SECTION 2- LA CONCLUSION DE L'ACTE DE CESSION
La cession d'un cabinet peut se faire par la cession des droits
sociaux ou par la cession des éléments d'actif du cabinet.
La cession des droits sociaux veut dire transfert de
propriété des éléments d'actif y compris le
portefeuille client du cabinet ainsi que le passif et l'éventuel risque
fiscal et social. La cession des éléments d'actif consiste au
transfert des immobilisations ainsi qu'au portefeuille client du cabinet.
Les deux modes de cession nécessitent la
rédaction de contrats qui formalisent les droits et les obligations des
parties. Outre les stipulations habituelles à un contrat de vente,
l'accord intègre en général des stipulations ou des
conventions cherchant à garantir les droits de chaque partie. Le contenu
de cet accord et la portée de ces stipulations constituent la
problématique de la présente section.
Dans cette section nous allons étudier dans un premier
paragraphe les modalités de rédaction de l'acte de cession et
dans un deuxième paragraphe la forme de l'acte de cession.
§ 1- LES CLAUSES DE L'ACTE DE CESSION
S'agissant d'une vente, la cession de droits sociaux ou la
cession des éléments d'actif d'un cabinet d'expertise comptable
doit être régie par les dispositions de article 564 et suivants du
code des obligations et des contrats.
Aux termes de l'article 580 du code des obligations et des
contrats « la vente est parfaite entre les parties, dès qu'il y a
consentement entre les contractants, l'un pour vendre et l'autre pour acheter,
et qu'ils sont d'accord sur la chose, sur le prix et sur les autres clauses du
contrat. »
D'après les termes de cet article, les principales
stipulations du contrat de vente consistent essentiellement dans l'objet et le
prix de la vente.
D'autres clauses vont naître à partir de la
négociation entre les parties. Pour une opération de
reprise84, certains éléments de négociation
sont à traiter, tels que :
1. Le choix de la date de transmission : les deux parties
doivent choisir la date favorable pour effectuer la transmission du cabinet.
Pour les cabinets d'expertise comptable, la date de fin d'année n'est
pas une date favorable puisque elle pose des
84 Didier Chigot, CD de formation, Réussissez
votre cabinet d'expertise comptable. Module I : « reprendre un cabinet
».
119
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
problèmes au niveau de l'inventaire des travaux en
cours ou des produits constatés d'avance et de disponibilité du
personnel. Deux périodes peuvent être favorables : soit la
période de fin du mois de juin (après la clôture annuelle
des missions de commissariat aux comptes et d'expertise comptable) soit la
période du début du mois de septembre (c'est-à-dire
après les vacances).
2. La détermination de la valeur des travaux en cours
et des produits constatés d'avance : ils représentent un
pourcentage important par rapport au chiffre d'affaires, c'est un point
à ne pas négliger, les deux parties doivent se mettre en accord
sur les points suivants :
o la méthode de l'inventaire.
o les états d'avancement des travaux.
o l'inventaire du jour de la cession.
3. La garantie de clientèle ou du chiffre d'affaires :
pour la définition de la garantie de clientèle, le cédant
garanti que certains clients vont rester pendant une certaine période,
et pour la garantie de chiffre d'affaires, le cédant garanti un chiffre
d'affaires minimum pour une période déterminée. Il sera
ainsi convenu d'un commun accord entre le repreneur et le cédant que le
prix de cession ne sera pas versé complètement lors de la
cession, ce qui constitue la garantie de clientèle ou du chiffre
d'affaires.
4. Un crédit vendeur : des facilités de paiement
peuvent être accordées par le cédant soit par des traites
soit par une caution bancaire.
5. L'assistance du cédant : celle-ci doit être
convenue et indiquée dans l'acte de cession pour une période
déterminée. Le cédant doit assister aux premiers contacts
et entretiens avec le personnel et avec la clientèle.
Nous allons présenter à l'annexe 7 de ce
mémoire un modèle de contrat de cession de droits sociaux ou de
cabinet d'expertise comptable. Ce modèle permet de présenter la
manière de rédaction du contrat en se conformant à la
déontologie de la profession, notamment en ce qui concerne le respect de
la liberté de choix du client. Ce modèle tente également
d'organiser l'entrée du successeur dans le cabinet en prévoyant
la cession du matériel professionnel.
