§3. Les causes de la fraude fiscale(3)
Les causes de la fraude fiscale sont multiples et
extrêmement variées. Il serait hasardeux de se risquer à
les citer ou à déterminer laquelle des causes est la plus
pratiquée ou la plus déterminante.
Nous pouvons cependant citer pèle mêle et sans que
cela ne soit exhaustif les causes suivantes :
A. L'inégalité du système fiscal
Il est souvent reconnu que le système fiscal congolais
demeurent très fortement inégalitaire:
1° par le poids déterminant des impôts sur les
consommations (ICA) ;
2° par le faible part des impôts progressifs, les
seuls qui puissent réduire effectivement les inégalités de
revenus et de fortunes ;
3° par la surtaxation générale du travail et
des revenus du travail alors que nous savons tous que les travailleurs ne sont
pas bien rémunérés.
Il faut aussi souligner qu'aux inégalités mises en
place par la loi fiscale s'ajoutent les inégalités
découlant des conditions d'application de cette législation
fiscale. Certains impôts peuvent être plus facilement
fraudés que d'autres, et les moyens de prévention et de
contrôle ne sont délibérément pas mis en place.
(1) Christian Troussier, op.cit
(2) Jean-Jacques Bienvenu et Thierry Lambert, op.cit. p. 220.
(3) Amadou YARO N, op. cit,
B. Les mentalités
Les contribuables n'ont pas ce qu'on appelle « la
culture fiscale ». Rares sont ceux qui payent réellement
l'impôt sauf certaines catégories professionnelles comme les
salariés, les sociétés commerciales, etc. Cela se traduit
par l'absence l'exemplarité des autorités politiques et
administratives en matière fiscale en s'octroyant des exemptions et
exonérations indues(1).
C. La pression fiscale
On dit souvent que trop d'impôts tue l'impôt. Les
fraudeurs potentiels frauderaient d'autant plus que le poids de leur
impôt leur serait insupportable.
De ce fait, l'excessive pression fiscale favorise les
comportements frauduleux. Une partie des fraudeurs considère même
comme légitime cette forme d'incivisme lorsqu'il calculent ce qu'ils
doivent chaque année à l'Etat. Et cette position a
été réconfortée par ADAM SMITH qui dit que «
il ne fait pas de doute qu'un impôt exorbitant de l'ordre de la
moitié ou même du cinquième de la richesse de la nation
justifierait, comme tout abus flagrant de pouvoir, la résistance de la
part du peuple»(2).
D. La conjoncture économique
La majeure partie des contribuables vit dans la
pauvreté ; c'est ce qui fait que les congolais ont du mal à payer
l'impôt pour le peu qu'ils gagnent. Raison pour laquelle ils ont choisi
la fraude fiscale.
(1) André Philippe FUTA, Incohérences,
archaïsmes et autres maux du système fiscal congolais in
www.minfin.rdc.cd/fiscal/archaïsme.htm.
(2) Bertrand Lemernicier, L'évasion fiscale est-elle
un devoir moral ? in revue éthique, octobre 2001.
E. L'appât du gain
Certains commerçants (personnes physiques ou morales)
se lancent dans la fraude fiscale pour que une partie de leurs
bénéfices ne soit pas imposée (en majorant les frais, en
dissimulant les recettes, etc...). Et les mesures nécessaires pour leur
contrôle ne sont délibérément pas mises en place.
C'est aussi le cas de nombreuses professions libérales
qui disposent de nombreuses possibilités de soustraire une partie de
leurs activités à l'impôt.
F. L'idéologie et
l'étatisme(1).
Cela dépend du modèle de l'Etat que l'on utilise
pour comprendre les relations politiques entre les individus. On peut
distinguer deux grands modèles : le modèle orthodoxe de l'Etat,
héritier de la philosophie politique de Hobbes et Rousseau ainsi que de
la tradition économique classique, et le modèle du
Léviathan, apparenté à la philosophie de Locke et à
l'analyse économique contemporaine des choix publics.
Le modèle orthodoxe de l'Etat domine la théorie
économique des finances publiques depuis plus de deux siècles. On
part de l'idée que seule l'autorité peut satisfaire la demande de
« biens publics » comme la sécurité et la
défense nationale et de tout ce que l'on appelle aujourd'hui «
services publics ». Comme, par hypothèse, tout le monde profite
automatiquement de ces services, chacun sera tenté de jouer le passager
clandestin en refusant de payer sa part.
En effet, le modèle orthodoxe de l'Etat ne rend pas
bien compte de plusieurs observations empiriques, notamment : la croissance
phénoménale de l'Etat moderne, notamment au cours du
20ème siècle, le niveau actuel des impôts, qui
équivalent globalement à 50% de ce que les gens produisent et
gagnent ; l'inégalité des impôts parmi les contribuables et
le découplage entre les impôts payés et les avantages
reçus ; l'insatisfaction montante des gens au fur et à mesure que
l'Etat agrandit son domaine prétendument pour répondre à
des demandes générales.
(1) Pierre LEMIEUX, L'économie de la
résistance fiscale selon la manière dont on modélise
l'Etat, l'évasion fiscale entraîne des conséquences bien
différentes in le Figaro-Economie, 30 janvier 1997, p. XI.
Concernant le modèle Léviathan, Thomas Hobbes
avait assimilé l'Etat souverain à Léviathan, le monstre
redoutable du livre de Job. On rattachera quand même le modèle
hobbien à la tradition orthodoxe puisque l'Etat, malgré son
omnipotence, demeure mystérieusement au service de ses sujets. C `est
à des économistes et des politologues de notre époque que
l'on doit un modèle plus réaliste de l'Etat Léviathan.
C'est dans leur ouvrage `'The power of to
tax»(1) que James Buchanan et Jeffrey Brennan, deux têtes
d'affiche de l'école des choix publics, modélisent l'Etat comme
une institution qui cherche à maximiser ses revenus. Au nom de la
justice sociale ou pour le compte de ceux qui sont du bon côté du
guichet, le Léviathan ira cherche chez les contribuables le maximum
qu'il peut en tirer sans risquer de tarir la poule aux oeufs d'or ou de
provoquer une révolution.
Mais, si l'Etat cherche à lever des impôts
maximum sans égard à la demande de biens publics, s'il exploite
les contribuables au profit d'une minorité (ou d'une majorité)
qui reçoit plus qu'elle ne paie, alors la fraude fiscale (et
l'évasion) trouvera une justification non seulement morale mais aussi
économique.
G. Les refus des contraintes
C'est dans le sens du caractère obligatoire ou
contraignant de l'impôt. Pour Nozick, qui se réfère
explicitement à KANT, il est mal de forcer un individu à payer un
impôt pour financer des biens ou services auxquels il n'a pas consenti.
Il est alors légitime de résister à l'impôt par la
fraude fiscale, l'évasion fiscale ou la révolte fiscale. Pour
lui, la fraude fiscale, la compétition fiscale, l'évasion
fiscale, les révoltes fiscales sont bonnes car elles contraignent les
gouvernants à choisir des moyens respectueux des droits individuels pour
arriver à leurs fins(2).
(1) Bertrand Lemernicier, L'évasion fiscale est-elle
un devoir moral ? in revue éthique, octobre 2001.
(2) Idem
H. Le goût du risque
En effet, certains contribuables veulent souvent défier
l'Administration fiscale. Ils veulent s'assurer si son contrôle est
efficace.
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