Paragraphe II- L'acceptation du caractère ultime des
recours internationaux.
En reconnaissant que, la règle de l'épuisement
des recours interne « évite (également)
à la Commission de jouer le rôle d'un tribunal de
première instance mais plutôt celui d'un organe de dernier
recours »128, la Commission a accepté le principe
du caractère ultime des recours internationaux
généralement admis en droit international. Cette acceptation
s'est traduite par un refus de la Commission à jouer les
premières instances (2), refus motivé par les
considérations de droit international selon lesquelles la justice
internationale est une justice extrême (1).
A - La justice internationale : une justice
extrême
Il est constamment rappeler dans la jurisprudence de la
Commission que : « Dans la mesure du possible, un tribunal
international, y compris la présente Commission, ne devrait pas jouer le
rôle d'une première instance, rôle qu'il ne saurait
s'arroger en aucune circonstance. L'accès à un organe
international devrait être disponible mais seulement en dernier ressort :
après épuisement et échec des recours internes
».129 Dire que la juridiction internationale est une
justice extrême, c'est reconnaître qu'elle ne peut aucunement
constituer un premier degré de juridiction puisqu'il n'existe pas une
hiérarchie formelle des tribunaux dans l'ordre international
(1). Toutefois, il y-a lieu de signaler que ce principe
connaît un certain nombre de tempéraments
(2).
1 - L'absence de soumission à une juridiction
suprême.
Contrairement à l'ordre interne, les justiciables de
l'ordre international choisissent la juridiction qui tranchera leur litige. Il
n'existe pas de règle générale les soumettant à un
ordonnancement judiciaire précis. L'ordre international a entre autres
caractéristiques
128Com 147/95 et 149/96 Sir Dawda K. Jawara c
.Gambie, §31. 129 Com 299/2005 Anuak Justice Council /
Éthiopie
fondamentales l'absence d'un aménagement judiciaire
comparativement à l'ordre interne. Le Professeur Rafa'a Ben Achour
écrit : « il n'existe pas de système de juridiction
hiérarchisé avec au sommet une juridiction suprême ayant
pour rôle la vérification et l'harmonisation de la
jurisprudence ». 130
Dans l'ordre interne, les tribunaux s'insèrent dans un
ordonnancement hiérarchisé qui traduit la procédure devant
les juridictions nationales. Ainsi les justiciables sont obligés de
saisir les juridictions inférieures avant de prétendre aux
l'instance supérieures. Pour preuve, la saisine des juridictions
supérieures est conditionnée par la saisine préalable des
juridictions inférieures.
Il en va autrement dans l'ordre international. A l'image de
l'ordre international, « la justice est en effet
décentralisée, éclatée et les différentes
juridictions qui existent ne sont pas soumises à une autorité
juridictionnelle suprême »131. C'est à cet
égard qu'il a été affirmé « que la justice
internationale n'existe pas, il n'y a que des juridictions internationales
».132Elle n'existe pas car sa saisine demeure très
largement fermée aux autres sujets de droit international et, largement
soumise à la discrétion des États. Il y a tout de
même quelques tempéraments au morcellement de la justice
internationale.
2 - Les tempéraments au morcellement de la justice
internationale
Il existe en effet des juridictions dont les décisions
sont susceptibles d'appel devant une autre juridiction internationale. Cette
tendance peut se voir dans trois hypothèses.
D'abord, une partie au litige peut sous certaines conditions
contester devant la CIJ la validité d'une sentence arbitrale. C'est ce
qui ressort de l'affaire de la sentence arbitrale rendue par le Roi d'Espagne
le 23 décembre 1906133 . Ensuite, la CIJ est juge d'appel des
décisions du Conseil de l'Organisation de l'Aviation Civile
Internationale (OACI) et ce au terme de l'article 84 de la convention relative
à l'aviation civile internationale du 17 décembre 1944
134Chicago. Enfin, la CIJ peut être saisi pour avis sur la
validité des décisions rendues par le Tribunal Administratif des
Nation Unies.
130Rafa'a Ben Achour, « Quel rôle pour la
justice internationale ? », Colloque de Tunis 13, 14 et 15 Avril 2000
Justice et juridictions internationales (dir) Rafa'a Ben Achour et
Slim Loghmani, Paris, Pédone 2000, p.17. 131Ibid, p.17.
132Cavare (L), cité par Rafa'a Ben Achour
Ibid., p.17.
133Voir aussi l'arrêt du 18 novembre 1960, CIJ,
recueil 1960, sentence arbitrale du 31 juillet 1989 Guinée Bissau
contre Sénégal. Arrêt du 12 novembre 1991 CIJ recueil
1991.
134Cf. Appel concernant la compétence du
Conseil de l'OACI, Arrêt du 18 Août 1972 CIJ, recueil 1972
Il y a lieu de préciser néanmoins que la CIJ est
une institution comme les autres, elle n'est « au terme de l'article
92 de la charte des Nations Unies, que l'organe judiciaire « principale
» (et non suprême) de l'ONU et non de la Société
internationale ». Elle ne constitue donc pas d'office une juridiction
d'appel ou de cassation à l'égard des autres tribunaux
internationaux. Ce tempérament constitue donc un phénomène
assez exceptionnel. L'indépendance des différentes juridictions
existantes les unes par rapport aux autres est bien caractéristique de
l'ordre juridique international. Un ordre dominé par le consensualisme
et le volontarisme. Cependant de ce que les juridictions internationales sont
indépendantes, peut on conclure que la Commission est un organe
suprême ?
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