WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La condition de l'épuisement des voies de recours internes devant la Commission africaine des Droits de l'Homme et des peuples

( Télécharger le fichier original )
par Josep Martial ZANGA
Université Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études approfondies en droit international et communautaire 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B - L'exemption en cas de prolongement anormal des procédures

L'alinéa 5 de l'article 56 admet clairement l'inapplicabilité de la règle dès lors « qu'il est manifeste à la Commission que la procédure de ces recours se prolongent d'une manière anormale ». Dans l'affaire Zimbabwe for Humans Rights et Institute for Humans Rights and Development c. Zimbabwe, la Commission reconnaît que « ce qui constitue la prorogation de façon anormale de la procédure, n'a pas été définie par la Commission africaine245 Plus loin, elle avoue qu'« il n'existe donc pas de critères standards employés par la Commission africaine pour déterminer si une procédure a été indûment prolongée ». Cette position lui permet de garder une certaine flexibilité pour considérer chaque situation dans ses spécificités246 . Ainsi la Commission recours à certaines alternatives dans une logique qui emprunte à la doctrine anglaise du « test de l'homme raisonnable » (1). Il est par contre possible de dégager à travers la jurisprudence de l'organe ce qui pourrait être considéré comme étant la durée moyenne de l'instance nationale (2).

243Com, 241/2001, Purohit et Moore c. Gambie §36. Voir aussi Guide pour comprendre et utiliser la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, op cit, p.55.

244Ibid,§38.

245Com292/2004, Zimbabwe for Humans Rights et Institute for Humans Rights and Development c. Zimbabwe §58. 246Guide, Ibid, p. 56.

1 - Les alternatives à l'absence de critères standards

N'ayant pas défini des critères à partir desquels l'ont apprécie la prorogation des recours, la Commission « a tendance à traiter chaque communication dans le fond [et] dans certains cas, la Commission tient compte de la situation politique prévalant dans le pays, de l'histoire judiciaire du pays, et dans d'autres la nature judiciaire de la plainte. »247.

La prise en compte de la situation politique du pays, consiste à considérer que le prolongement anormal des procédures n'est pas causé par la volonté manifeste du pouvoir en place. En fait, « Indûment » est le qualificatif que l'article 56(5) donne à la prolongation anormale des procédures. Ce terme a été défini comme signifiant « excessivement » ou « de façon injustifiable»248. La Commission a alors conclu que « s'il y a une raison justifiable pour prolonger l'affaire, elle ne peut être qualifiée d'indue »249. Elle cite l'exemple d'un pays qui est pris dans une agitation civile ou une guerre. Dans ce cas, les recours ne sont pas considérés comme indûment prolongés.

A contrario, lorsque le comportement de la victime est la cause du prolongement des procédures, l'exception ne peut être invoquée. Ceci est vrai, si le retard même en partie est causé par la victime elle-même, sa famille ou ses représentants, le prolongement des procédures étant par ces facteurs justifié.

Par ailleurs, la Commission a recours à la doctrine anglaise du « test de l'homme raisonnable». Cette doctrine de Common Law, révèle une certaine équité dans l'administration de la justice. Dans ce sens, la Commission cherche à « découvrir compte tenu de la nature et des circonstances entourant un cas particulier quelle serait la décision d'un homme raisonnable »250. (§60). Dans l'espèce considérée, ayant fait remarquer que « les résultats électoraux sont supposés être rendus le plus rapidement possible, de manière à permettre aux concurrents de connaître les résultats »251, que la plupart des juridictions mettent en place, des mécanismes pour assurer cette diligence dans le traitement. La Commission parvient à la conclusion qu'un homme raisonnable finira par croire que l'affaire a été prolongée de manière anormale. Cette conclusion tient du fait que, plus de quatre ans après l'introduction des requêtes en contestation d'élection, les Tribunaux

247Com292/2004, Zimbabwe for Humans Rights et Institute for Humans Rights and Development c. Zimbabwe.

248 Idem

249 Idem

250 Idem

251 Idem

de l'Etat défendeur ne sont pas parvenus à statuer et les fonctions que les victimes contestent sont toujours occupées alors que les mandats sont presque arrivés à terme». La communication fut déclarée recevable. Ce qui fait jouer l'exception, ce n'est pas nécessairement le prolongement des procédures, mais ce sont les anomalies directement imputables à l'Etat ou au plaignant, qui vicient ce prolongement. La Commission tient également compte de l'histoire judiciaire du pays.

