II.4.1. Recrutement de fonctions structurelles :
Le cas le plus étudié est
l'intégrité des extrémités chromosomiques chez la
drosophile. A l'inverse de la plupart des organismes, cette
intégrité n'est pas assurée par la
télomérase qui catalyse la synthèse des courtes
répétitions terminales, elle est assurée par deux
rétrotransposons de types non rétroviral (sans LTR), les
LINEs TART (pour Telomerase Associated RetroTransposon) et
Het-A, ils sont d'environ 7kpb, les TART codent pour leur
propre transcriptase inverse (TI), ils sont donc autonomes tandis que les
Het-A doivent être transposés en trans par une
TI fournit par un TART ou d'autres rétrotransposons.
Après chaque cycle de réplication, les extrémités
chromosomiques sont érodées par une réplication
incomplète, ensuite elles sont régénérées
grâce à la rétrotransposition des TART et
Het-A. De façon tout à fait remarquable, un
équilibre dynamique s'est installé dans ce système
où le taux moyen d'érosion est égal au taux moyen de
transposition. Par ailleurs, structurellement le domaine transcriptase inverse
de la télomérase présente des similarités avec les
transcriptases inverses des rétrotransposons ce qui soulève la
question de l'ancêtre commun : était-ce la RT d'un
rétrotransposon ou celle d'une télomérase ?
(Anxolabéhère et al., 2000 ; in Luchetta et
al., 2005 ; Renault et al., 1997).
II.4.1. Recrutement de fonctions enzymatiques :
L'exemple le plus frappant d'un tel recrutement est
probablement apporté par le système immunitaire des
vertébrés. Ce système doit être capable de
reconnaître des millions d'antigènes différents, cette
diversité est générée au niveau des lymphocytes au
cours de leur développement, suite à des remaniements de l'ADN au
niveau des gènes codants les immunoglobulines et les récepteurs
des cellules T, le processus conduisant à ces remaniements a
été appelé Recombinaison V(D)J (In Luchetta et
al., 2005 ; in Watson et al., 1994). Dans ce système,
deux protéines RAG1 et RAG2, sont essentielles pour la recombinaison,
elles possèdent en effet à la fois la propriété de
reconnaître des séquences nucléotidiques spécifiques
correspondant à des signaux de recombinaison
placés au voisinage des segments V, D et J, et celle de
cliver de l'ADN immédiatement à proximité de ces signaux,
ces derniers, composés d'héptamères et de nonamères
très conservés et séparés les uns des autres par
des séquences relativement homogènes de 12 ou 23
nucléotides, évoquent les répétitions terminales
inversées de nombreux éléments transposables. Donc RAG1 et
RAG2 se comportent exactement comme des transposases c'est-à-dire
reconnaissance de sites de coupures et activité endonucléase. Par
ailleurs le mécanisme de réparation de la coupure double brin de
l'ADN après excision de fragments V(D) ou (D)J est similaire à
celui observé pour la réparation chez les transposons Ac/Ds
de Zea mays . L'ensemble de ces observations suggèrent que les
gènes rag1 et rag2 dérivent d'un ancien
élément transposable (l'élément Transib)
de classe 2 possèdant des ITR semblables aux actuels signaux de
recombinaison entre les séquences V, D et J. L'élément
à l'origine de rag1 et rag2 serait devenu immobile par
la perte de ses ITR (Figure 5.1) (Anxolabéhère et al.,
2000 ; in Luchetta et al., 2005).
Figure 5.1 : Origine du système
immunitaire des mammifères par coaptation de l`activité
transposase d`un élément transposable : Les
éléments transposables à l'origine de la recombinaison
V(D)J devaient posséder des répétitions terminales
inversées (RTI) comme ceux des transposons de type II, et deux
gènes (rag1 et rag2) codant les deux propriétés
essentielles d'une transposase : la reconnaissance des sites de coupures et
l'activité endonucléasique. Selon le modèle, les
recombinases RAG1 et RAG2 et les motifs répétés du
système V(D)J dérivent de ces anciens éléments
transposables (Anxolabéhère et al., 2000).
Élément transposable d'origine
Cluster des gènes immunoglobulines
V
RTI ITR
RTIa
RAG1
RAG1
ITRa
rag]
rag]
D RTIa ITRa J
rag2
rag2
RAG2
RAG2
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