A - La portée de l'exception
L'exception relative à la délocalisation de la
victime tend à assurer une double protection. Dans les cas d'exil, elle
permet la protection en cas de représailles politiques (1).
Elle vise par contre à garantir la légalité des
expulsions dans le cas de déportation (2).
1 - La protection contre des représailles
politiques
La règlementation des libertés politiques doit
être conforme aux obligations à l'égard de la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples. Ce principe fondamental qui
ressort de la jurisprudence Jawara265s'impose à tous
les États parties à la Charte.
Très souvent, les individus ayant un passif politique
opposé au régime en place, font l'objet de représailles
organisées par leurs adversaires politiques. Ces représailles,
consistent souvent en des restrictions de libertés ; telles que la
liberté de circulation (art 12) notamment, des restrictions de voyage
imposées aux anciens membres du parlement ou du gouvernement; la
liberté d'expression garantie par l'art 9 de la Charte, tel que les
intimidations, arrestations et expulsions des journalistes pour des articles
publiés ou des questions posées ; la liberté d'association
(art.10al 1) à l'instar d'interdiction des partis politiques ; la
liberté de participer à la direction des affaires publiques
(art.13al 1) notamment lorsque les anciens chefs d'État et autres hommes
politiques du régime déchu, sont interdits de prendre part
à aucune activité politique.
263Com. 219/88, Legal Defense Center c.
Gambie. 264Com 147/95 et 149/96 sir Dawda K. Jawara
§35. 265Ibid, §43 et 68.
C'est en réponse à cette réalité
que la Commission a adopté une approche qui tend à
protéger les droits et libertés des personnes
considérées, en assouplissant la règle par l'exception
d'impossibilité de recourir aux recours internes en cas d'exil.
2 - La légalité des expulsions et
l'interdiction des expulsions collectives
L'article 12(5) de la Charte, dispose : « l'expulsion
collective d'étrangers est interdite. L'expulsion collective est celle
qui vise globalement les groupes nationaux, raciaux ou religieux ».
La Charte africaine n'est pas la seule à interdire les expulsions
collectives. Les situations de crise politique et de crise économique
que connaissent certains États africains, conduisent les
autorités nationales à procéder à de vastes
campagnes d'expulsion d'étrangers. La commission a admis que,
«les États africains en général (...) sont
confrontés à de nombreux défis essentiellement
économiques, face à ces difficultés l'État a
souvent recours à des mesures radicales destinées à
protéger leurs ressortissants et leurs économies des
étrangers. Quelques puissent être les circonstances ces mesures ne
devraient pas être prises au détriment de la défense des
droits de l'homme. L'expulsion collective de n'importe quelle catégorie
de personne sur la base de la nationalité, de la religion, de l'ethnie,
de la race ou d'autres considérations constituent une violation
particulière de droits de l'homme ».266
Par cette interprétation extensive des exceptions, la
Commission protège les groupes vulnérables à l'encontre
desquels une action gouvernementale est dirigée. Ces actions ont un
caractère purement discriminatoire, en ce sens qu'elles manquent de
fondement juridique. L'expulsion doit rester compatible avec l'art12(4), selon
lequel « l'étranger l également admis sur le territoire
d'un État partie à la présente Charte, ne pourra en
être expulsé qu'en vertu d'une décision conforme à
la loi ». Les méthodes de contrainte à l'expulsion
légale doivent ne pas affecter la vie et l'intégrité
physique des personnes concernées.267
L'indisponibilité des recours internes justifie
l'exception à la règle du fait de la délocalisation du
plaignant, autre est le fondement de l'exception en cas de circonstance
extrême tel que le décès des victimes et l'urgence.
266Com. 159/96, Union Interafricaine des Droits de
l'Homme, Fédération Internationale des Droits de l'Homme,
Rencontre Africaine des Droits de l'Homme, Organisation Africaine des Droits de
l'Homme au Sénégal, Association Mondiale des Droits de l'Homme c.
Angola.
267Voir aussi Comité des Droits de L'homme,
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Nations Unies,
A/57/40, Vol. 1(2002) §76 al 13.
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