120
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
1. Les clauses habituelles de l'acte de
cession
Le modèle du contrat de cession du cabinet comporte les
parties suivantes :
· Identification des parties
· Objet de la cession
· Origine de la propriété du cabinet
· Propriété et jouissance
· Charges et conditions
· Clause de non concurrence
· Le prix
· Déclarations des parties
· L'obligation de présentation
· Clause compromissoire
· Liste des annexes
1.1. Identification des parties
Il s'agit de l'indentification des parties, repreneur et
cédant. Dans le cas où un cocontractant est une personne
physique, il est identifié par le numéro de sa carte
d'identité nationale. Quand il s'agit d'une personne morale de droit
tunisien, il y a lieu de se référer à son numéro au
registre de commerce et à son matricule fiscal.
Quand l'une des parties a mandaté une personne pour la
représenter dans ce contrat, l'autre partie doit s'assurer de la
validité du mandat et doit veiller à ce que l'identité du
mandataire et les références du mandat soient portées dans
le contrat.
En cas de cession de droits sociaux ayant soumis à
l'agrément de la société, il faut indiquer la
référence du conseil d'administration ou de l'assemblée
générale qui a autorisé cette cession.
1.2. L'objet de la cession
Il s'agit de l'identification détaillée des droits
objet de la transmission d'un cabinet d'expertise comptable.
En cas de cession de titres sociaux, les parties doivent
mentionner dans le contrat de cession, l'identification de la
société émettrice, la nature des titres à
transmettre, leur nombre et la personne qui les possède
(cédant).
121
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
En cas de cession d'éléments d'actifs du cabinet,
le contrat doit comprendre une identification des éléments
à céder, tels que :
o Une liste détaillée du portefeuille client
cédé,
o Une liste détaillée des mobiliers,
matériels et installations transmis,
o Si le cédant est également propriétaire
des murs, il faut un engagement pour le bail des locaux du cabinet.
Le contrat peut comprendre une réserve pour l'exclusion
de certains éléments
d'actifs de la cession du cabinet. Notamment en cas de cession
partielle du cabinet.
1.3. Origine de la propriété du
cabinet
Il s'agit d'une déclaration du cédant en
indiquant l'origine des droits sociaux ou du cabinet à céder. Le
cédant déclare que les droits sont acquis, créés
par lui, reçus par donation ou succession ou apportés à
une société (ceci dans le cas où le cédant est une
personne morale).
1.4. Propriété et jouissance
Les parties de la cession du cabinet indiquent la date de la
transmission de la propriété et la date de la transmission du
pouvoir et de la jouissance du cabinet. La clause suivante peut être
insérée dans le contrat « Le cessionnaire sera
propriétaire du cabinet ou des droits sociaux présentement vendu
à compter de (ce jour ou autre), et en aura la jouissance à
compter dudit jour ».
1.5. Charges et conditions
Lors de la négociation portant sur la cession, les
parties prennent certains engagements. Il est important d'insérer ces
charges et ces obligations dans l'acte de cession.
Pour l'acquéreur, il est tenu de :
o Prendre le cabinet avec le matériel et les
équipements qui se trouvent actuellement dans le cabinet, sans aucune
indemnité de changement de prix. Une clause de révision du prix
de la clientèle peut être cependant insérée dans le
contrat.
o Supporter tous les frais et les droits d'enregistrement
relatifs à l'acquisition.
122
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
o Prendre en compte les commandes et les marchés en
cours conclus par le cédant. Une liste de ces commandes et
marchés en cours sera annexée au contrat.
o Prendre en compte le personnel attaché au cabinet. Une
liste du personnel rattaché au cabinet sera annexée au contrat
Pour le cédant, il déclare :
o Avoir satisfait les obligations réglementaires,
administratives et
professionnelles nécessaires à l'activité
du cabinet.
o Avoir obtenu l'accord des co-contractants tels que les
contrats de crédit bail, licence d'exploitation et la garantie des
actifs.
o Que rien ne s'oppose à la cession des actifs
cédés du cabinet et que ces actifs sont à la
propriété du cabinet.
Ces clauses peuvent être insérées au contrat
en cas de cession des éléments d'actifs du cabinet ou en cas de
cession des droits sociaux.
