D - INTÉRÊT DU SUJET
Comme le relève le Professeur Alain Didier Olinga :
« il est difficile de ne pas être redondant, voire ennuyeux, au
sujet de la Charte Africaine des Droits de l'homme et des Peuples, ou plus
globalement, du régionalisme africain en matières de droits
fondamentaux »28. L'auteur souligne la grande production
doctrinale qui traite de la question et finit par conclure qu'il y a une
nécessité d'un « renouvellement de problématique
», d'un « réajustement focale de l'approche
».29 Cette posture à laquelle nous adhérons,
transcende la redondance d'une certaine doctrine qui s'est limitée
à une description ondoyante du paysage normatif et institutionnel de la
protection des droits de l'homme en Afrique, sans véritablement en
questionner l'applicabilité et l'application. Il est question d'admettre
qu'il ne suffit pas de passer de l'idéal au droit, mais qu'il faut
encore passer du droit à la réalité. Aussi, aborder la
question de l'épuisement des voies de recours internes c'est toucher le
coeur même du contentieux des droits de l'homme car tout ou presque est
conditionné par elle. La question revêt donc un
intérêt à la fois scientifique et social.
Au plan scientifique, le présent
travail permettra de voir comment la Commission africaine des droits de l'homme
participe à réconcilier le justiciable africain avec sa
juridiction nationale, en contribuant à la conciliation entre la
souveraineté et les droits de l'homme. De plus, il concourt à
mieux appréhender l'articulation, dans le cadre africain, entre
l'interne et l'international. Il s'intègre dans les «chantiers
prioritaires de la recherche africaine à venir en matière de
droits de l'homme. »30. Sous un certain angle, la
dimension comparative de ce travail apportera plus de visibilité sur
l'homogénéité de la pratique internationale en
matière de droits de l'homme. A terme, l'étude est une
contribution à la formation d'une « théorie
générale de la condition de l'épuisement des voies de
recours internes devant les juridictions régionales de droits de
l'homme ».31 Elle participera dans ce sens, à
dégager l'évolution qu'a connu la règle de
l'épuisement des voies de recours internes comme préalable devant
les instances régionales des droits de l'homme, à travers les
interprétations du commissaire africain des droits de l'homme.
28Olinga (A.D), « L'effectivité de la
charte africaine des droits de l'homme et des peuples», Revue
Afrique 2000, avril-octobre, n°227-228, pp. 171
29Ibid, p.172.
30Olinga (A.D), op cit, p.168.
31Ghazi Gheraïri, « Aspect de la
procédure devant les juridictions relatives aux droits de l'homme
»in Justice et
juridictions internationale s, Actes du Colloque de
Tunis, 13-15 avril 2000, Paris, Pédone, p. 204.
C'est en réalité l'apport de la pratique
africaine des droits de l'homme, dans la théorisation d'une règle
commune à différents systèmes de protection des droits de
l'homme.
Au plan social, cette étude est une
modeste participation à l'enracinement d'une culture des droits de
l'homme en Afrique. En réalité, la justice et le droit, tiennent
une place croissante dans la régulation des rapports sociaux en Afrique.
Elle contribuera donc à la juridiciarisation de la société
africaine. On parle de « juridiciarisation de la société
», au sens où la propension « à entamer un litige,
à faire valoir des prétentions ou plus généralement
à affirmer ses droits, à travers un recours accru aux tribunaux
»32. L'étude fournira des informations relatives
à la procédure devant la Commission. Elle pourra ainsi être
utile aux auteurs des communications pour mieux se prémunir pour le test
de la recevabilité, étape `'périlleuse» de la
garantie juridictionnelle des droits par l'organe de Banjul. En effet, la
complexité des règles en la matière et une certaine
méconnaissance de la procédure devant la Commission font qu'un
grand nombre des communications sont déclarés irrecevables alors
que certaines d'entre elles auraient pu donner lieu à des
décisions sur des problèmes de fond importants. Cette
contribution permettra donc de faciliter la compréhension des
modalités de mise en oeuvre des requêtes que les justiciables
déposent lorsqu'ils se prévalent, dans un cas particulier, d'une
atteinte aux principes posés par la Charte et ratifiés par les
États.
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