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La condition de l'épuisement des voies de recours internes devant la Commission africaine des Droits de l'Homme et des peuples

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par Josep Martial ZANGA
Université Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études approfondies en droit international et communautaire 2008
  

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B - Une garantie du droit à la réparation

Dans Anuak Justice, la Commission estime qu' « un recours est jugé suffisant s'il est capable de réparer la plainte ». Le terme « suffisant » signifie ce qui est « adéquat pour l'objectif, assez » ou « ample, abondant, ...satisfaisant. » La notion de droit porte en elle-même l-obligation de redresser sa violation. Si le droit à un recours est une réparation procédurale le

216 L'inamovibilité comme condition première de l'indépendance judiciaire, est aux antipodes de la révocation discrétionnaire ou arbitraire des juges. Elle hisse la fonction judiciaire à l'abri de toute intervention discrétionnaire ou arbitraire de la part de l'exécutif ou de l'autorité responsable des nominations. La sécurité financière quant à elle est à la fois individuelle, collective et institutionnelle. Elle génère de l'impératif constitutionnel qui veut que, les rapports entre le judiciaire et les deux autres pouvoirs soient dépolitisés. Cet impératif commande que la magistrature soit protégée contre l'ingérence des politiques et des autres pouvoirs, par le biais des manipulations financières. C'est une sécurité qui place le droit au traitement et la pension des juges à l'abri des ingérences et de l'arbitraire de l'exécutif. Quant à l'indépendance administrative, elle pourrait s'entendre du pouvoir d'un Tribunal de contrôler les décisions administratives qui portent directement et immédiatement sur l'exercice des fonctions judiciaires. Ces décisions concernent notamment l'affectation des juges aux causes, les séances de la Cour, le rôle de la Cour, ainsi que les domaines connexes de la location des salles d'audience et de la direction du personnel administratif exerçant cette fonction.

217Com.87/93 Constitutional Rights Project(pour le compte de Zamani Lekwot et six Autres) c. Nigeria, voir également, com. 49/90, com50/91, com. 52/9, com. 51/93.

218Olinga (A.D), « le contentieux camerounais devant la CDH et la Commission Africaine de Banjul », op cit, p.136.

droit à la réparation est plus substantiel. C'est la capacité à réparer le dommage subi et à apporter ainsi satisfaction au besoin de justice, qui constitue la suffisance des recours. L'absence d'une mention express du droit à la réparation dans la Charte a conduit certain auteurs à penser qu'il n'existe pas de droits à une réparation dans la Charte219. Mais il suffit de remarquer que la justiciabilité des droits de la Charte rend évident le droit à la réparation de sorte qu'il n'est plus nécessaire de le consacrer de façon spécifique. Plusieurs dispositions revoient à ce droit220 Les jurisprudences Malawian African Association et Autres c. Mauritanie, et Mouvement Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples c. Burkina Faso sont des cas ou la Commission à ordonner des réparations concrètes et spécifiques. La réparation des violations peut prendre plusieurs formes. Il peut s'agir soit d'une indemnisation ou d'une restitution(1), soit d'une réadaptation ou des garanties de non répétition(2).

1 - La restitution et l'indemnisation

Le droit à la réparation des violations des droits de l'homme s'inscrit dans l'essence même du droit à un recours effectif et emporte le droit à de réparations matérielles. Ce principe est une règle d'or de droit international. La Cour Permanente de Justice (CPJI) a rappelé que « la règle selon laquelle violer une obligation au terme du droit international entraîne le devoir d'accorder réparation, constitue un principe fondamental de droit international général »221. Selon le Comité des droits de l'homme « la réparation doit au tant que possible effacer toutes les conséquences de l'acte illicite et rétablir l'état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait pas été commis »222.

La restitution consiste à rétablir le statu quo ante, c'est-à-dire ramener l'état initial qui prévalait avant la violation .Elle pourra par exemple consister à remettre la personne en liberté, à lui restituer ses fonctions ou son emploi, sa citoyenneté ou ses droits politiques. Dans Constitutional Rights projects and Civil Liberties Organization c. Nigeria La commission a

219 Musila (GM) `The Right to an Effective Remedy under the African Charter on Human and Peoples' Rights' AHRLJ, Vol. 6 No 2 (2006) 442. Voir également, Naldi(G) « future trends in human rigths in africa : The increased role of the OAU ? in M Evans et Murray (ed) The African charter on Human and Peoples' Rigths : The système in practice, 1986-2000(2002), p. 1.