1.6. Clause de non-concurrence ou de
non-rétablissement
Il est fréquent que le professionnel qui se retire
s'engage à ne pas exercer la profession dans un périmètre
géographique déterminé et pendant une période
limitée. Cette clause de non-concurrence (ou de
non-rétablissement) permet de garantir la réalité de la
rupture des liens qui existaient précédemment entre le
professionnel et ses clients85.
Par cet engagement, le repreneur essaye de se couvrir contre
le risque de rétablissement de l'expert-comptable cédant. Il
s'agit du risque de concurrencer le cabinet et réaliser des missions,
pour son propre compte ou pour le compte d'un autre expert-comptable, avec un
ancien client.
Dans le cas où le cédant expert-comptable
arrête son activité, cette clause de non-concurrence n'a pas un
grand effet. Le départ de certains collaborateurs peut cependant
entraîner une importante évasion de clientèle. Si une
clause de non concurrence existe dans le contrat de travail et qu'elle est
contre signée par le salarié, elle lui est opposable lors de la
transmission.
85 Francis Lefebvre, Mémento pratique : Les
Professions Libérales 2005 - 2006, édition Francis Lefebvre 2004,
page 103.
123
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
Cette obligation doit être expressément
prévue dans la convention, elle ne se présume pas86.
La clause à insérer dans le contrat peut être
formulée de la manière suivante « M. ......
cédant, s'interdit à compter de ce jour, pendant une durée
de ...... , de tenir, créer, collaborer ou s'intéresser
directement ou indirectement par l'intermédiaire de tout groupement,
société, entreprise, ou membre de son groupe familial, à
un autre cabinet d'expert-comptable, et ce dans un rayon de ... km dudit
cabinet sous peine de dommages et intérêts envers M. ..........
cessionnaire. Le cédant s'oblige à faire respecter cette
obligation de non-concurrence à tout successeur ou ayant droit total ou
partiel. »
Cependant, selon la jurisprudence française, pour que
la clause de non- concurrence soit valide, il faut qu'elle soit limitée
dans le temps et / ou dans l'espace. Il ne faut pas aussi qu'elle soit
disproportionnée avec l'objet du contrat. Et enfin, il ne faut pas
qu'elle interdise au vendeur l'exercice de toute activité
professionnelle87.
Toutefois, la contrepartie de l'insertion de cet engagement
pris par le vendeur se matérialise par le paiement par le cessionnaire
d'une indemnité de non-rétablissement, l'insertion de telle
clause suppose également l'obligation par le cédant :
o de présenter le repreneur aux clients avant de quitter
le cabinet,
o d'assister ce dernier efficacement auprès de la
clientèle pendant une période déterminée ; et
o en plus de renoncer à tout acte de concurrence.
En cas de cession partielle du cabinet, une autre clause de
non-concurrence sera insérée en faveur du cédant.
La partie envers laquelle l'engagement de non-concurrence n'a
pas été respecté a le choix entre forcer l'autre partie
à l'exécution de la convention ou d'en demander la
résolution avec dommages et intérêts88.
L'insertion de clause de non-concurrence dans le contrat peut
ainsi être utile en
cas de cession de droits sociaux ou en cas de cession
d'éléments d'actif du cabinet.
1.7. Le prix
Les parties de la cession du cabinet devront ensuite convenir
d'un prix de la cession. Ce prix correspond à la valeur du droit de
présentation de la clientèle, du
86 Groupe Revue Fiduciaire, les professions
libérales (janvier 2004), édition groupe revue fiduciaire, page
702.
87 J PAILLUSSEAU, JJ CAUSSIN, HLAZARSKI et P
PEYRAMAURE : Cession d'entreprise -éd DALLOZ 1999- page 294
88 Groupe Revue Fiduciaire, les professions
libérales (janvier 2004), édition groupe revue fiduciaire, page
702.
124
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
matériel et équipements ainsi que des
engagements du cédant après la cession, tel que l'engagement de
non concurrence. Il peut être ainsi indexé ou faire
référence dans le contrat à une formule dans la mesure
où cela ne laisse aucune ambigüité dans la
détermination du prix et, le cas échéant,
révisable.
D'après l'article 579 du code des obligations et des
contrats, « le prix de la vente doit être déterminé.
