SECTION II- UNE PRISE EN COMPTE DES CONTRAINTES
DU RÈGLEMENT INTERNATIONAL
La Commission a pris en considération les
difficultés liées à la mise en oeuvre des recours
internationaux. Elle a admis qu': « En outre, les recours internes
sont normalement plus rapides, moins onéreux et plus efficaces que les
recours internationaux. Ils peuvent être plus efficaces au sens qu'un
tribunal d'appel peut casser la décision d'un tribunal inférieur
alors que la décision d'un organe international n'a pas cet effet, bien
qu'elle engage la responsabilité internationale
de l'Etat concerné. »138
Ceux-ci justifient la subsidiarité du règlement international et
peuvent être appréciées sous deux angles. Il y a d'une part
les nécessités qu'impose le travail de la Commission.
(Paragraphe I) D'autre part, il y'a les réalités peu
attrayantes auxquelles donne lieu le recours au règlement
international (Paragraphe II).
Paragraphe I : Le souci du filtrage et de la diligence dans
le traitement des communications
La règle de l'épuisement des recours locaux a
entre autre fonction d'assurer un certain filtrage des communications
(A) et de permettre la célérité dans le
traitement de ces communications (B).
A - Le filtrage des communications
Certes, les sept conditions de recevabilité servent
toutes d'une certaine manière à filtrer les requêtes devant
la Commission. Cependant, l'épuisement des recours locaux est la
condition qui assure le mieux cette fonction. En effet si toutes les autres
à l'exception de l'article 56(6) peuvent être remplies dès
lors qu'il y a violation des droits de la Charte, la condition 56(5) exige
nécessairement un certain temps. Cela évite le rôle de la
Commission d'être engorgée (2) dans un contexte
où les violations sont plurielles (1).
1 - La réalité des violations plurielles et
multiformes
L'Afrique continue de s'illustrer par l'autoritarisme de ses
dirigeants politiques. La conception et la gestion du pouvoir par les leaders
politiques africains tire plus dans l'autoritarisme que dans la
démocratie. Cette situation se traduit par des politiques
répressives extrêmes à la suite de chaque contestation des
régimes au pouvoir. Au nom de la construction nationale, il s'est
développé en Afrique une véritable culture de
l'impunité des violations des droits de l'homme par l'Etat et ses
agents. Dans le passé, et notamment cette dernière
décennie, les situations de crise qui ont frappé nombre d'Etats
africains font état de multiples violations des droits de l'homme. A
titre d'exemple, dans la seule année de 2008 à 2009, l'Afrique a
été secouée par des crises aux répressions
politiques très critiquées. Il est notable de citer la
138Com 299/2005 Anuak Justice Council /
Ethiopie
répression des émeutes de la vie chère
qui ont eu lieu au Cameroun en février 2008, la répression des
contestations électorale au Togo et au Zimbabwe, les assassinats
politiques en Guinée Bissau et la récente répression de la
junte militaire en Guinée Conakry (28 septembre 2009).
Il ne s'agit là que de violations intéressant
l'opinion internationale, parce que rendues visibles par l'activité des
mass médias. D'autres violations multiformes prolifèrent. Elles
touchent des individus isolés, des groupes minoritaires dans leurs
droits les plus absolus tel que la vie, l'intégrité physique, la
propriété.139
Cette multitude de violations quotidiennes de la Charte,
permet d'entrevoir ce que pourrait être le rôle de la Commission,
si la règle de l'épuisement des voies de recours, n'assurait pas
son rôle de filtre. Il est clair qu'il y aurait risque d'engorgement.
2 - Le risque d'engorgement de la Commission
A l'idée que les multiples violations
précédemment évoquées parviennent devant la
Commission, celle-ci se trouverait inévitablement
débordée. Le principe subsidiaire, que garantie la règle
de l'épuisement des voies de recours, sert à éviter une
telle situation. En réalité, il évite que des
requêtes fantaisistes et manifestement mal fondées n'arrivent au
rôle de la Commission et encombre celui-ci. Il canalise les demandes en
justice vers les juridictions internes, plus nombreuses et diverses. Organe
unique pour tout un continent, la Commission ne peut prendre en charge à
elle toute seule, autant de demande en justice. Seules les requêtes
pertinentes qui n'ont pas de réponse en droit interne sont retenues par
la Commission. L'engorgement du rôle de la commission compromettrait
considérablement son mandat de protection puisqu'il conduira à
différer le rendu d'une justice dont la diligence est déjà
querellée.
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