B - La Commission : Un recours suprême ?
Le caractère supplétif du règlement
international présente la juridiction internationale comme un organe de
dernier recours. La Commission a plusieurs fois rappelé que «
la justification de la règle de l'épuisement des voies de
recours tant dans la Charte que les autres instruments internationaux des
droits de l'homme évite à la Commission de jouer le rôle
d'un tribunal de première instance mais plutôt celui d'un
organe de dernier recours ».135 Cette aperception
est conforme à la Charte (1) mais tend à
être relativisée au regard du nouveau système africain des
droits de l'homme (2).
1 - Selon la Charte africaine
En tant que texte constitutif de la Commission, la Charte
africaine reconnaît à l'organe, un mandat de promotion et de
protection des droits de l'homme en Afrique (art 30). Une analyse des
dispositions pertinentes de la Charte, notamment celle du chapitre III permet
d'affirmer que la Commission constitue bien l'organe de dernier recours en
matière des droits de l'homme en Afrique.
Dans le cadre des communications étatiques, il est
institué en vertu des articles 47, 48 et 49 une procédure de
conciliation préalable à la saisine de la commission.
L'échec de la négociation bilatérale ou de toute autre
voie de règlement pacifique justifie que les Etats disposent du droit de
saisir la Commission. Cette disposition ne signifie pas que la
négociation
135Com. 25/89Jawara contre Gambie, com. 74/92, Free
Légal Assistance Group et autre c. Zaïre, et com. 83/92 Degli et
autre c. Togo.
soit obligatoire. L'unique communication
étatique136 enregistrée jusqu'à cette date,
confirme bien la possibilité garantie par l'art 49 d'une saisine direct
de la Commission. Il ne pouvait en être autrement puisqu'on sait que ni
dans la Charte « ni ailleurs en droit international de règle
générale selon laquelle l'épuisement des
négociations diplomatiques serait un préalable à la
saisine de la Cour »
Les juridictions internationales ne sanctionnent l'obligation
de négocier que si elle a été expressément
souscrite par la partie contre laquelle elle est invoquée. Par ailleurs,
l'exigence d'épuiser les recours internes, commune aux deux types de
communications participe à rendre compte du fait que la Commission
constitue bien un organe ultime de recours ou de dernier recours.
2 - Selon le nouveau système africain de
protection des droits de l'homme.
Le nouveau système mis en place par le protocole
additionnel de 1998 instituant la Cour africaine des droits de l'homme tend
à relativiser le caractère ultime du recours devant la
Commission. Dans l'avènement de la Cour africaine, le caractère
ultime du recours devant la Commission semble être mis en bémol.
Le rôle de la Commission risque s'inscrire dans une logique de
dépendance et de subordination à la Cour africaine dont elle est
l'antichambre en matière de recevabilité. Dans la nouvelle
configuration du système il est difficile de savoir si la
décision de la recevabilité, prise au niveau de la Commission lie
la Cour africaine. En d'autres mots dans le cadre de la saisine directe la Cour
peut elle examiner une communication alors que la Commission l'a
déclarée irrecevable ? En l'état actuel du droit positif
cette question semble être sans réponse. Néanmoins
l'extension des compétences de la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples à l'application d'autres instruments internationaux de
protection des droits humains137 suggère de répondre
par l'affirmative. Tel est le cas lorsque l'irrecevabilité
136La Communication 227/99, R. D. Congo / Burundi,
Rwanda et Ouganda est à cette date l'unique communication
examinée par la Commission. Introduite au Secrétariat de la
Commission le 8 mars 1999 elle à été examine à la
33eme session en mai 2003.
137En effet, l'article 3 du Protocole de
Ouagadougou dispose: « La Cour a compétence pour
connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont
elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la
Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent
relatif aux droits de l'homme et ratifié par les États
concernés ». L'article 7 stipule que : « la Cour
applique les dispositions de la Charte ainsi que tout autre instrument
pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par l'État
concerné ». Ces dispositions sont reprise par l'article 26
§ 1 du Règlement intérieur intérimaire de la Cour
africaine.
devant la Commission est fondée sur
l'incompétence de l'organe à statuer sur les différends
relatifs à des textes autres que la Charte. De même L'article 6
§ 1 du Protocole dispose que : « la Cour, avant de statuer sur la
recevabilité d'une requête introduite en application de l'article
5 § 3 du présent Protocole, peut solliciter l'avis de la Commission
qui doit le donner dans les meilleurs délais ». Cette
disposition semble indiquer que la Commission ne serait plus un organe de
denier recours.
Il importe de préciser que les rapports entre la Cour
et la Commission africaine sont plus des rapports de
complémentarité que des rapports de compétition. Au regard
de cet attelage, il apparaît évident que la primauté de la
Cour sur la Commission est avérée. En effet sans,
nécessairement reprendre la forme, le système africain de
protection des droits de l'homme est catalogué sur le modèle
européen lequel trahit la prééminence de la Cour, nature
juridictionnelle oblige. La fusion prochaine de la Cour de justice africaine
d'avec la Cour africaine des droits de l'homme traduit à suffisance
cette option. Il n'ya qu'a constater que la Commission est conservée
dans la Section droits de l'homme de la future Cour africaine de justice et des
droits de l'homme (CAJDH).
A travers le principe de l'épuisement des recours
internes la Commission n'a pas seulement admis la subsidiarité des
recours internationaux, elle a aussi reconnu les difficultés relatives
à ce type de procédures.
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