220 Voir les articles 7(1), 21(2) et 10 de la Charte africaine des droits de l'homme.

221Affaire Usine de Chorzow Pologne c. RFA 1927, série A n° 17.

222Albert Wilson c. Philippines, com. 868/1999, doc. NU, CCPR/C/79/D/868/1999, 2003.

ordonné la relaxation de tous ceux qui étaient détenus en raison de contestation de l'annulation des élections.223 Elle exiger la réintégration de M Mazou dans ces fonctions de magistrat224

Quant à l'indemnisation, elle est une réparation par compensation. Il s'agira, selon que le préjudice est financièrement estimable, de compenser la victime en lui versant une somme à titre de dommage - intérêt. L'indemnisation couvre tant le préjudice matériel que le préjudice moral. Elle doit cependant satisfaire au principe de l'adéquation, et son calcul doit prendre en compte la réparation totale du dommage, de sorte qu'on puisse parler de « la juste indemnité ». La Commission a toujours laissé aux autorités nationales le soin de fixer selon leur loi le quantum des préjudices225. Si plus tard elle s'est référée à la décision de la Court Suprême de Brazzaville pour prononcer une indemnisation a titre de compensation pour le préjudice subie en sa personne et ses biens par Antoine Bissangou du fait de la police nationale. Le montant de l'indemnisation s'élevait à 195.037.000 FCFA, soit 297.333.00 Euros226. Néanmoins le manque dû au non paiement du montant initial devait selon la Commission être calculer selon la législation congolaise et verser à la victime.

La restitution et l'indemnisation ne sont pas les seuls moyens de réparation de la violation. Il ya aussi la réadaptation et les garanties de non répétition.

2 - La réadaptation et les garanties de non répétition

La réadaptation s'avère utile lorsque le préjudice subi a entraîné des troubles physiques et/ou psychologiques chez la victime. Il pourra s'agir d'une prise en charge médicale et psychologique avec accès à des services juridiques et sociaux. Très souvent en nature, la réadaptation peut être incluse dans une réparation pécuniaire. Sous cette forme, elle se distingue de l'indemnité versée à titre d'indemnisation.

Les garanties de non répétition quant à elles sont toutes mesures susceptibles de contribuer à des objectifs de réparation plus large et à plus long terme. Un certain nombre de ces mesures sont énoncées dans les principes fondamentaux sur le droit à la réparation. Parmi ceuxci, la cessation des violations persistantes, les sanctions judiciaires à l'encontre des responsables

223Com 1023 Constitutional Rights projects and Civil Liberties Organization c. Nigeria

224 Com 39/90 Annette Pagnoulle (pour le compte de Abdoulaye Mazou) c. Cameroun.

225Com 59/91, Embga Mekongo c. Cameroun, op cit, § 2. Com

226 Com 253/2002 Antoine Bissangou c. République Démocratique du Congo, Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, 21 rapports d'activités.

des violations, des excuses publiques, des commémorations et hommages aux victimes, ainsi que la mise en oeuvre des mesures préventives telles que le contrôle des forces armées et des forces de sécurité par l'autorité civile, la protection des défenseurs des droits de l'homme, des membres des professions juridiques et du personnel des médias et autres professions analogues. Dans Malawi African Association et Autres c. Mauritanie la Commission à recommander au gouvernement Mauritanien de « mettre en place une stratégie tendant à l'éradication totale et définitive »227 des pratiques avilissantes et dégradantes que constitue l'esclave en Mauritanie

Toutefois, comme l'écrit Etienne Leroy « la justice souffre en Afrique d'un mal mystérieux, comme si quelque magie noire pesait sur son exercice ou sur ses représentants... le nombre de magistrats est notoirement insuffisant et leur formation laisse à désirer, le contrôle hiérarchique à céder à un compagnonnage clientéliste ou claniste, l'évitement très généralisé de la justice officielle tant au civil qu'au pénal, la corruption et bien d'autres maux endémiques, rendent l'administration de la justice difficile» 228. La Commission consciente de cet état de fait ne se limite pas à exiger que les recours à épuiser soient disponibles, effectifs et satisfaisants, elle souligne que l'application de la règle n'est pas rigide. Celle-ci ne s'applique pas littéralement dans un certain nombre de cas.