On ne peut en rapporter la détermination à un tiers ni acheter au
prix payé par un tiers, à moins que le prix ne soit connu des
contractants.... »89.
Lorsque le prix de cession est fixé dans le contrat
d'une manière absolue, il ne peut y avoir de problème. Dans le
cas contraire, des problèmes peuvent survenir rendant la vente nulle.
Les modalités de paiement
Le paiement du prix peut être au comptant comme il peut
être à crédit. L'option à l'une ou à l'autre
modalité dépend de la volonté des parties et du pouvoir de
négociation de chacune.
« Un paiement total à la signature de l'accord
est plutôt rare en pratique »90. Le paiement
intégral du prix de cession peut cependant être prévu dans
les cas rares de décès, d'incapacité, radiation de
l'expert-comptable... dans ces cas le prix de cession n'est pas
généralement cher par rapport au prix réel du cabinet.
Le montant du premier paiement est fonction du pouvoir de
négociation des parties, mais il oscille habituellement entre 33 % et 50
% du prix de vente total prévu, avec la réserve suivante : plus
le prix de cession est élevé, moins le montant versé
à sa signature est important.91
1.8. Les déclarations des parties
Il s'agit de deux nature de déclaration, tels que la
garantie de la situation financière et juridique du cabinet. La garantie
de la situation financière consiste à confirmer les informations
comptables relatives au cabinet suite au diagnostic. Pour la
89 Abdallah EL AHMADI ; Droit Civil- contrats
spéciaux : La vente, édition EL WAFA 1997 page 159. En commentant
ces dispositions, la cour de cassation dans un arrêt numéro 7009
en date du 10 mai 1983 a considéré que le contrat ne comportant
pas un prix déterminé et précis n'est pas établi
conformément aux dispositions de l'article 579 des codes des obligations
et des contrats et le rend nul et que le prix doit être
déterminé dans le contrat ou du moins déterminable.
90 Ordre des experts-comptables de France /
commission transmission, la transmission de cabinets d'expertise comptable
(septembre 2006), page 70.
91 Ordre des experts-comptables de France / commission
transmission, la transmission de cabinets d'expertise comptable (septembre
2006), page 70.
125
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
garantie de la situation juridique, elle concerne la
régularité du cabinet vis-à-vis du droit
commun et les textes de la règlementation de la
profession d'expertise comptable. 1.8.1. La garantie des informations
financières
Après avoir diagnostiqué le cabinet (dernier
portefeuille client, l'organisation du cabinet, les ressources humaines du
cabinet ...), tel que présenté par le cédant,
l'acquéreur essayera de se protéger contre le risque de
dégradation de la situation du cabinet au cours de la période
comprise entre la date de ce diagnostic et la date effective de cession.
Pour échapper à ce risque, il a le choix, suivant
les circonstances de l'opération, entre deux solutions92 :
Dans un premier cas l'acquéreur peut se contenter de
la dernière situation diagnostiquée qui constituera la situation
de référence et qui sera annexée au contrat de cession.
Les parties ont recours à cette solution surtout quand la date du
diagnostic est proche de la date de cession. L'acquéreur exigera alors
que certaines affirmations du cédant soient insérées dans
le contrat telles que :
- le cédant a géré le cabinet depuis la
date du dernier diagnostic comme un bon père
de famille et qu'il a gardé les mêmes règles
de gestion,
- la situation nette de la société ne s'est pas
dégradée par rapport à la situation de
référence et n'a pas subi de perte
substantielle,
- la clientèle n'a pas subi une perte par rapport
à celle diagnostiquée,
- certains contrats, notamment ceux des clients et du personnel,
n'ont pas été
modifiés au détriment des intérêts de
la société,
- l'organisation du cabinet et le système d'information
n'ont pas été changé vers une
situation moins organisée,
- certains actifs ou certains biens (à
énumérer) n'ont pas été cédés et la
société
dispose toujours de leur maîtrise et ils n'ont pas
été hypothéqués ou nantis,
- toutes les déclarations fiscales et sociales ont
été déposées dans les délais,
- ...etc.
L'acquéreur peut aussi exiger que le portefeuille
client soit diagnostiqué encore une fois pour examiner les
opérations réalisées entre la date de diagnostic de
référence et la date de cession.
