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La condition de l'épuisement des voies de recours internes devant la Commission africaine des Droits de l'Homme et des peuples

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par Josep Martial ZANGA
Université Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études approfondies en droit international et communautaire 2008
  

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SECTION I : LE CRITÈRE FORMEL: LE CONTRÔLE SYSTÉMATIQUE
DE L'ÉPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES.

Le système interaméricain applique les mêmes conditions de recevabilité que celles pratiquées par la Commission. Devant la Commission interaméricaine rares sont, sur le plan pratique, les obstacles à l'examen des requêtes portées devant elle. Pour faire face à la réalité des États de l'Amérique latine où les systèmes judiciaires n'étaient pas susceptibles de garantir le droit à un procès équitable, la Commission interaméricaine a choisi de présumer l'épuisement des recours internes, laissant aux États mis en cause le soin d'évoquer la question158 .

Autre est le cas, devant la Commission africaine. En effet, celle-ci procède systématiquement à l'examen de la règle de l'épuisement des voies de recours internes. De façon constante, la Commission examine à l'occasion de chacune des communications dont elle est saisie, que la règle de l'épuisement des voies de recours internes a été respectée. Pour l'organe « cette règle est l'une des conditions les plus importantes de la recevabilité des communications, et c'est pour cela que dans presque tous les cas ,la première question que se pose aussi bien l'État visé que la Commission est relative à l'épuisement des recours internes »159. Cette phase scrupuleuse de contrôle (Paragraphe I) aboutit fréquemment à la sanction d'irrecevabilité (Paragraphe II).

158Guide pour comprendre et utiliser la Cour Africaine des Droits de l'Homme, p. 52.

159Com 147/95 et 149/96, Sir Dawada K. Jawara c. Gambie, 13eme Rapport annuel d'activités.

Paragraphe I : L'exercice du contrôle

La constance du contrôle de l'épuisement des voies de recours internes devant la Commission, peut se vérifier dans le dispositif de la décision par les considérations contenues dans la partie intitulée « du droit : Recevabilité ». La condition de l'épuisement des voies de recours internes est parmi les sept conditions de recevabilité celle qui est la plus fréquemment invoquée et contestée par les parties et qui « requiert le plus d'attention »160 . Cette grande attention consiste à examiner, que la condition de l'épuisement des voies de recours internes a bel et bien été respectée. La Commission a formulé une véritable méthodologie pour examiner les voies de recours internes. Cette méthodologie s'articule autour de la charge de la preuve (A) et des modes de la preuve (B).

A - La charge de la preuve

Avant de comprendre comment la charge de la preuve est répartie entre les parties au procès (2), il convient de préciser à qui incombe la charge d'épuiser les recours internes. (1)

1 - De la responsabilité d'épuiser les recours internes

La première question qui se pose est celle de savoir, qui de la victime des violations alléguées des droits de l'homme ou de l'auteur de la communication doit épuiser les recours internes ?

Selon l'article 56(1) de la Charte c'est l'auteur de la communication qui doit indiquer son identité. Cela laisse t'il présupposer que c'est l'auteur qui doit épuiser les recours internes ? Comme il a été souligné, précédemment la Charte prend en compte les situations d'indigence dans la mesure où elle autorise que l'auteur d'une communication ne soit pas nécessairement la victime. Très souvent les auteurs de communications sont des ONG agissants pour le compte des véritables victimes. De nombreuses communications émanant de ces ONG ont ainsi été admises devant la Commission. Pour la Commission « il incombe à l'auteur d'une communication de prendre des mesures concrètes pour se conformer aux dispositions de l'article 56 ou d'indiquer

160Com. 140/90 141/94, 145/95 Civil Liberty Organisation and Media Rights Agenda c. Nigeria

la raison pour laquelle il lui est impossible de le faire »161. Les ONG et autres particuliers qui sont très souvent auteurs de la communication en faveur des véritables victimes, sont donc tenus de rapporter la preuve que les recours ont été épuisés. La charge de la preuve qui incombe à l'auteur de la communication ne l'est qu'au premier degré.

2 - La rotation de la charge de la preuve

Il existe devant la Commission un cadre d'affectation de la charge de la preuve entre les plaignants et les États défendeurs162. La charge de la preuve pèse en premier lieu sur le requérant. Celui-ci doit démontrer qu'à l'occasion d'une violation actuelle des droits de la Charte, il a épuisé ou tenté d'utiliser dans l'ordre interne toutes les possibilités judiciaires pour obtenir réparation. La charge de la preuve initiale, sera pour le requérant, d'établir que non seulement la procédure n'est pas pendante devant les juridictions internes, mais que la décision de la juridiction suprême a été obtenue sans qu'il n'y ait eu satisfaction. La preuve consiste donc à démontrer que l'État a eu l'opportunité de résoudre le problème dans le cadre de son propre système national. Il ne s'agit pas de montrer que le problème a été résolu où qu'il ne l'a pas été. Mais que l'État a eu l'opportunité de le résoudre. En effet « tout ce que la Commission africaine souhaite entendre du plaignant est qu'il s'est approché des organes judiciaires internes ou nationaux ».163Il faut dire que très peu de communications arrivent à prouver l'épuisement des voies de recours internes en démontrant un jugement définitif de la plus haute juridiction de leur pays164. La plupart prouve plutôt l'exception de non épuisement des recours. Les requérants y parviennent « en présentant des preuves découlant de situations analogues ou en témoignant d'une politique de l'État leur refusant ce recours »165 ; ce qui fera l'objet d'un autre développement. La charge de la preuve initiale à l'endroit du requérant a été admise dans l'affaire Illssami c. Nigeria.

La Charge initiale de la preuve est réalisée dans la plainte que le requérant adresse à la Commission. Après réception de cette plainte, la Commission en adresse une copie à l'État mis en cause. Dans son contre mémoire celui-ci doit réfuter point par point chacune des allégations

161Com. 275/2003, Art. 19 c. Erythree

162Com. 293/2004- Zimbabwe Lawyers for Human Rights & Institute for Human Rights and Development /République du Zimbabwe, § 44.

163Com 221/98 Alfred B. Cudjoe c/ Ghana],et com 260/02 Bakweri Land Claims Committee / Cameroun 164Com 243/2001 Woman's Legal Aid Central, § 27; Com 49/90 Njoku c. Egypte, §57.

165Com 299/2005 Anuak Justice Council c. Ethiopie.

du plaignant en y apportant des réponses spécifiques. Celui-ci doit démontrer que le plaignant avant de saisir la Commission n'a pas préalablement épuisé les recours internes. La preuve secondaire est consacrée dans la jurisprudence Art 19 c. Érythrée.

Lors de l'examen de la communication la Commission, revient sur les objections faites par l'État dans son contre mémoire. Si l'État contredis la thèse de la partie demanderesse sur l'épuisement des recours internes en démontrant que les recours dans le système juridique national permettent de traiter la violation en question, il revient alors au plaignant de démontrer que lesdits recours ont été épuisés ou que l'exception à l'art 56(5) est applicable. Il y a donc une rotation de la charge de la preuve entre les parties tout au long du procès.

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