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La condition de l'épuisement des voies de recours internes devant la Commission africaine des Droits de l'Homme et des peuples

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par Josep Martial ZANGA
Université Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études approfondies en droit international et communautaire 2008
  

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SECTION II- UNE PRESOMPTION ET UNE INCITATION INDIRECTE A
L'EFFECTIVITÉ DES DROITS DE L'HOMME DANS L'ORDRE
JURIDIQUE INTERNE.

Les droits de l'homme sont par nature des droits opposables à l'État. Comme l'écrit Daniel Lochak, « les droits de l'homme mettent en jeu les rapports entre l'individu et l'État, mais aussi les rapports entre le pouvoir et le droit »85. C'est dire que l'ordre interne est le cadre privilégié de la réalisation des droits de l'homme. La primauté du règlement national découle naturellement de la qualité des normes internationales de protection de droits de l'homme. La Commission, en reconnaissant l'opportunité donnée à l'État de redresser la violation présume que ce dernier a aligné sa législation avec les standards internationaux. Pour elle : « Cette règle est fondée sur le postulat selon lequel la mise en oeuvre pleine et efficace des obligations internationales dans le domaine des droits de l'homme est destinée à améliorer la jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales au niveau national »86. Comme l'écrit le Professeur Atangana Amougou, « La reconnaissance des droits est une étape fondamentale car elle est la condition initiale de leur efficacité et de leur opposabilité. »87 La Commission est « consciente des obligations positives qui incombent aux États parties à la Charte Africaine en vertu de l'article 1 de la Charte Africaine. Les États parties ont le devoir non seulement de «reconnaître » les droits conformément à la Charte Africaine mais encore de continuer à s'engager à «adopter des mesures législatives ou autres pour les appliquer. L'obligation est

85Lochak (D), Les droits de l'homme, éditions la découverte, F Syres, Paris 2002, p.4.

86Com 299/2005 Anuak Justice Council / Éthiopie, 20eme Rapport d'activités.

87Atangana Amougou (J-L), « Conditionnalité et droits des l'homme », in La conditionnalité dans la coopération internationale Colloque de Yaoundé 20-22 juillet 2004, CEDIC p.65.

péremptoire et ne souffre d'aucune exception. A vrai dire, ce n'est que lorsque les États prennent leurs obligations au sérieux que les droits des citoyens peuvent être protégés. »88

Les principes qui gouvernent cette réception rendent compte de la nature spécifique des droits de l'homme. Celle-ci influe sur les procédés d'incorporation des droits de la Charte dans l'ordre interne car la majorité des États africains subordonnent l'introduction du traité dans l'ordre juridique interne qui, en reproduisant les prévisions du traité, le transforme en règle interne obligatoire (Paragraphe I). La nature des droits de la Charte conduit également à des principes spécifiques qui assurent leur applicabilité dans ledit ordre (Paragraphe II).

Paragraphe I- L'obligation de conformer la législation interne à la
Charte

La règle de l'épuisement des voies de recours internes a donc une fonction essentielle, celle de protéger l'ordre juridique national des États. Cet ordre juridique national doit préalablement être conforme à la charte, laquelle jouit d'un régime particulier d'application. En effet « l'un des objectifs visés par la condition d'épuisement des voies de recours internes est de donner la possibilité aux juridictions internes de statuer sur des cas avant de les porter devant un forum international, pour éviter des jugements contradictoires par des lois nationales et internationales. Lorsqu'un droit n'est pas bien prévu par la législation interne et qu'aucun procès ne peut être prévu, toute possibilité de conflit est écartée. De même, lorsque le droit n'est pas bien prévu, il ne peut y avoir des recours efficaces ou un recours quelconque89 La mise en oeuvre interne de la Charte participe pleinement à l'effectivité des droits de l'homme. Comme l'écrit Alain Pellet, l'État a « la compétence du dernier mot, il est le « bras séculier », seul capable de donner vie à la norme internationale »90. La convention de Viennes sur le droit des traités en ses articles 26 et 27 crée une obligation juridique de l'État de faire respecter les clauses du traité. Les États sont ainsi contraints d'adopter les modifications législatives nécessaires pour garantir le respect des obligations contenues dans la convention91. Il s'agit pour

88Com 211/98 Legal Resources Foundation c. Zambie

89Voir les décisions de la Commission sur les communications 25/89, 47/90. 56/91 et 100/93 : Organisation Mondiale contre la torture et autres /Zaïre

90Pellet (A), « Droit de l'homnisme en droit international » in colloque de Strasbourg : protection des droits de l'homme et évolution du droit international, Avril 2003, p.13.

