B - L'incorporation de la Charte dans le droit
interne
L'art.1 de la Charte crée une obligation expresse pour
les États parties à incorporer la Charte dans leur
législation nationale. Cependant, il n'est pas de règle de droit
international règlementant la manière dont on fasse
l'incorporation des règlementations internationales dans le droit
interne ; une telle norme ne saurait exister, puisque la manière dont
les États garantissent l'application des Traités dans le droit
interne est établie par chaque État, selon ses dispositions
constitutionnelles, ce qui explique le fait que, dans ce domaine, la pratique
varie. A coté des techniques de promulgation, de proclamation et de
publication, les États africains procèdent le plus souvent
à la technique dite de constitutionnalisation (1). Elle
est la traduction ultime de la volonté des États de garantir
l'effectivité et la prépondérance des droits
proclamés (2).
1 - La technique de la constitutionnalisation des droits
de l'homme.
La constitutionnalisation des droits fondamentaux se
réalise à travers deux techniques principales, celle dite de la
constitutionnalisation bloquée, et celle dite de la
constitutionnalisation ouverte.
La constitutionnalisation bloquée renvoie à un
« énoncé limitatif de tous les droits
constitutionalisés dans le texte de la constitutionnalisation
»95. Les droits ainsi constitutionalisés sont
inscrits dans un titre spécifique de la constitution. Cette technique
est relativement récente en Afrique francophone et récente dans
la plupart des pays anglophones d'Afrique.96Les constitutions
béninoise du 11 décembre 1990 (titre II) burundaise du 9 mars
1992 (titre II) congolaise du 15 mars 1992(titre II) malgache du 19 août
1992 (titre II), et togolaise du 27 septembre 1992 (titre II), pour ne
cité que celles là, ont adopté cette technique.
95Kamto (M), « Charte africaine instrument
internationaux de protection des droits de l'homme, constitutions nationales,
articulations respectives », op cit, p.33.
96Ibid, p.35.
La constitutionnalisation ouverte quant à elle,
consiste à un renvoie pure et simple de la constitution à des
instruments juridiques et internationaux de protection des droits de l'homme.
Il peut également s'agir d'une référence à la
Charte suivie d'une énumération des droits de l'homme dans le
texte constitutionnel et selon le cas, dans le préambule ou dans le
dispositif. La Constitution camerounaise du 18 janvier 1996 dans son
préambule, au demeurant contraignant, s'inscrit dans l'approche de la
constitutionnalisation ouverte des droits de l'homme.
2 - La portée de la constitutionnalisation des
droits de l'homme
La technique de la constitutionnalisation est pratiquée
dans la plupart des États membres de l'UA Comme le souligne le Doyen
Maurice Kamto, « la constitutionnalisation des droit de l'homme est
relativement ancienne en Afrique comme en témoigne l'évolution
constitutionnelle de la plupart des États du continent
»97. Les enjeux de cette constitutionnalisation des droits de
l'homme sont doubles, d'une part, elle « hisse ces droits au rang de
norme suprême dans l'ordonnancement juridique interne des États
» d'autre part, elle fait du juge constitutionnel, le juge des droits
de l'homme et des libertés publiques. La constitutionnalisation des
droits de l'homme est, en n'en point douter, une garantie normative de leur
effectivité. Elle apparait comme « le modèle universel
de respect efficace des droits fondamentaux sur le plan interne
».98 Ce modèle de protection constitutionnelle des
droits de l'homme, débouche généralement sur une garantie
juridictionnelle de type constitutionnel des dits droits. La juridiction
constitutionnelle assure à travers le contrôle de la
constitutionalité des lois et règlements, la prise en compte des
droits de l'homme dans l'élaboration de la législation interne.
La norme internationale de protection des droits de l'homme jouit, par cette
technique, d'une autorité supra-législative dans l'ordre
juridique interne. Des lors, l'application du principe de la valeur
interprétative constitutionnelle de la Charte relève
principalement du juge constitutionnel. Dans le contrôle de
constitutionnalité, la Cour constitutionnelle doit vérifier la
compatibilité des lois avec la Constitution. Il s'agit directement d'une
question de constitutionnalité, par le biais de
l'interprétation de la Constitution à la
lumière de la Charte. En cas d'inconstitutionnalité, la
loicesse de s'appliquer, avec des effets erga omnes.
97Ibidem, p.32.
98 Olinga (A-D), « L'Afrique face à la globalisation
des techniques de protection des droits de l'homme », op cit, p.154.
La technique de la constitutionnalisation offre le fondement
de la responsabilité des gouvernements à protéger les
droits énoncés. En effet, s'il n'existe pas de règle
générale suivant laquelle la non-conformité de la
législation nationale aux engagements internationaux constitue une
violation mettant en jeu la responsabilité internationale de
l'État. Il y a toutefois violation du droit international lorsqu'un
traité l'oblige expressément ou lorsque la non incorporation
entraîne le non respect de l'obligation internationale.99
La protection des droits de l'homme dépend en grande
partie des mesures nationales d'implémentation en raison de la constante
interaction entre le droit interne et le droit international dans cette
matière. La norme internationale de protection des droits de l'homme,
une fois rentrée dans l'ordre, interne est applicable.
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