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La condition de l'épuisement des voies de recours internes devant la Commission africaine des Droits de l'Homme et des peuples

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par Josep Martial ZANGA
Université Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études approfondies en droit international et communautaire 2008
  

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Paragraphe II : Le souci de restreindre la mise en jeu de la responsabilité
internationale des États.

La Commission soutient que la règle de l'épuisement des recours internes a pour justification de permettre à l'État qui a violé les droits de l'homme d'avoir l'opportunité de

pouvoir les redresser «et sauver sa réputation qui serait inévitablement ternie s'il était appelédevant une instance nationale63Ce faisant, elle reconnaît que la règle est un préalable à la mise
en jeu de la responsabilité internationale des États (A) même si elle pense qu'un procès international est susceptible de ternir la réputation de l'État mis en cause (B).

A - Un préalable à la mise en jeu de la responsabilité internationale
des États

Il est évident que le respect de la règle d'épuisement des voies de recours internes est un préalable à la mise en jeu de la responsabilité international des États. La Commission a considéré que : « Cela reflète le fait que les États ne sont pas considérés avoir violé leurs obligations en matière de droits de l'homme s'ils dispensent des voies de recours authentiques et effectives aux victimes de violations de droits de l'homme. »64 En effet en s'assurant que, le requérant a épuisé les recours internes avant de se pourvoir devant la Commission le droit international, reconnait et

62Voir Cour interaméricaine des droits de l'homme, dans l'Affaire Viviana Gallardo et autres. Jugement sur les exceptions préliminaires, 13 novembre 1981, série A n° G 101/81, §26, pp.87-89.

63Com 54/91, 61/91, 98/93, 164-196/97 et 210/98, Malawi African Association, Amnesty International, Mme Sarr Diop, Union Interafricaine des Droits de l'Homme et Rencontre Africaine des Droits de l-Homme, Collectif des Veuves et Ayants Droit et Association Mauritanienne des Droits de l'Homme c. Mauritanie, 13eme Rapport d'activité.

64 Com 268/2003 Ilesanmi c. Nigeria.

à l'État mis en cause le droit d'utiliser cette règle comme un moyen de défense (1) et par cela, oblige le requérant à une conduite loyale à l'égard de l'ordre interne (2).

1 - La règle d'épuisement des recours internes comme un moyen de défense.

S'il est reconnu que la règle de l'épuisement des voies de recours internes est « un important principe du droit international coutumier »65, les débats sur sa nature perdurent et sont loin d'êtres clos. En effet tandis que certains y voient une règle de procédure d'autre l'appréhende comme une règle de fond. Pour les premiers, à l'instar de Jean Chappez la règle de l'épuisement des recours est « une exigence de procédure qui tient à maintenir la balance égale entre la souveraineté de l'État présumé responsable et la sauvegarde du droit international »66. Elle appartient au cadre purement procédural. Pour Charles Rousseau, « l'exigence du local redress (n'est) que la traduction technique de l'idée que la protection diplomatique est une voie exceptionnelle ou subsidiaire par rapport aux recours de droit commun ».67 Pour les seconds par contre, notamment Louis Cavare, « la règle de l'épuisement des recours internes n'est pas une simple règle de procédure (...), cette règle vise à protéger les États contre des réclamations mal fondées ou prématurées »68. De même « lorsque la responsabilité de l'État apparait certaine, la mise en ouvre de la règle a pour effet, de retarder l'exercice de l'action internationale. »69. L'épuisement des voies de recours rime avec la responsabilité internationale. Le Professeur kaufmann note à ce sujet que « dans le cas ou le délit a été commis avant tout recours judiciaire, il n'est pas douteux que ce préjudice initial est le fait générateur du dommage et que l'épuisement des recours internes n'est qu'une condition de recevabilité. »70 Même si la première semble l'emporter, il reste clair que ces deux thèses se recoupent et se complètent. La règle procédurale de l'épuisement des recours internes participe à la mise en jeu de la responsabilité internationale des États. Autrement dit « la procédure est au service du fond »71. Ainsi pour la Commission de Droit International, cette règle est perçue comme nécessaire à la mise en ouvre de

65 Affaire Ziat, Ben Kiran, (Grande-Bretagne c. Espagne), Max Huber, 24 décembre 1924, Sentence arbitrale relative aux réclamations dans la zone espagnole du Maroc, RSA, vo II, pp.729-732.

66Chappez (J), « La protection diplomatique », JCL droit international, vol 4, édition du Juris-classeur, 1999, fascicule 250, p.22

67Rousseau (C), Droit international public, tome 5, Paris Sirey, 1983, p .158.

68Cavare (L), Le doit international public positif ,3eme édition, Pédone 1967, vol II, p.433.

69Ibidem, p.434

70Kaufman cité par Delbez (L) Les principe généraux du contentieux international, LGDJ ? Paris ? 1962, p. 198.) 71Rosoux (G), op cit, p.18.

la responsabilité des États. En effet l'art 11 décline clairement que : « les recours internes doivent être épuisés lorsqu'une réclamation internationale (...) repose principalement sur un préjudice causé à un national(...) ».72L'épuisement des recours internes est donc autant une condition de recevabilité de la demande qu'un corollaire de la responsabilité internationale de l'État. L'art 13 énonce à ce propos que «Lorsqu'un étranger introduit une instance devant les tribunaux internes d'un État pour obtenir réparation à raison d'une violation du droit interne de cet État, qui ne constitue pas un fait illicite international, l'État dans lequel l'instance est introduite peut voir sa responsabilité internationale engagée s'il y'a déni de justice au détriment du ressortissant étranger »73. La Commission de droit International confirme bien que la règle de l'épuisement des recours internes constitue bien un préalable nécessaire à la mise en jeu de la responsabilité internationale d'un État.