92 Moncef Sellami, Mémoire d'expertise
comptable : Acquisition d'un bloc de contrôle : rôle de
l'expertcomptable et implications juridiques, comptables et fiscales (novembre
2003) page 104.
126
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
Dans la deuxième solution, les parties signent le
contrat de cession contenant une clause par laquelle elles conviennent qu'une
situation arrêtée à la date de cession sera établie
en commun accord. La situation du cabinet (clientèle, organisation,
ressources humaines ...) ainsi établie sera paraphée par les
parties et annexée à un document faisant référence
au contrat de cession.
Le contrat de cession est donc établi sous condition
résolutoire, il risque de s'annuler si l'une des parties n'a pas
donné son accord sur cette situation.
1.8.2. La garantie des informations
juridiques
Le vendeur déclare et garantit :
- que le cabinet a été régulièrement
constitué et qu'il a fonctionné depuis sa création
jusqu'à la date de cession conformément aux lois
en vigueur et notamment la loi de réglementation de la profession des
experts-comptables93,
- que les statuts du cabinet sont conformes à ceux
communiqués au cessionnaire,
- que les titres sont librement cessibles et ne sont
frappés d'aucun privilège,
nantissement, gage qui pourraient avoir des répercussions
sur le transfert de propriété,
- que les documents comptables, notamment ceux relatifs à
la période non prescrite
fiscalement, sont conformes aux exigences comptables,
- que toutes les provisions pour risque ou pour
dépréciation nécessaires ont été
constatées,
- que la société n'est pas en état de
cessation de paiement ou de redressement
judiciaire,
- que le cabinet n'est pas en état de contrôle
fiscal et qu'il n'a aucun contentieux
fiscal en cours,
- que le cabinet n'a pas fait l'objet de sanctions
disciplinaires dans les cinq ans
précédent la cession,
- ...etc.
De son coté l'acquéreur déclare :
- qu'il est inscrit au tableau de l'OECT,
- qu'il n'a jamais été en état de
liquidation judiciaire, faillite, redressement judiciaire
ou cessation de paiement.
93 La loi 88-108 du 18 août 1988, portant
refonte de la législation relative à la profession
d'expert-comptable.
127
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
1.9. L'obligation de présentation
Cette clause du contrat oblige le cédant à
présenter le successeur aux différents partenaires du cabinet
dont notamment les fournisseurs, les clients et les autres partenaires. Le
cédant s'oblige également à mettre l'acquéreur au
courant de toutes les affaires du cabinet et de remettre tous les documents
concernant la clientèle.
La clause suivante peut être insérée dans
le contrat « Le cédant prend l'engagement de mettre le
cessionnaire au courant de toutes ses affaires et de le présenter
à sa clientèle et à ses fournisseurs pendant une
période de .......... à compter de l'entrée en jouissance
du cessionnaire. Le premier s'engage expressément à fournir au
deuxième tous renseignements utiles et notamment à lui remettre
l'intégralité des dossiers et documents concernant les clients
présentés ».
Par ailleurs, la mise en oeuvre de cette présentation est
informelle, elle relève de la volonté des parties et des usages
professionnels.
Elle se traduit le plus souvent par l'accomplissement des
prestations suivantes94 :
- la remise par l'expert-comptable cédant à son
successeur du fichier clients et des dossiers relatifs à ces clients
;
- l'envoi par l'expert-comptable cédant d'une
lettre-circulaire par laquelle il
l'informe le client qu'il se retire et présente son
successeur en incitant cette
clientèle à reporter sur celui-ci la confiance
qu'elle lui témoignait ; - la présentation personnelle du
successeur aux différents clients.
1.10 Les clauses compromissoires
Il est important que les parties fixent dans l'accord les
modalités de résolutions des litiges qui peuvent survenir
après la cession. Cette clause porte donc sur les tribunaux
compétents et / ou sur les modalités de nomination d'un
arbitre.
2. Les stipulations particulières pour la
protection des parties
Dans ce paragraphe nous distinguons entre les garanties de droit
et les garanties contractuelles prévues dans le contrat.
2.1. Les garanties de droit
Généralement, les parties font recours aux
garanties de droit dans le cas où la situation réelle du cabinet
n'est pas conforme à la situation conventionnelle.
