B - LES ZONES D'OMBRE AUTOUR DE LA SOUMISSION DU
SECTEUR INFORMEL AUX PROCEDURES COLLECTIVES
L'application des procédures collectives au secteur
informel est troublante et complexifiée car, si l' application à
titre répressive telle que susmentionnée, peut s'avérer
plus ou moins justifiable et logique pour l'économie souterraine, elle
demeure critiquable en ce qui concerne l'informel de la débrouille ou de
la survie. N'aurait-il pas été nécessaire d'envisager des
procédures propres aux opérateurs de ce dernier volet du secteur
informel ? Ces
167 TCHEUMALIEU FANSI (M.R), L'application des
procédures collectives aux personnes morales de droit privé non
commerçants, Mémoire de D.E.A., Dschang, 2001, p. 8.
procédures ne serviraient-elles pas aussi à
assainir ce milieu propre au secteur informel168.
Cette dernière interpellation est encore plus
méditative quand on se rend compte de l'option prise par le
législateur OHADA, et selon laquelle les procédures collectives
ne sont pas ouvertes uniquement aux seuls commerçants, mais aussi aux
groupements non commerçants169; Un raisonnement plus
poussé lui aurait sans doute permis d'inclure dans cette extension le
secteur informel. Omission législative ou prudence juridique? Il n'est
pas aisé d'y répondre. En tout cas, cette situation du droit
OHADA sur la question peut susciter des compréhensions:
D'abord un grand doute existerait sur l'aboutissement normal
des procédures collectives dans le secteur informel dit de la survie
car, les opérateurs d'un tel monde disposent des actifs souvent
résiduels. A quoi servirait de déclencher une procédure
collective pour un actif dérisoire170. Il serait donc inutile
de poursuivre une procédure qui est source de frais
supplémentaires171, et c'est à juste titre que
l'article 173 AU. PCAP donne la possibilité au tribunal et, ou à
la suite de la demande de toute personne, de prononcer la clôture de la
procédure pour insuffisance de fonds172.
Ensuite, il y aurait d'énormes imprécisions sur
le point de départ de la cessation des paiements, sans oublier les
difficultés liées à la prévention des crises. En
effet, l'intérêt d'une comptabilité régulière
est certain et concourt à l'établissement de la transparence dans
la conduite de toute activité commerciale ; or les opérateurs du
secteur informel se détournent souvent de l'exigence de la tenue d'une
comptabilité normale et sincère. Toute chose
168 (M.R) TCHEUMALIEU FANSI, op.cit., p. 6.
169 Article 2 AU.PCAP.
170 TCHEUMALIEU FANSI (M.R), op.cit., p. 21.
171 POUGOUE (P.G) et KALIEU (Y.), L'organisation de la
procédure collective d'apurement du passif OHADA, PUA, 1999, p.
90.
172 C'est sans doute ce qui justifie que certaines
législations Européennes exonèrent des procédures
collectives, les petits commerçants pour ne les soumettre qu'a des
procédures sommaires et accélérées. Voir
TCHEUMALIEU FANSI (M.R), op.cit., p. 20.
nécessaire pour l'évaluation des risques qu'ils
courent et même des éventuelles mesures adéquates à
prendre pour anticiper sur ces difficultés. Il est certain que
l'efficacité d'une procédure dépend du moment auquel les
difficultés ont été dépistées.
L'imprécision sur le point de départ de la cessation des
paiements173 dans le secteur informel rendrait difficile
l'application des inopposabilités de la période
suspecte174.
Toutefois, ces difficultés et questionnements ne
commanderaient pas au législateur OHADA d'être moins actif sur la
question, il devrait prendre les devants afin de clarifier ces
inquiétudes en ce qui concerne la problématique du secteur
informel. Encore que ce dernier s'avère être incontournable dans
les économies africaines, tant il est vrai qu'il se présente
comme un régulateur de pauvreté et de crise. Il serait donc
judicieux et nécessaire pour le législateur OHADA de prendre en
compte le secteur informel dans son entreprise juridique à l'effet de
rechercher le juste équilibre entre, rigueur, protection et même
normalisation de ce secteur.
173 La cessation des paiements est une condition de
l'ouverture des procédures collectives. Elle fait désormais
l'objet d'une définition légale figurant à l' Art 25
AU.PCAP. C'est la situation où le débiteur ne peut faire face
à son passif exigible avec son actif disponible. Il n'est pas toujours
aisé de distinguer cette cessation des paiements de la situation
difficile mais non irrémédiablement compromise tant la
frontière entre les deux n'est pas claire. Voir à ce sujet, MOHO
FOPA (E.A), Réflexions critiques sur le système de
prévention des difficultés des entreprises de L'OHADA,
Mémoire de D.E.A., Dschang, 2006, p. 43.
174 La période suspecte est la période comprise
entre la date de la cessation des paiements et la date du jugement d'ouverture.
Il s'agit d'une période de crise qui rend tous les actes du
débiteur passés en ce moment suspects de fraude. Cela s'explique
par le fait que le débiteur « aux abois », a tenté de
se livrer à des actes frauduleux dans les jours précédents
le jugement d'ouverture. Les Art 67 à 71 AU.PCAP rappèlent les
règles applicables à de tels actes en distinguant entre les
inopposabilités de droit et les inopposabilités facultatives.
CHAPITRE II
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