91Cour permanente de justice internationale, Échange des populations grecques et turques, 1925, p. 20.

les États de transposer le traité dans l'ordre interne à travers des procédés d'incorporation (B). Cependant, cette transposition est le reflet de la conception que l'État a des rapports entre la norme internationale et la norme interne. (A)

A - Les rapports entre le droit international et la loi nationale

Les droits de la Charte ont vocation à se réaliser dans l'ordre interne des États. Comme l'écrit le Professeur Olinga pour « assurer l'effectivité de la Charte Africaine sur le plan interne, il faut lui assurer une place de choix dans l'ordonnancement juridique(...) il faut lui attribuer un rang hiérarchique privilégié ».92 Il est certes vrai, comme le souligne le Doyen Maurice Kamto que : « Les techniques classiques de réception des normes du droit international dans l'ordre juridique interne des États sont fort connues »93 . Il importe néanmoins, en raison de l'importance de la relation entre ces procédés et la règle, d'en rappeler brièvement la substance. Sans entrer dans les détails d'une étude didactique qui dépasserait très largement le cadre de cette réflexion il suffira pour illustrer ces techniques d'en rappeler les traits caractéristiques. A ce propos, la doctrine classe les systèmes juridiques des États en deux groupes qui correspondent à deux techniques classiques d'incorporation du droit international dans le droit interne : les systèmes monistes (1) et les systèmes dualistes (2).

1 - L'approche moniste

La conception moniste94 repose sur l'idée de départ selon laquelle, le droit international et
le droit interne constituent un seul et même ensemble dans lequel les deux types de règles seront
subordonnés l'un à l'autre. Naturellement deux options seront possibles et, l'on pourra avoir, soit
un monisme avec primauté du droit interne, soit un monisme avec primauté du droit international.
Pour le monisme avec primauté du droit interne, il considère que le droit international
découle du droit interne. De ce fait, le droit interne est supérieur au droit international lequel n'est
qu'une forme de droit public externe de l'État. Les arguments évoqués par les tenants de cette
théorie sont que, en l'absence d'autorité super étatique l'État détermine par conséquent librement

92Olinga (A-D), L'effectivité de la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples, op cit, p.181. 93M Kamto, « Charte africaine instrument internationaux de protection des droits de l'homme, constitutions

nationales, articulations respectives », in L'application nationale de la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, J-F Flauss et Elisabeth Lambert-Abdelgawad (dir), Bruyant 2004, p.P30.

94Présentée en Allemagne par l'"École de Bonn" : Zorn, Erich Kaufmann, Max Wenzel (1920); en France par Decencière- Férrandière, et ayant inspiré largement la conception "soviétique " du droit international

ses obligations internationales et reste seul juge de la façon dont il les exécute. De plus c'est sur le fondement constitutionnel (donc interne) que l'État a des compétences pour conclure des traités qui l'engagent sur le plan international.

Pour le monisme avec primauté du droit international, le droit interne dérive du droit international. Ce dernier lui est donc supérieur et le conditionne. Les rapports entre les deux droits seraient comparables à ceux existant, dans un État fédéral, entre le droit des États membres et le droit fédéral.

Quel que soit la tendance, l'une des conséquences de la conception moniste est que l'acceptation et l'adoption d'une norme internationale par un État, le fait rentrer automatiquement dans son ordre juridique interne de sorte que les tribunaux et les autorités publiques pourront directement appliquer les dispositions de la convention internationale.

2 - L'approche dualiste

Cette technique appréhende le droit international et le droit interne comme deux systèmes juridiques spécifiquement distincts. Elle découle des conceptions volontaristes des fondements du caractère obligatoire du droit international public. Exposée par les auteurs positivistes allemands Heinrich Triepel (1899), Helborn, Strupp et italiens Dionisio Anzilotti (1905) et Cavaglieri, cette doctrine considère que le droit interne et le droit international constituent deux systèmes juridiques égaux, indépendants et séparés. La valeur propre du droit interne est indépendante de sa conformité au droit international. Pour Heinrich Triepel, qui est le père de cette théorie les arguments qui fondent cette théorie sont de deux ordres. D'une part, les sources des deux droits sont différentes. En effet, si le droit interne procède de la volonté d'un seul État, le droit international tient lui de la volonté de plusieurs États. D'autre part les deux droits régissent des sujets de droits différents. Pour l'interne les rapports régis sont ceux entre individus ou entre individus et État, tandis que le droit international régit les rapports entre État et État.

Pour la théorie dualiste il ne peut y avoir, dans aucun des deux systèmes juridiques, de normes obligatoires émanant de l'autre. De même, Il ne peut y avoir de conflits possibles entre les deux ordres juridiques. Les deux ordres étant totalement, séparés, la seule possibilité qui existera sera uniquement le renvoi de l'un à l'autre. De ce fait la norme internationale a préalablement besoin d'une loi interne d'incorporation ou d'autres instruments nationaux juridiquement contraignant pour être insérée dans le droit interne

Indifféremment de ce que l'État est moniste ou dualiste il existe une obligation de prendre des mesures pour assurer l'exécution des traités auxquelles il est partie. Cette conception sur l'obligation d'un État de prendre des mesures, y compris d'ordre législatif, afin d'assurer l'application du Traité, est acceptée par les États sous la forme de l'irrecevabilité de l'invocation des lois nationales pour contester la validité d'un Traité ou pour refuser son exécution.

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