94 Groupe Revue Fiduciaire, les professions
libérales (janvier 2004), édition groupe revue fiduciaire, page
701.
128
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
2.1.1. Les vices de consentement
Les vices de consentement servent à effectuer un
contrôle procédural du contrat de cession du cabinet contre
l'erreur, le dol et la violence, c'est-à-dire que l'accent est mis sur
la manière dont est formé le contrat et non sur l'objet du
contrat lui-même. Est annulable le consentement :
· donné par erreur : dans le
cadre de l'acquisition de cabinet d'expertise comptable, il est difficile
à notre avis de se tromper sur l'identité ou l'espèce du
cabinet. En revanche, il est tout à fait possible de se tromper sur la
qualité qui a été la cause déterminante pour
contracter. Ainsi l'article 45 du code des obligations et des contrats dispose
que « L'erreur de fait peut donner droit à la rescision lorsqu'elle
tombe sur l'identité ou sur l'espèce, ou bien sur la
qualité de l'objet qui a été la cause déterminante
du consentement. »,
· surpris par dol : aux termes de
l'article 56 du code des obligations et des contrats « Le dol donne
ouverture à la rescision lorsque les manoeuvres ou les réticences
de l'une des parties, de celui qui la présente ou est de
complicité avec elle, sont de telle nature que sans ces manoeuvres ou
ces réticences, l'autre partie n'aurait pas contracté. Le dol
pratiqué par un tiers a le même effet lorsque la partie qui en
profite en avait connaissance». Pour qu'il y ait dol, il est
nécessaire d'avoir à la fois un élément
matériel et un élément intentionnel. Le premier est
constitué par les manoeuvres ou les réticences, alors que le
deuxième implique la mauvaise foi du contractant.95
Il a été ainsi considéré comme dol
par la jurisprudence française96, la déclaration faite
par le cédant dans l'acte selon laquelle le fonds de commerce
n'étant grevé d'aucune inscription de privilège alors
qu'il était nanti en garantie d'un prêt ; il en est de même
pour la non comptabilisation volontaire de certaines factures de fournisseurs
afin d'augmenter les capitaux propres ou encore le fait de cacher l'existence
de risques fiscaux dus à des infractions à la loi fiscale
commises par le cédant., ou
95 Mohamed EZZINE : la théorie
générale des obligations- le contrat, édition ELWAFA 1993
page 135.
96 J PAILLUSSEAU, JJ CAUSSIN, H LAZARSKI et P
PEYRAMAURE : Cession d'entreprise -éd DALLOZ 1999- page 297.
129
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
· extorqué par violence : La
violence est sans doute une cause d'annulation du
contrat, mais elle ne pourra être soulevée que
rarement dans le cadre d'une cession de cabinet d'expertise comptable.
2.1.2. La garantie des vices cachés
Cette garantie a pour origine les dispositions de l'article
647 et suivants du code des obligations et des contrats. Selon cet article
« le vendeur garantit les vices de la chose qui en diminuent sensiblement
la valeur, ou la rendent impropre à l'usage auquel elle est
destinée d'après sa nature ou d'après le contrat. Les
défauts qui diminuent légèrement la valeur ou la
jouissance et ceux tolérés par l'usage ne donnent pas ouverture
à la garantie.
Le vendeur garantit également l'existence des
qualités déclarées par lui, ou qui ont été
stipulées par l'acheteur. ». Ainsi le fait de cacher le
défaut que l'acheteur ne peut pas déceler, compte tenu de la
nature de la chose vendue, et dont ce dernier n'a pas eu connaissance au moment
de la vente est considéré comme vice qui annule le contrat.
2.1.3. La garantie d'éviction
Comme tout vendeur, le cédant est tenu de garantir le
cessionnaire contre toute éviction. En conséquence, il est tenu
de mettre le bénéficiaire de la cession en mesure de jouir
paisiblement de la clientèle qui lui a été
cédée97.
La garantie d'éviction est définie par l'article
630 du code des obligations et des contrats, comme la garantie de la jouissance
et la possession paisible de la chose vendue. Aux termes de l'article 631 du
code des obligations et des contrats, « l'obligation de garantie emporte
pour le vendeur celle de s'abstenir de tout acte ou réclamation qui
tendrait à inquiéter l'acheteur ou le priver des avantages sur
lesquels il avait droit de compter, d'après la destination de la chose
vendue, et l'état dans lequel elle se trouvait au moment de la
vente.»