Cependant, plus qu'un préalable la règle est un moyen de défense. En effet, la règle quiexige d'épuiser au préalable les voies de recours internes est conçue pour bénéficier à l'État.

Cette règle est considérée comme un moyen de défense de l'État et, à ce titre, il peut y renoncer, même tacitement. La Cour interaméricaine des droits de l'homme a énoncé ce principe à l'occasion de plusieurs affaires, particulièrement l'Affaire Viviana Gallardo et l'Affaire Godinez Cruz. Dans la première, elle a considéré que: « aux termes des principes du droit international généralement reconnus et des pratiques internationales, la règle qui fait une obligation d'épuiser au préalable les voies de recours internes est conçue pour bénéficier à l'État, car cette règle vise à éviter à l'État de devoir répondre à des accusations devant un organe international pour des actes qui lui sont imputés avant qu'il n'ait eu la possibilité d'y remédier par des moyens internes. C'est pourquoi cette obligation est considérée comme un moyen de défense et à ce titre, il est possible d'y renoncer, même tacitementi74 Elle a considéré dans la seconde affaire que, « Les principes du droit international généralement reconnus indiquent premièrement que [l'épuisement des voies de recours internes] est une règle à laquelle l'État qui a le droit de l'invoquer peut renoncer, explicitement ou implicitement». 75

72Article 11 ,deuxième rapport sur la protection diplomatique de la CDI, disponible sur le site, www.un.org. 73bid, art 13.

74Voir Cour interaméricaine des droits de l'homme, dans l'Affaire Viviana Gallardo et autres, jugement sur les exceptions préliminaires (13 novembre 1981), série A n° G 101/81, p. 87-88, § 26.

75Voir Cour interaméricaine des droits de l'homme, dans l'Affaire Godinez Cruz, jugement sur les exceptions préliminaires 26 juin 1987, §88.

La CIJ est de cet avis puisqu'elle affirme que la règle d'épuisement des voies de recours internes est un « des moyens de défense qui visse la recevabilité de la réclamation ».76Cette règle est adossée d'une fiction généralement admise dans le contentieux des réclamations internationales selon laquelle le plaignant doit avoir les mains propres77.

2 - La règle d'épuisement des recours internes comme un corollaire de la fiction des « mains propres »

Pour engager la responsabilité d'un État devant une instance internationale, il est nécessaire que l'individu victime prouve un comportement irréprochable. Cette exigence est traduite par la théorie des mains propres. Selon cette théorie « la personne physique ou juridique étrangère doit avoir eu une conduite correcte envers l'état territorial, s'en tenant à ses lois ». Le recours à cette théorie a été observé dans le contentieux devant la CIJ. A l'occasion de ce contentieux les États fondent très souvent des exceptions préliminaires, sur la conduite « anti juridique, immorale(e) ou inconvenant(e) »78 de l'individu qui se réclame victime d'un préjudice. La doctrine majoritaire s'accorde à dire que la conduite blâmable et illicite de l'individu peut s'analysée comme une cause d'exonération de la responsabilité internationale de l'État territorial.79 Mais ce qui est entendu par comportement blâmable reste très floue puisqu'on pourrait y inclure un nombreux considérables de comportement individuels. Toutefois l'on peut s'accorder à dire que le comportement blâmable peut consister soit en comportement individuel en violation du droit interne de l'État mis en cause, soit en une conduite individuelle en violation du droit international. En effet, comment peut on recevoir la requête d'un individu qui a méconnu le droit interne au risque de méconnaître les règles du droit international lesquelles obligent l'individu à se conformer impérativement aux lois nationales. La condition de l'épuisement des recours internes participe donc à exiger de la victime une conduite convenant et révérencieuse envers l'État sur le territoire duquel il vit. La fiction des mains propres très invoquée dans la

76Affaire Ambatielos (Grèce c. Royaume-Uni), CIJ, 19 mai 1953.

77 Garcia-Arias(L), « La doctrine des « clean hands » en droit international public », Annuaire des anciens auditeurs de l'académie de droit international, vol 30, pp.14-22, cité par Salomon(J.A), « Des « mains propres » comme condition de recevabilité des réclamations internationales », AFDI, 1964, pp.225-266.

78Miaja de la Muela (A), « Le rôle de la condition des mains propres de la personne lésée dans les réclamations devant les tribunaux internationaux », Mélanges offerts à Juraj Andrassy, La Haye, Martinus Nijhoff, 1968, pp.189- 213.

79A l'exemple de Perrin (g), « Réflexion sur la protection diplomatique », in Mélanges à Bridel, Lausanne, Imprimeries réunies, 1968, pp.379-411.

pratique de la protection diplomatique, participe en droit international des droits de l'homme à travers l'exigence d'épuiser les recours internes, à s'assurer que le requérant à été loyal envers l'ordre juridique de l'État. En effet bien qu'étant la victime, « son comportement peut conduire à la restriction, voire à la suppression de son droit d'agir ».80 Par contre l'exemplarité de ce comportement, notamment en respectant la condition d'épuisement des recours internes, justifie la recevabilité de la communication. Cette situation selon la Commission ternie à coup sûr la réputation de l'État mis en cause.

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