B - Un moyen de sauvegarder la réputation des
États.
Pour la Commission la règle de l'épuisement des
recours internes évite qu'un État se retrouve sans préavis
devant une instance internationale ce qui ternira inévitablement sa
réputation. Mais Dans quelle mesure un procès international nuit
il inévitablement à la réputation d'un État ? Pour
répondre à cette question, il importe au préalable de
comprendre la place des droits de l'homme dans les relations internationales
(1) avant que de voir la portée de la
recevabilité d'une communication. (2)
1 - La place des droits de l'homme dans les relations
internationales.
L'après seconde guerre mondiale marque de
manière significative une mutation profonde du droit international
général. A un droit international jusque là très
largement fondé sur des références souveraines, est en
train de se substituer un droit international qui trouve de plus en plus son
fondement dans la prise en compte, imposée par une sorte de
nécessité de la protection des individus et des peuples. Au cours
des cinq dernières décennies le droit international positif
semble révéler que les besoins sociaux auxquels s'adapte en les
réglementant le droit des la société internationale sont
ceux des individus et groupements humains dont les droits sont de plus en plus
protégés au niveau supra étatique.
L'avènement d'un droit international plus humaniste
à la place d'un droit international territorialiste et donc
souverainiste a était catalysé par les exactions des deux guerres
mondiales. Le souci de la protection de la dignité humaine
impulsé dans les domaines du droit humanitaire et
80Tigroudja (H), Contribution à
l'étude du statut de la victime en droit international des droits de
l'homme, thèse de doctorat, Lille II,2001, p.246.
des droits de l'homme a fini par gagner toutes les autres
branches du droit international, notamment, le droit de la Paix et de la
Sécurité Internationales (intervention humanitaire ou
responsabilité de protéger), Droit des Espaces (notion de
patrimoine commun de l'humanité), Droit des Organisations
Internationales, Droit International de Développement, Droit
International de l'Environnement etc. La théorie des droits de l'homme
est venue remettre en cause la définition classique de la
souveraineté étatique. La souveraineté étatique ne
peut plus en aucun cas être assimilée à un pouvoir
illimité et inconditionné de l'État, elle devient
nécessairement « la compétence qu'un État
possède sur la base du droit international »81 et
n'est invocable que « dans la mesure de la charge normative
définit par la communauté internationale
».82 Cette mutation de l'ordre juridique international semble
donner raison aux partisans de l'école sociologique (Scelle, Duguit,
Calvare) pour lesquels, l'individu est le sujet et l'objet final de toute
construction juridique. Le professeur Mouelle Kombi fait remarquer à ce
sujet qu'« en déclarant les droits de l'homme, la pleinitudo
potesta est quelque peu passé de l'État à l'homme.
»83 Les rapports entre individus formant une
société universelle et appartenant en même temps à
d'autres entités politiques, étatiques, inter étatiques,
supra étatiques, extra étatiques, que la communauté
humaine englobe et coordonne et que son droit régit.
Il relève aujourd'hui du lieu commun d'expliquer que
les progrès de la technique et des communications font de notre
planète un village. Dans cette société internationale
plurielle et de plus en plus rétrécie, les États
entretiennent des relations qui dépassent les limites de leur territoire
et échappent à l'emprise d'un pouvoir étatique unique. Les
informations relatives aux violations graves des droits de l'homme sont
instantanément répandues dans le globe et influencent les
relations internationales. En effet La protection des droits de l'homme est un
indicateur de l'État de droit. Elle traduit une stabilité et une
sécurité certaine, propre à attirer des investisseurs,
à inciter l'action des institutions internationales, à favoriser
les relations diplomatiques.
81Nguele Abada (M), « Conditionnalités et
souveraineté », in La conditionnalité dans la
coopération internationale, Colloque de Yaoundé, 20-22
juillet 2004, p.46.
82Ibid, p.42-43
83 Mouelle Kombi (N), « Éthique et
souveraineté dans l'ordre juridique international », RCEI,
n° 002, 1er semestre 2009, p.40.
A titre d'exemple, le régime des
conditionnalités économiques aura fortement remis en cause la
conception classique de la souveraineté car, « pour les pays
récipiendaires, la conditionnalité requiert...la promotion des
droits fondamentaux »84 .
Dans le monde contemporain, la réputation des
États dans les relations internationales est bâtie sur le respect
des droits de l'homme. C'est pourquoi la recevabilité d'une
communication devant la Commission est gênante pour l'État mis en
cause.
2 - La recevabilité de la communication comme
preuve d'un comportement étatique constituant une violation de la
Charte
Comme il sera souligné plus tard, dans l'ordre
international le procès demeure toujours exceptionnel. La Commission a
fait valoir que l'un des objectifs de la règle des « local
remédies », est d'éviter qu'un État soit
appelé devant une juridiction internationale ce qui ternirait à
coup sûr sa réputation. En d'autres mots le contentieux
international des droits de l'homme est déjà en lui-même
préjudiciable à la réputation de l'État mis en
cause. En effet la recevabilité d'une communication est la preuve que
l'État a faillit à ces obligations conventionnelles.
L'étude du contentieux international des droits de l'homme permet de
voir comment les États s'emploient à amener la juridiction
à déclarer la requête irrecevable. Avant que l'organe ne
statue sur le fond pour établir si oui ou non la responsabilité
de l'État peut être engagée sa décision sur la
recevabilité a pour enjeux d'admettre qu'il ya dans le comportement de
l'État mis en cause une attitude inique. Cette bataille juridique autour
de la recevabilité des communications est avant tout une lutte pour
l'État de sauvegarder son honorabilité. Pour l'État mis en
cause, déclaré une communication recevable c'est confirmé
qu'il a refusé de réparer le dommage subi par la victime. C'est
reconnaître qu'au moins au premier degré cet État a
violé les dispositions de la Charte relatives au droit à un
recours.
Par ailleurs le simple fait qu'un grand nombre de
communications à l'encontre d'un État particulier soient
déclarées recevables, signifie largement que cet État
viole constamment les droits de l'homme et ne garantie par le droit à un
recours qui, au demeurant, est un droit protecteur des autres droits. Cette
situation est préjudiciable à la réputation de
l'État, même si la décision au fond, prouve
infondées les prétentions de la victime.
84Atangana Amougou (J-L), «
Conditionnalité et les droits de l'homme », in La
conditionnalité dans la coopération internationale, Colloque
de Yaoundé, 20-22 juillet 2004, p.65.
A l'inverse, c'est avec une certaine fierté que
l'État mis en cause accueille très souvent
l'irrecevabilité des communications dirigées contre lui. C'est
une preuve qu'il est à même de résoudre les diverses
violations que ces institutions causent.. C'est l'évidence qu'il fait
partie des nations civilisées dont fait référence l'art 2
de la Charte des Nations Unies et dont qu'il est recommandable dans les
relations internationales.
Sans doute le principe de la sanction nationale prioritaire
est dicté par le respect de la souveraineté des États. Il
reste à démontrer que la garantie de ce principe incite les
États à appliquer les dispositions de la Charte.
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