D'après ces dispositions98, le vendeur d'un
cabinet d'expertise comptable garantit l'acheteur non seulement contre ses
faits mais aussi contre tout acte émanant d'une tierce personne,
justifié par un droit sur les titres ou sur le patrimoine du cabinet, et
de nature à empêcher l'acquéreur à exploiter, le
cabinet qu'il vient d'acquérir.
97 Francis Lefebvre, Mémento pratique : Les
Professions Libérales 2005 - 2006, édition Francis Lefebvre 2004,
page 103.
98 Moncef Sellami, Mémoire d'expertise
comptable : Acquisition d'un bloc de contrôle : rôle de
l'expertcomptable et implications juridiques, comptables et fiscales (novembre
2003) page 102.
130
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
2.1.4. La protection fondée sur le droit
pénal
L'acquéreur peut dans certains cas poursuivre le
vendeur sur le plan du droit pénal. En effet ceci est envisageable si le
vendeur lui présente un bilan annuel inexact ne donnant pas une image
fidèle de la situation du cabinet et du résultat de ses
opérations99. Ou encore lorsqu'il a présenté
une fausse situation comptable sur la base de laquelle la transaction a eu
lieu.
2.2. Les garanties contractuelles
Il est tout à fait légitime que
l'acquéreur cherche à se protéger moyennant des clauses
contractuelles telles que celle de la non-concurrence, de la garantie de
déclaration du vendeur, de la garantie de passif ou celle de la garantie
de paiement du prix. En effet, les garanties de droit peuvent paraître
insuffisantes pour l'acquéreur et ne couvrent pas efficacement les
risques inhérents à la transaction.
2.2.1. Clause de garantie du chiffre
d'affaires
Cette clause est différente des clauses de garantie de
la clientèle, et elle est difficile à
apprécier100. D'après la doctrine française, le
cessionnaire ne peut exiger du cédant la garantie que ses clients
continueront obligatoirement à avoir recours à
lui101.
La garantie du chiffre d'affaires sera limitée à
une année, « on peut considérer qu'au-delà d'une
année, c'est plutôt une responsabilité partagée qui
incombe au cédant et l'acquéreur »102. Le
repreneur peut demander que cette durée de garantie soit
supérieure s'il estime que le cabinet ou la clientèle est
très intuitu personae.
En contre partie, le cédant peut demander un engagement
du repreneur de respecter une certaine éthique en évitant par
exemple la surfacturation ou la facturation différée.
99 Article 146 et 223 du code des
sociétés commerciales
100 Installation, association, transmission des cabinets
d'expertise comptable (compte rendu de la journée d'information du
31/01/1990 organisée par Interfimo) page 56.
101 Groupe Revue Fiduciaire, les professions libérales
(janvier 2004), édition groupe revue fiduciaire, page 701.
102 Installation, association, transmission des cabinets
d'expertise comptable (compte rendu de la journée d'information du
31/01/1990 organisée par Interfimo) page 56.
131
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
2.2.2. La garantie de passif
La garantie de passif est le nom générique de cet
engagement pris par le vendeur, toutefois son champ d'application concerne
à la fois l'actif et le passif du cabinet.
Par cette garantie, le cédant s'engage à verser
à la société le montant de toute augmentation de passif et
de toute diminution d'actif qui s'est révélée après
la date de l'acquisition dont l'origine remonte à une période
antérieure à cette date.
Il est aussi fréquent de stipuler qu'il y aurait
compensation entre toute augmentation d'actif avec toute augmentation de passif
et entre toute diminution d'actif avec toute diminution de passif. Le
cédant vigilant doit limiter son engagement au versement de montant net
d'économie d'impôt qui sera réalisée par la
société du fait de l'augmentation de son passif ou de la
diminution de son actif.
A notre avis, il est tout à fait normal que le
cédant manifeste une certaine réticence à accorder une
telle garantie, ce qui peut faire échouer les négociations.
L'acquéreur a donc intérêt à tester dès le
départ l'attitude du cédant envers cette garantie.
Le risque à couvrir par cette garantie est
généralement celui de la révélation d'un passif
fiscal dû à des irrégularités commises par l'ancien
gestionnaire. Pour cette raison, la durée de la garantie est souvent
limitée à la durée nécessaire pour la prescription
fiscale. Mais en réalité, les risques sont divers et multiples
impliquant un temps considérable pour une rédaction minutieuse de
la garantie de passif.
Lors de la négociation de la garantie de passif, le
cédant essayera de limiter sa durée : « La durée
maximale qu'on a vu accepter a été de huit ans, et la moyenne se
situe aux alentours de quatre ans. »103.
Les parties peuvent fixer deux durées, une pour les
risques fiscaux et l'autre pour les autres risques. Quand la situation de
référence présente sur le plan fiscal des pertes
reportables ou des amortissements différés, l'acquéreur
devrait en tenir compte dans la fixation de la durée de garantie.
L'administration fiscale a en effet le droit, en cas d'imputation de ces pertes
ou de ces amortissements sur les bénéfices futurs, de remonter
jusqu'à l'année de leur constatation pour apprécier leur
validité.
Le cédant tentera aussi d'imposer un seuil à
partir duquel sa garantie peut être mise en jeu. En outre, la convention
de garantie peut stipuler une franchise de sorte que seuls les montants
dépassant un certain seuil seront versés à la
société.
103 Audes SERES : Garantie de passif: Mieux vaut prévenir
que guérir, Revue Option Finance n°359 (12 juin 1995). page 19
à 20.
132
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
2.2.3. La garantie du paiement du prix
Lorsque le prix est payé au comptant, il n'y aura pas
de problème. En revanche, lorsqu'une partie du prix est payée
à terme, ceci doit être formalisé par un contrat de
prêt entre les deux parties en plus par exemple d'une caution bancaire,
d'une traite avalisée, d'une hypothèque, d'un nantissement des
titres à son profit...etc.
La clause suivante peut être insérée dans
le contrat « le non-paiement des sommes restant pour un montant de
...dinars, entraînera au gré de Monsieur ... soit la suspension
des obligations restant à remplir, soit la résolution du contrat,
soit le recouvrement du prix ».
2.2.4. L'organisation des relations entre le cabinet et
le cédant après la cession
Le cédant peut souhaiter maintenir, après la
cession, une relation professionnelle avec le cabinet. Ceci peut se manifester
à travers l'octroi d'un emploi au cédant ou bien par sa
nomination en tant que consultant du cabinet. Ces possibilités changent
suivant la situation personnelle de l'acquéreur, qu'il s'agisse d'un
jeune expert-comptable ou d'un groupe qui cherche à s'étendre.
L'acquéreur est en général favorable
à ce type de convention car l'intervention du cédant peut
être efficace pour continuer le développement du cabinet, pour la
représentation et l'assistance de l'acquéreur avec les clients et
pour résoudre certains problèmes survenus après la
cession. Dans ce cas la représentation de la clientèle du cabinet
au repreneur est gratuite et comprise dans le prix de cession.
Il convient de préciser dans la convention la
durée pendant laquelle le cédant continuera à exercer sa
profession conjointement avec son successeur. Cette durée doit
être brève104 car l'exercice en commun doit uniquement
avoir pour but de faciliter le transfert de la clientèle105
.
Le cédant peut aussi bénéficier d'un
mandat social. Suivant l'accord conclu avec le repreneur, il peut être
nommé, selon le cas, gérant, administrateur, directeur
général, secrétaire général...etc.
104 Groupe Revue Fiduciaire, les professions libérales
(janvier 2004), édition groupe revue fiduciaire, page 701.
105 Francis Lefebvre, Mémento pratique : Les Professions
Libérales 2005 - 2006, édition Francis Lefebvre 2004, page
103.
133
TRANSMISSION DE CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE :
Particularités de l'évaluation et aspects
spécifiques
Cette pratique ne remet pas en cause le principe du transfert
des pouvoirs à l'acquéreur. Le cédant
bénéficiaire du mandat social va exercer en effet ses pouvoirs
dans le cadre des directives données par
l'acquéreur106. Ce processus de sortie du cédant doit
être négocié dés le début et formalisé
dans l'acte de cession.
|