LA NECESSAIRE PRISE EN COMPTE DU SECTEUR
INFORMEL PAR LE LEGISLATEUR OHADA : Vers la recherche
d'un équilibre entre rigueur, protection, et normalisation du secteur
informel.
Le secteur informel en Afrique Noire se présente dans
la grande majorité des cas comme une stratégie de
débrouillardise et de survie. Il n'est plus nécessairement
considéré comme marginal car, au delà de la
diversité des points de vue sur la question, les auteurs s'accordent
pour affirmer la réalité des articulations de l'informel avec le
secteur moderne dont il se nourrit, s'approvisionne, et dont il en
dépend énormément. Face à
l'accélération de la crise des modèles de
développement dans les pays d'Afrique sub-saharienne, l'informel est
apparu comme un ensemble dynamique peut-être le mieux à même
d'assurer le plus grand nombre de créations d'activités et
d'emplois. Ainsi, n'est-il pas un élément important
peut-être essentiel pour l'avenir de l'Afrique ? Le fait que la nouvelle
politique de développement de la Chine encourage l'émergence d'un
secteur informel est une invite supplémentaire à
réfléchir sur la question. C'est ce qui justifie sans doute le
changement d'attitude des Etats et des Organisations Internationales qui
s'interrogent désormais sur les potentialités créatrices
de ces pratiques en matière d'emplois, de revenus et de biens et
services, tous régulateurs de la pauvreté.
Le secteur informel serait à divers égards, un
amortisseur de crise témoignant ainsi de grandes capacités
d'ingéniosité et d'adaptation des africains face aux situations
changeantes et déroutantes d'une société en constante
dégradation. Il constituerait même dans de nombreux
cas, un préalable à l'efficience des grandes activités,
organisations ou entreprises.
Bien que présentant certains atouts, il existe
toutefois des difficultés pour les Etats à promouvoir la
dynamique de l'informel : Comment résoudre la contradiction du refus du
« laisser-faire » sans tuer « la poule aux oeufs
d'or » dans un contexte où l'informel aide à survivre
mais frôle en permanence l'illégalité ? Comment prendre en
compte ce secteur informel sans faire prévaloir le non droit ? Cette
interrogation interpelle également le législateur OHADA qui doit
pouvoir en donner une réponse satisfaisante. En effet, la loi est un
moyen permettant de réguler les rapports sociaux et les conflits
d'intérêt, mais aussi un levier de protection pour les plus
faibles. Le risque est certes grand de créer une administration à
deux vitesses ou un système juridique d'apartheid s'opposant aux
principes d'universalité du droit, mais l'on ne devrait pas perdre de
vue cette réalité vivante de l'informel lorsqu'elle est
animée par le besoin de survie, dans un contexte marqué par
l'échec des plans de développement en Afrique au sud du
sahara.
C'est peut-être vrai que le secteur informel ne
mérite pas un excès d'honneur175, mais il ne doit pas
pour autant souffrir d'une criarde indignité. Il est question de
rechercher le juste milieu, et cela permettra sans doute au législateur
OHADA de faire preuve de réalisme (section I), et même d'oeuvrer
à la normalisation du secteur informel dans les Etats membres de
l'organisation (section II).
175 HUGON (P), les politiques d'appui au secteur informel en
Afrique in « Tiers monde:L'informel en question.» Op.cit., p.
61.
SECTION I :
|