2 - La durée moyenne de l'instance nationale

En prenant en compte l'histoire judiciaire du pays, la Commission analyse au regard du fonctionnement des juridictions nationales si l'on est à même de dire que la procédure se prolonge de façon anormale. Elle interroge ainsi la jurisprudence nationale pour voir quelle est la durée moyenne de l'instance dans l'ordre interne.

La célérité de la procédure est un principe dans la conduite du procès. Pradel disait dans ce sens que « le temps qui passe c'est la vérité qui s'enfuit ». Il poursuivait qu' « une justice tardive équivaut à l'injustice »252. La célérité de la procédure est de l'intérêt de la victime selon que la Charte parle d'être jugée dans un délai raisonnable253. Le droit d'être jugé dans un délai raisonnable, est le droit d'une application régulière de la loi. Le droit d'avoir sa cause entendue dans un délai raisonnable, intègre non seulement le moment auquel le procès devrait commencer, mais également le moment auquel il devrait prendre fin et le jugement rendu aussi bien en première instance qu'en appel.

Malheureusement, les législations nationales ne sont pas assez élaborées à ce sujet. Au Cameroun par exemple, aucune disposition légale ne fait obligation au juge de conduire les procès dans un délai bien déterminé. Certes, il faut nuancer qu'en matière de contentieux administratif, l'issue du recours contentieux doit être connue dans un délai de 60 jours après dépôt du recours gracieux préalable. La pratique révèle que les systèmes judiciaires africains sont caractérisés par une lenteur. Cette lenteur est due à la carence du personnel de justice, l'engorgement des tribunaux internes et parfois, l'ingérence du politique dans la pratique judiciaire. Dans Modise c. Botswana, la Commission a admis que le fait que le dernier recours

252Pradel (J), La procédure pénale, CUJAS, 11 édition, 2002-2003, P.307. 253Article 7 (5) Charte africaine des droits de l'homme et des Peuples.

du requérant soit toujours en instance 16 ans plus tard permet de conclure à la réalisation par le plaignant de la condition d'épuisement des recours internes254.

Dans la communication 204/97, Mouvement burkinabè des droits de l'homme et des peuples c. Burkina Faso, la Commission estime que « 15 ans sans qu'aucun acte de procédure ne soit prit et sans aucune décision ne se prononçant sur le sort des personnes concernées, ni sur les réparations sollicitées, constitue un déni de justice et une violation de l'article 7(1) ». Dans la jurisprudence Art 19 c. Érythrée, la Commission a jugé qu' « En l'absence de mesures concrètes de la part de l'État pour faire comparaître les victimes devant un tribunal ou pour leur permettre d'avoir accès à leurs représentants légaux trois ans après leur arrestation et leur détention et plus d'un an après avoir été saisie de la question, la Commission africaine, en toute conviction, conclut que les voies de recours érythréennes, même si elles sont accessibles, ne sont ni effectives ni suffisantesi255

La Cour européenne dans son arrêt Kulda c. Pologne, rendu en Grande Chambre le 26 Octobre 2000, a innové en mettant les États parties face à leur responsabilité en les incitant à créer dans leurs systèmes juridiques nationaux un recours effectif permettant aux justiciables de se plaindre de la durée excessive d'une procédure.256 Aujourd'hui, « plusieurs des États parties à la Convention ont intégré dans leurs systèmes juridiques internes, un recours qui permet aux justiciables de se plaindre du caractère déraisonnable d'une procédure et que les requérants sont désormais tenus d'exercer avant de s'adresser à la Cour européenne des droits de l'homme. C'est notamment le cas des systèmes français et italien ».257Il s'agit d'un précédent dont la Commission africaine devrait s'inspirer pour assurer aux justiciables africains le droit à un procès rapide.

En marge de ces exceptions qui sont liées à des raisons objectives, il est facile de remarquer que la Commission a également admis des exceptions à la règle de l'épuisement des voies de recours internes, sur la base des considérations purement subjectives.

254Com. 97/93 John K. Modise c. Botswana§19.

255Com. 275/2003 Article 19/Etat d'Érythrée §82.

256Voir aussi les arrêts confirmant la jurisprudence Kulda, notamment Horvat c. Croatie, arrêt du 26 Juillet 2001, Selva c. Italie, arrêt 11 Décembre 2001, Nouhaud et autres c. France, arrêt du 09 Juillet 2002, Konti-Arvaniti c. Grèce, arrêt du 10 Avril 2003, Hartman c. République Tchèque arrêt du 10 Juillet 2003.

257Beernanert (M-A), « De l'épuisement des voies de recours internes en cas de dépassement du délai raisonnable », Revue trimestrielles des droits de l'homme, n°60, 2004, p. 906.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld