 1993 fixant les modalités d'application de la loi N°
90/031 du 10 août 1990: De la raison à la démesure »,
Juridis Info, N° 18, 1994, p. 61.
179 Art 4-c du décret N° 93/720/PM du 22 novembre
1993 fixant les modalités d'application de la loi N° 90/031 du 10
août 1990. V Juridis Info N° 16, 1993, p. 9
180 FONE (A.M), op.cit., p. 129.
pour ses faveurs, par exemple en leur permettant de
bénéficier dans le cadre d'un éventuel contentieux avec un
tiers commerçant ou non commerçant, des règles de
liberté de preuve et de courte prescription. Il faudrait
également trouver un moyen pour assurer la protection des
opérateurs en ce qui concerne les baux commerciaux car, l'assurance du
renouvellement de leur bail renforcerait à coup sûr leur
sécurité.
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