227 Com Malawi African Association et Autres c. Mauritanie, op cit.

228Le Roy (E), « Contribution à la refondation de la politique judiciaire en Afrique francophone à partir des exemples maliens et centrafricains », Afrika Spectrum n°32, 1997, p. 311.

CHAPITRE II : L'ÉNONCIATION NON LIMITATIVE
DES CIRCONSTANCES D'EXCEPTION

Dans l'affaire Malawi Africain Association et autres c. Mauritanie (com. 54/91, 69/91, 98/93, 164-196/97 et 210/98) la Commission rappelle que l'art.56 (1) de la Charte exige que tous les auteurs des communications reçues, relatives aux violations des droits de l'homme déclinent leur identité. Les auteurs ne doivent donc pas être nécessairement des victimes directes ou des membres de leur famille. Pour la Commission, « cette caractéristique de la Charte africaine reflète une sensibilité aux difficultés pratiques que peuvent rencontrer les individus dans les pays où les droits de l'homme sont violés. Les voies de recours nationales ou internationales peuvent ne pas être accessibles aux victimes elles-mêmes, ou peuvent s'avérer dangereuses à suivre ». La Commission reconnaît ainsi clairement que les voies de recours internes ne doivent être épuisées que « si elles existent » et « à moins que la procédure de ces recours ne se prolonge d'une façon anormale ».

La Charte consacre deux exceptions à la règle. L'une ayant trait à l'inexistence des recours, l'autre au prolongement anormal de leur procédure. La Commission est d'avis que la règle « ne signifie pas que les plaignants doivent épuiser les voies de recours qui en termes pratiques ne sont indisponibles, ni efficaces » mieux encore, « ce principe ne signifie pas que le requérant doit impérativement épuiser les recours qui, en termes pratiques ne sont pas disponibles »229. De même, la Commission ne considère pas que la condition d'épuisement des recours internes s'applique littéralement aux cas où il n'est « ni pratique, ni souhaitable »230 pour les plaignants ou les victimes de se tourner vers ces voies de recours internes dans chaque situation de violation des droits de l'homme. La Commission n'a jamais considéré « que la condition d'épuisement des voies de recours internes ne s'appliquent à la lettre lorsqu'il n'est ni pratique, ni souhaitable que le plaignant saisisse les tribunaux nationaux dans le cas de chaque violation ».231

La Commission consacre ainsi, la flexibilité dans application de la règle. Pour preuve, « La Commission Africaine note que l'exigence d'épuisement des voies de recours internes aux

229Com 73/92, Diakate c. Gabon, §10

230Com 54/91, 61/91, 98/93, 164-196/98, Malawi African Association, (...) c. Mauritanie, §85. 231Com 25/89, 47/90, 56/91, 100/93, Free Legal Assistance Group et autres c. Zaire, §46.

termes de l'Article 56 (5) de la Charte africaine devrait être interprétée souplement de manière à ne pas fermer la porte à ceux qui ont ne serait-ce que timidement tenté d'épuiser les voies de recours internes ».232Par une interprétation extensive des exceptions conventionnelles, la Commission a admis de nouvelles exceptions ou exceptions jurisprudentielles. Ainsi a-t-elle admise que « la règle des voies de recours locales n'est pas rigide. Elle ne s'applique pas si :

(i) Les voies de recours locales sont inexistantes ;

(ii) les voies de recours locales sont indûment et irraisonnablement prolongées ;

(iii) le recours aux voies de recours locales est rendu impossible ;

(iv) au vu de la plainte, il n'y a pas de justice ou il n'y a aucun recours local à épuiser, par exemple, lorsque le pouvoir judiciaire est sous le contrôle de l'organe exécutif responsable de l'action illégale ;

(v) le tort est dû à un décret du gouvernement, à l'évidence non soumis, en tant que tel, à la juridiction des tribunaux nationaux».233

Cette énumération on le voit bien, est simplement indicative. Elle est appelée à s'étendre en raison des spécificités des communications examinées. Selon cette logique au lieu d'une classification qui distingue les exceptions conventionnelles aux exceptions jurisprudentielles il apparait plus indiquer de les ranger en exceptions relatives aux circonstances d'ordre politique et juridique (Section I) et celles relatives aux circonstances personnelles du requérant ou de la victime (Section II).

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore