L'APPEL AU REALISME DU DROIT DES AFFAIRES OHADA
Le réseau informel est le témoignage de la
vitalité de l'Afrique d'aujourd'hui, de sa capacité à
s'adapter à des situations nouvelles, à des situations jamais
vues dans le monde176. Il est le plus souvent ignoré des
gouvernements africains qui sont impuissants à le manipuler, et il est
peu compris des occidentaux car il est difficile à saisir et à
définir. Pourtant, il s'agit d'une réalité sociologique
qu'il faut pouvoir ménager sans créer une frustration des plus
faibles et des moins nantis. Il n'est plus question comme le souhaitent
certains auteurs peu avertis, de combattre le secteur informel, de le
détruire et de l'abattre à tout prix ; mais beaucoup plus de
repenser un processus évolutif de ce secteur pour une intégration
dans les stratégies de développement socioéconomique de
l'Afrique. Les études sur la question ont conduit à relever les
fonctions macro-économiques et sociales du secteur informel dans
l'espace OHADA (Para I), toute chose qui devrait emmener le législateur
OHADA à aménager un régime particulier pour les
commerçants de l'économie de la survie.(Para II)
PARA I : FONCTIONS MACROECONOMIQUES ET SOCIALES DU SECTEUR
INFORMEL DANS L'ESPACE OHADA.
L'échec des politiques publiques et des plans de
développement a généré une dégradation
accélérée de la situation économique des pays
d'Afrique Noire. La population s'est trouvée obligée de concevoir
des moyens alternatifs à cette crise. De là, le secteur informel
est venu à leur rescousse en leur offrant des possibilités
d'occupation, mais surtout des moyens pour satisfaire les besoins existentiels.
Il est donc reconnu aujourd'hui au secteur informel un atout
176 GIRI (J), L'Afrique en panne. « Vingt cinq ans
de «développement », ed Karthala, Paris, 1986, p. 115.
d'amortisseur de pauvreté (A) mais surtout sa
qualité de palliatif au non emploi. (B)
A - LE SECTEUR INFORMEL COMME AMORTISSEUR
DE LA PAUVRETE.
Il y a longtemps que les indicateurs de croissance dans les
pays d'Afrique Noire sont au rouge, signalant la dégradation d'une
société et l'accélération de la pauvreté. Le
constat alarmant en est que la grande partie de la population de cet espace vit
avec moins de un (1) Euro par jour, dans un contexte où santé,
éducation et nutrition coûtent de plus en plus cher. Les experts
internationaux ont toujours été sidérés devant
cette situation lorsqu'ils se posent la question de savoir comment cette
population réussit à se nourrir, à se soigner, à se
vêtir, bref à survivre. La réponse à cette
inquiétude est donnée par le secteur informel. Ce dernier
apparaît comme un régulateur de crise et de pauvreté
permettant à la population d'initier différentes activités
génératrices de revenus. C'est dans cet esprit, animé par
le besoin profond d'assurer leur survie que des milliers de petits
commerçants achètent et vendent tout ce qui peut être vendu
et même apparemment ne peut l'être.
La société en général en
bénéficie car ces commerçants choisissent le gagne pain
quotidien à travers le travail et le labeur, ce qui permet de contribuer
à l'efficience de l'économie toute entière. Le secteur
informel s'est ancré dans nos habitudes et est devenu par là
même une originalité permettant d'identifier les
sociétés d'Afrique. Il faudrait pour s'en convaincre, imaginer la
disparition de ces biens et services qu'on se voit régulièrement
proposer aux moindres pas de la rue, soit par les colporteurs ou par des
personnes installées et exerçant des activités
quelconques. Une telle situation présenterait à n'en point douter
un manque pour une société habituée à ces genres
activités. Il est donc certain que le secteur informel occupe une place
de choix dans le vécu quotidien des africains, encore qu'il se
présente comme un important palliatif au non emploi.
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